Elle a aimé Thomas, intensément. Lui, ce passionné de mots, de musique, ce garçon expansif et gai-luron, qui échoue d’abord deux fois à Normale sup, puis élabore une thèse sur Proust à l’université de New York, sans grande conviction. Et tandis qu’il ira d’échecs en défaites, il se trouvera bientôt au bord du précipice… Jusqu’à ce 22 avril 2008 où le drame arrive… Thomas se suicide à 39 ans dans son appartement à Richmond.
À travers une écriture émouvante et rectiligne, la grande amoureuse et narratrice Catherine Cusset livre ici la dégringolade d’un homme qu’elle a aimé jadis. Alors que Thomas quitte la France pour s’installer et enseigner aux États-Unis, elle le suivra plus tard et une amitié sincère naîtra entre eux deux.
Le style bien rythmé virevolte et nous entraîne dans une histoire de perdition, de chute vertigineuse provoquées par le chaos que suscitent l’échec et les actes manqués d’un homme à l’âme fragile, devenue exsangue de vivre d’excès et d’un trop-plein de désillusions. Car, avant de mettre fin à ses jours, Thomas connaîtra le naufrage de sa carrière minée par ses négligences répétées dans l’exécution des travaux de recherche qu’il doit rendre à l’université, son employeur. Et s’ensuit aussi la dérive dans sa vie sentimentale car le séducteur plonge dans l’enfer de la dépression, erre de médecins en psychologues, s’accroche à la Dive bouteille et aux médicaments qui l’entraînent vers le vide sidéral.
Tout au long de ce récit, l’on se prend à s’apitoyer et soutenir cette narratrice désemparée de faire revivre ici un homme qui a compté tellement pour elle. D’abord son amant puis son ami, il a marqué 22 ans de sa vie et l’auteure lui rend un hommage intense, le ressuscite un peu puisqu’elle s’adresse à lui en le tutoyant comme s’il était encore ici-bas. Cela donne au récit une vigueur exacerbée et les émotions s’immiscent entre chaque ligne. Car l’auteur ne veut pas entendre parler d’usure par le temps ni de souvenirs élimés par les années écoulées. Non, elle opte plutôt pour une renaissance des pans de sa vie qui ont compté si fort, faire revivre de sa plume l’amoureux puis l’ami qui a fait chavirer son cœur d’abord puis une âme complice pour recevoir ses confidences.
Pour l’atmosphère imbibée de désolation mais qui jamais ne tombe dans le pathos et le larmoiement, pour toutes ces bourrasques d’émotions qui contournent le drame sans jamais tout à fait l’esquiver, pour l’amour qui jouxte avec les souvenirs. J’ai beaucoup aimé.
L’Autre qu’on adorait de Catherine Cusset, éd. Gallimard
Date de parution : 18/08/2016
Article publié par Catherine le 28 septembre 2016 dans la catégorie
Grand vin
Après une vie bien chargée, Bruno se pose et s’installe à Venise, dans le quartier de Dorsoduro. Sa vie ronronne doucement, sans anicroche, sans fantaisie, dans une solitude désespérante. Un beau jour, alors qu’il vit là-bas depuis presque un an, s’arrête chaque jour dans le même café, il voit passer une jeune femme à la beauté magnétique. Il l’aborde délicatement. Elle s’appelle Keiko. Bruno tombe en pâmoison devant cette beauté nippone et il tente de la séduire. Elle se montrera d’abord distante, peu attirée par lui, et fait fi de son jeu de séduction, Ainsi, elle n’acceptera une nuit d’amour avec cet inconnu qu’à la seule condition qu’il arrive à l’émouvoir avec une belle histoire, de beaux mots, voire un poème.
L’auteur nous happe tout au long de cette balade vénitienne, à travers les histoires des coins du monde visités jadis par Bruno, qu’il raconte à présent dans un récit qui ressemble à un recueil de nouvelles, une sorte de journal d’une séduction aussi puisqu’il s’agit de quérir le cœur de la belle Japonaise férue de poésie et de lettres d’amour.
Et le héros galant nous touche en plein cœur, nous les témoins de sa quête de la belle jeune femme et nous n’avons qu’une hâte, celle de les voir réunis enfin pour un bout de chemin.
Un premier roman très réussi qui nous plonge dans les tréfonds d’une âme solitaire à la recherche d’amour et d’émotion, d’un nouveau souffle grâce à une rencontre improbable dans la cité des Doges.
Et l’on se laisse porter par l’écriture délicate et poétique de l’auteur et se réjouit de voir poindre à l’horizon l’espoir d’un bonheur larvé, une nuit d’amour endiablée récompensant le séducteur prolixe…
La soledad de Natalio Grueso, éd. Presses de la Cité
Date de parution : 01/09/2016
Article publié par Catherine le 13 septembre 2016 dans la catégorie
Grand vin
À cause de son récent divorce d’Esther, la mère de ses deux enfants, Augustin vend sa maison. L’âme en pleine dérive, complètement chamboulé par le déménagement, il s’échappe en voiture, emportant avec lui un maigre bagage : quelques photos, un pc et deux vélos. À la recherche d’un gîte de fortune, il croise plusieurs personnes que les aléas de sa nouvelle vie mettent sur sa route. Ainsi, une femme rencontrée par hasard le pourchasse tout au long de son périple à la recherche d’un hôtel. Et il se met à gamberger, repense au désarroi vécu par sa mère, chassée jadis de son appartement cossu de Neuilly. Et la morosité s’installe… Il entreprend désormais une quête afin de lever d’anciennes rancœurs. Fébrile et colérique à fois, il entreprend de ressusciter l’histoire de cette mère qu’il haïssait et a enterrée sans verser la moindre larme. Mais ses nombreuses rencontres lui ouvrent la trappe des souvenirs enfouis et lui donnent une autre opinion et une autre vision de cette mère qu’il a longtemps dénigrée.
Avec un talent indéniable, l’auteur tisse et défait sa vie et celle de sa famille. Encore un roman à la thématique d’une banalité affligeante direz-vous… Mais il n’en est rien et l’on reste scotché de la première à la dernière page à cette saga familiale et l’on suit avec enthousiasme les pérégrinations de ce héros déchu.
Et l’on se ravit et s’émeut de cette manière tout à lui qu’a l’auteur de scruter et décortiquer ses émois, ses amours et ses ressentiments. Et pour palier cette bourrasque intérieure, Augustin parcourt la France d’un bout à l’autre, à la recherche de sérénité, de paix et espérant peut-être panser ses blessures.
L’histoire d’un règlement de compte et d’une réconciliation avec l’Absente, la défunte mère détestée et mise à l’index à moult reprises… Comme à l’accoutumée, l’auteur nous touche avec sa plume d’auteur en perdition, d’homme troublé au charme discret s’acharnant sur les souvenirs d’une bâtisse désertée de force, des amours révolus et le spectre d’une mère maudite.
Et l’émotion agit toujours et encore à travers les lignes de cet écrivain tourmenté…
L’absente de Lionel Duroy, éd. Julliard
Date de parution : 18/08/2016
Article publié par Catherine le 4 septembre 2016 dans la catégorie
Grand vin
Douglas, biochimiste, et Connie, mariés depuis vingt ans, ont un fils de 17 ans, Albie, passionné de photographie. Les aléas de la vie n’ont pas eu raison de la famille. Et à coups de compromis et de concessions, on peut dire qu’elle est soudée et solide, prête à braver les vents contraires. Puis une nuit, Connie annonce tout de go à Douglas qu’elle ne l’aime plus. Et le couperet tombe soudain…
Ils feront malgré tout un grand voyage organisé de longue date, le tour des grandes villes culturelles européennes. Ainsi, ils s’arrêtent d’abord en France où Connie était jadis étudiante en art. Puis entre musées, tavernes et pizzerias ils sillonneront Amsterdam, Munich, Vérone, Rome, et ailleurs. Tandis qu’Albie les photographie, Douglas gamberge, médite et fait le compte à rebours des caps de sa vie et toutes les crises, celle de la cinquantaine difficile, de son couple et de son ado, et voit l’horizon se ternir peu à peu. Mais ce voyage sera-t-il la seule issue possible pour raccommoder les blessures récentes et celles plus anciennes de la relation tumultueuse qu’il entretient avec son fils ?
À travers 552 pages, l’auteur nous invite à faire nous aussi un périple tantôt teinté de notes enjouées, tantôt misérables. L’on passe du sourire, au rire jaune et à l’amertume en deux temps trois mouvements. Et puisque, lassés des états de cette famille moderne, on n’a qu’une seule hâte, celle de s’intéresser un peu plus aux lieux croisés par les trois héros. Mais les élucubrations de ceux-ci prennent désespérément trop de place dans le panorama culturel de ces belles villes traversées.
L’écriture, certes enlevée, le style rythmé, les situations parfois cocasses, parfois plus mélancoliques, ne sauvent à mon sens pas le récit où foisonnent en abondance les clichés et les images de déjà vu moult fois.
Il eût peut-être mieux valu alléger le volume du roman car le kilo de pages pour une histoire sommes toutes d’une banalité affligeante est à mon avis stérile…
Nous de David Nicholls, éd. 10/18
Date de parution : 07/04/2016
Article publié par Catherine le 28 août 2016 dans la catégorie
vin de table
Dans un appartement défilent tour à tour cinq femmes d’âges différents. Pourquoi se retrouvent-elles là ? Est-ce pour une cause plus ou moins légitime ou plus ou moins honnête ? Les unes après les autres passent dans ce lieu insolite et découvrent le soutien-gorge rouge de la propriétaire, nonchalamment abandonné dans une pièce. Et dans le cœur et la mémoire de Déborah, Marie-France, Muriel, Eve et Béatrice, cet objet intime fera resurgir des souvenirs du passé, remuera en elles des épisodes confus…
Ce bout de dentelle de couleur rouge va réveiller pour certaines des souvenirs de passion intense tandis que pour d’autres il suscitera des moments tumultueux de leur passé. Troublées par la présence de cet objet, elles se remémorent des instants intenses mais aussi des douleurs.
Un récit qui ressemble à un recueil de nouvelles où chaque chapitre donne à l’histoire une nouvelle énigme, une surprise inattendue, un éclaircissement. Le lecteur suit avec enthousiasme les histoires de ces femmes et s’invite dans ce huis-clos pour accompagner ces femmes au cœur meurtri, leurs souvenirs enfouis délicatement réveillés par une dentelle rouge intime.
L’auteur nous livre ici un récit d’une grande élégance qui coule comme une rivière dans une prairie rafraîchie par la rosée matinale. Les mots virevoltent et dansent et les héroïnes, toutes attendrissantes, toutes charmantes, nous invitent à ce pas-de-deux rempli d’émotion, dont nous ressortons tout émus.
La sensibilité et la délicatesse s’immiscent dans chaque ligne et après avoir refermé l’opus, nous n’avons qu’une hâte, le relire aussitôt et filer dans un magasin de lingerie pour y faire l’acquisition d’un soutien-gorge rouge que l’on rêve dégrafé par un amoureux aux douces mains… (petit clin d’œil perso…)
Cœur Croisé de Pilar Pujadas, éd. Mercure de France
Date de parution : 02/06/2016
Article publié par Catherine le 17 août 2016 dans la catégorie
Grand vin
Bettina, 32 ans, célibataire, expert-comptable, est passionnée par les mathématiques. Elle se sent heureuse, même si elle n’a pas de compagnon et que sa vie professionnelle ne lui donne pas pleinement satisfaction. Mais elle se met soudainement à grossir. Et l’obésité s’installe de manière incompréhensible, lui donnant un physique ingrat… Elle se concentre alors sur ce qu’elle a plus précieux, la passion des nombres et l’arithmétique. Puis un jour, elle participe sous le pseudonyme de Sœur Isolde, à un concours de calcul mental organisé par une chaîne de télévision, qu’elle remporte haut la main. Grâce à elle, l’audimat de l’émission explose et Bettina devient la star des mathématiques et une cour de fans l’entoure et la vénère. Même Damien, le producteur de l’émission tombe amoureux d’elle.
Et grâce à l’intervention de Damien, Bettina devient chroniqueuse pour une émission scientifique. Épanouie et bien dans sa peau, bercée par l’amour que lui donne Damien, elle se met soudainement à maigrir. Ravie de sa nouvelle silhouette séduisante, elle se sent pousser des ailes et la rend intrépide. Mais son nouveau corps la rendra-t-elle vraiment plus heureuse ?
À travers une écriture enjouée et un style rythmé et spontané, l’auteur nous convainc que quel que soit la dessein d’une femme, elle en maîtrisera toujours la trajectoire et ce, même si parfois celle-ci est semée d’embûches, pourvu que surgissent des moments d’émotions, un amour improbable…
Un récit succinct distrayant, plein d’humour qui fait passer un bon moment, à tout le moins, un instant d’évasion léger et sans prise de tête. Je serais d’ailleurs moi-même peu prolixe car une fois le livre refermé, je n’en garderai que quelques souvenirs fugaces d’une lecture de vacances agréable mais sans plus…
Arithmétique de la chair de Macha Méril, éd. Flammarion
Date de parution : 09/03/2016
Article publié par Catherine le 11 août 2016 dans la catégorie
Cru bourgeois
Jeanne se rend à Nice en compagnie de sa mère, gravement malade, et de sa grand-mère paternelle. Pour la mère de Jeanne, atteinte d’un cancer en phase terminale, ce sera un voyage ultime. Elle restera d’ailleurs dans sa chambre d’hôtel aux côtés de la grand-mère. Désespérée et battante à la fois, elles croient encore à la vie, plus que tout, dans ce monde si impitoyable qui ne fait aucun cadeau… Alors, tour à tour elles rient puis pleurent, puis se ressaisissent quelques instants et s’accrochent à un soupçon d’espoir.
Doucement, Jeanne se prépare à la disparition de sa maman. Elle se promène longuement, se remémore son père qui s’est enfui lorsque a sonné le glas de la maladie. Dans Nice elle déambule et se rend au Cours Saleya. Nichée au fond, dans un coin, Sainte-Rita, la patronne des causes désespérées veille. Pourra-t-elle aider sa mère à vaincre la maladie ? Qui sait.
Sur la promenade des Anglais, Jeanne rencontre Gabriel, sur un banc. Il la séduit, voudra la revoir. Elle l’attire, l’interpelle. Elle lui parle de la maladie de sa mère, de la disparition de son père mais ne dit pas grand-chose d’elle. Il lui reprend la main, veut l’emmener avec lui. Elle hésite, tout est si compliqué… Et l’amour s’immisce doucement dans le cœur de cette jeune femme qui se cherche encore.
À travers une écriture aérienne et délicate, l’auteur dépeint l’âme en plein chaos d’une jeune femme qui a grandi auprès d’une maman d’exception, douce, fragile, au cœur immense, fusionnelle, freinée injustement dans sa course au bonheur par des vents contraires, victime du couperet de la maladie.
Un récit bouleversant qui remue à l’intérieur et vous déchire le cœur et l’âme. Les thématiques de la relation fusionnelle mère-fille, de la maladie d’un proche, de l’amour improbable sont abordées avec pudeur et délicatesse, sans jamais frôler l’emphase ou le pathos.
Ainsi, il faut s’imprégner à petites doses de ce récit succinct afin de rencontrer les messages subtilement livrés par l’auteur.
Poignant…
Le sommeil le plus doux d’Anne Goscinny
Article publié par Catherine le 1 août 2016 dans la catégorie
Grand vin
Un beau petit bout de femme : 50 ans, 50 kilos et une allure de jeune fille. Aujourd’hui célibataire, elle vit dans l’Alentejo et travaille comme correctrice pour une maison d’édition. Intense et passionnée, elle a une énergie débordante. Sa vie amoureuse a été tumultueuse. Mais il y a eu Lui… Il l’avait d’emblée séduite avec sa petite gueule d’amour, son air de poète et ses paroles d’artiste. Elle l’a aimé à perdre la raison mais il s’en est allé, la laissant exsangue. Furieuse aussi. Elle se retrouve là, désemparée et enragée, bien décidée à se venger.
Alors qu’elle se rend à Lisbonne chaque dimanche pour soigner le chat d’une amie partie en voyage, elle nourrit de plus en plus l’envie de vengeance envers l’homme maudit qui l’a abandonnée. Entre les livres, ses quelques brasses à la piscine, elle met tout en œuvre pour que son schéma de représailles ne soit pas foireux.
Mais avant, il lui faut se ressourcer. Elle se réfugie dans des bras improbables, chaque dimanche, ceux d’hommes qui vont faire renaître en elle une dose de courage et de confiance.
À travers une belle écriture, certes, mais pas époustouflante pour autant, où s’immiscent çà et là quelques mots osés, voire audacieux, mais sans jamais être vulgaires, l’auteur nous livre un récit d’amour bien rythmé, au style tantôt léger, tantôt plus soutenu.
Un bon livre de plage qui n’offre guère d’invitation à de grandes réflexions philosophiques, juste distrayant sans plus. Un récit qui ressemble plutôt au journal d’une femme désabusée en quête de règlements de compte.
Tout est dit. Je serai peu prolixe donc car le livre, certes sympathique, n’appelle pas de longs développements…
Mon amant du dimanche par Alexandra Lucas Coelho, édition du Seuil
Date de parution : 07/04/2016
Article publié par Catherine le 25 juillet 2016 dans la catégorie
vin de table