L’herbe des nuits – Patrick Modiano
Quelques bafouilles griffonnées dans un calepin, des souvenirs qui resurgissent et remuent le cœur et l’âme, un méli-mélo de sentiments, des bouts de vie couchés là sur le papier… Jean se souvient et se replonge dans son passé en kaléidoscope, recoud peu à peu les bribes de celui-ci chargé d’aventures et de mystère. C’était en 1960 à Montparnasse, entre autres…
L’auteur berce le lecteur de la douce mélopée de ses mots et l’invite à le suivre et, qui sait peut-être à reconstruire pierre par pierre l’édifice de ses souvenirs. Ainsi, l’on traversera Paris d’un bout à l’autre, de l’Ile Saint-Louis au Val-de-Grâce, en s’attardant à Montparnasse, précisément à l’Unic Hôtel, lieu glauque fréquenté à l’époque par d’étranges noctambules, agents secrets, repris de justice et surtout une jeune femme énigmatique, Dannie, qui cache de biens lourds secrets… En se rapprochant d’elle, Jean apprend qu’elle serait mêlée à une sombre histoire criminelle…
Tel l’archet qui caresse le violon, la plume de l’auteur glisse sur le papier et les mots chantent et virevoltent comme des notes de musique sur une gamme. La poésie et l’amour imprègnent ce récit d’un bout à l’autre et chaque page tournée fait l’effet d’une aria émouvante, un peu comme la célèbre Casta Diva chantée par Maria Callas, qui laisse une larme à l’œil et un pincement au cœur. Car l’écriture de Modiano est ainsi… Une musique, une voix intenses.
L’auteur fait renaître ici les fragments de ses 20 ans, tantôt chaotiques, tantôt obscurs mais derrière tout cela, se cache toujours l’amour, le vrai, le grandiose, celui qui enivre puis déchire aussi vite. L’atmosphère du roman est teintée de gris-noir mais l’auteur l’orne de tant de poésie que l’on se laisse guider sans crainte dans ce Paris d’antan.
Le lecteur chausse ses godillots et marche dans Paris aux côtés de l’auteur, découvrant tour à tour les lieux qui ont marqué sa jeunesse dans les Années folles mais ce plongeon dans le passé n’est qu’un interlude, un préambule, avant de revenir sur place et se laisser porter aujourd’hui par les rêves d’hier, ne jamais éteindre la petite loupiote que l’on a dans le cœur…
Au moment de refermer ce livre, une étincelle a brillé dans le mien…
Splendide, tout simplement…
L’herbe des nuits de Patrick Modiano, éditions Gallimard