Nobu est un père de famille comblé, fier d’être à la tête d’un juku (institution prestigieuse de cours privés pour collégiens). Un jour, il reçoit un appel téléphonique d’un ancien élève de son père, qui s’est suicidé quinze ans auparavant. Cet élève souhaite le rencontrer et voilà que Nobu est tout chamboulé …
Peu à peu, il apprend les circonstances tragiques qui ont poussé son père à se suicider et découvre des vérités, des secrets larvés. Des non-dits se lèvent et des révélations donnent la lumière à toute cette troublante histoire de suicide qui avait plongé Nobu dans la pénombre et le désespoir pendant toute sa jeunesse.
L’auteur nous invite à suivre la vie quotidienne d’un Japonais sans histoire. Les mots nous bercent d’une douce mélopée et le récit porté par une plume simple, touchante, poétique nous donne un moment de bonheur intense.
On se retrouve d’un bout à l’autre du Japon, s’imprégnant çà et là de sa culture, de sa philosophie, de sa traditionnelle sérénité.
Par une écriture pudique, sans fard, il émane des personnages de ce livre une grande réserve, une douceur immense. Tout est légèreté et émotion. La vie coule paisiblement, les secrets sont enfouis ou parfois discrètement livrés, les violences se taisent alors que sonne dans les cœurs l’écho d’une grande tristesse, mais celle-ci ne pointe jamais son nez au dehors, ce ne serait que pure mesquinerie, que pur non-respect …
Tonbo signifie « luciole » en japonais. En donnant à son récit le nom de cet insecte éphémère, l’auteur a voulu dire cette lumière qui naît puis s’échappe pour venir mourir doucement, le temps de quelques coups d’ailes, de quelques envols …
Une lecture indispensable … Un auteur à découvrir à la hâte …
Tonbo de Aki Shimazaki, Éditions Actes Sud.
Date de parution : 04/05/2011
Article publié par Catherine le 8 juillet 2011 dans la catégorie
Grand vin
Ce roman est un peu l’histoire du temps qui passe, inexorable et silencieux, jusqu’au jour où ses ravages apparaissent brutalement. Vient alors l’époque de l’impasse et des regrets.
Alain Jessua, réalisateur, scénariste (on lui doit “la Vie à l’envers” et “Traitement de choc”) a choisi, pour incarner les années qui se sont enfuies, un critique gastronomique de renom. A 70 ans, Étienne n’a pas vu le temps passer. Il s’est investi tout entier dans son boulot, a toujours eu de la veine en amour. Il en a bien profité, les conquêtes se sont suivies presque sans interruption. Il n’a jamais eu de mal à séduire des femmes plus jeunes, mais si l’écart d’âge n’a cessé de se creuser, il a fini par atteindre un point de rupture.
Un jour tout bascule. Il aperçoit une femme ravissante. Elle pourrait être sa petite-fille, il le sait, et n’ose pas l’aborder. Désabusé, il a perdu son assurance, est devenu anorexique, en dépit des invitations alléchantes (c’est le cas de le dire) des restaurateurs et cuisiniers. Pour la première fois de sa vie, il est confronté à une réalité qui ne lui laisse plus aucune chance, ni aucune illusion. Mais Étienne a aussi un ami de longue date, Bernard. Celui-ci récupère le coup, retrouve la jeune fille, Clelia. Par chance, elle est actrice à ses heures. Il lui propose un curieux marché : elle devra rassurer Étienne en lui laissant croire qu’elle s’intéresse à lui, contre une petite récompense. Elle accepte, mais bien évidemment, cela ne sera pas aussi simple…!
… Pas aussi simple, car l’auteur est scénariste et utilise bien évidemment nombre d’ingrédients pour que cette histoire, qui serait ennuyeuse sous d’autres plumes, soit mouvementée. Et en effet, il y parvient avec beaucoup de brio. On peut éprouver un sentiment de dégoût à l’évocation des aventures parfois un peu grivoises de ces deux hommes sur le retour de gloire. Car ils paraissent odieux, quand ils se jouent des femmes et en parlent d’une manière détachée autant qu’insolente (mais réaliste !). Étienne a du culot, il va même chercher refuge chez sa femme officielle, qui l’éconduit. Il parait alors au summum de l’ignominie. Mais le temps joue son rôle, l’âge résonne comme un tocsin que nul ne peut ignorer. Alors, l’ancien séducteur parait impuissant et misérable, et le lecteur-témoin ne peut qu’éprouver un sentiment de pitié ou d’empathie. D’autant que ce vieux bougre est finalement très sensible et extrêmement sympathique. L’idylle qui se noue entre Clélia et Étienne sonne à la fois complètement fausse et terriblement juste. Fausse parce qu’elle est inventée par l’ami Bernard, et juste parce que çà et là surgissent des sentiments inattendus. Le lecteur ne va pas rester sur sa faim, il aura droit à un dénouement dont je ne vous dirai rien, bien entendu.
Il est impossible de ne pas se sentir concerné par cette histoire, tant la problématique du temps qui passe est bien mise en scène, ainsi que les affres de l’âge, et la séduction qui se fait plus discrète et laborieuse. Des dégâts que nous connaissons… ou qui nous attendent tous d’une façon ou d’une autre. Quant au style de ce roman, il convient à tout public, est sobre, sans recherche d’effets inutiles et de pathos, avec un juste dosage de mots. Chaque page est un trésor d’émotions, jusqu’à la fin, sur un ton toutefois un peu narratif.
“Bernard ne peut pas comprendre que, cette fois, c’est différent ! Ce n’est pas le sexe seul qui attire Étienne vers cette fille mais quelque chose de beaucoup plus profond. Sa beauté n’est qu’un signe. Les apparences trompeuses ? Certainement pas. Les notes sur le carnet révèlent l’acuité de son esprit. Il feuillette encore quelques pages et découvre que, sur les toutes dernières, elle a inscrit un calcul très précis des ses heures de présence à la villa. Pourquoi ?”
Petit ange d’Alain Jessua. Éditions Léo Scheer.
Date de parution : 11/05/2011
Article publié par Noann le 4 juillet 2011 dans la catégorie
Cru bourgeois
Mia, poétesse, la cinquantaine et des poussières, se fait larguer par son mari, conquis par un sourire plus jeune. Larmes, dépression, folie, séjour en milieu psychiatrique même s’ensuivent …
Puis, retour dans le Minnesota natal auprès de sa mère. Ce sera l’occasion pour elle de guérir petit à petit du vide sentimental qui l’habite. Autour de sa mère octogénaire, elle va rencontrer des femmes délicieuses, pleines de sagesse, intéressantes et drôles aussi. Puis elle se met à enseigner la poésie à des adolescentes.
C’est le début d’une reconstruction intérieure et de la mise en chantier de son cœur ébranlé.
L’héroïne se réfugie dans le giron de ces femmes qu’elle découvre petit à petit, adolescentes effrontées ou octogénaires flétries, qui toutes lui donneront un nouvel élan, une nouveau souffle de vie et lui feront gommer de sa mémoire les années tumultueuses auprès de Boris.
Le récit engourdit parfois le lecteur, certes, mais on se laissera porter doucement par la torpeur, y trouvant une finesse psychologique, une certaine fraîcheur et dans cette balade douce-amère, se cache un message grave, austère, mais délicatement livré.
L’auteur, épouse de Paul Auster – mais à ce titre, elle se montre très discrète – reste elle-même, pleine d’humilité et de simplicité.
J’ai aimé cette douce balade féminine, mais non féministe (si ç’eût été le cas le roman n’aurait pas reçu mon enthousiasme) puisqu’elle décharge son ire contre un seul homme … Plutôt, elle nous invite à partager les bouts de vie de ces femmes de toutes générations, de toutes fraîcheurs, de toutes meurtrissures aussi, celles-là même qui ont en commun avec Mia de vivre une traversée douloureuse, sans leurs hommes … partis vers d’autres cieux.
L’auteur nous livre avec beaucoup de grâce et de délicatesse un récit émouvant qui nous portera le temps d’un été. Sans compromis, elle sonde les liens amoureux, le couple et ses dérives, les sentiments qui tombent en décrépitude…
Une apologie de la poésie et de l’amitié, celle qui restaure, regonfle, donne un soubresaut quand l’âme refroidie, lacérée à grands coups de couteaux chancèle et titube …
Un été sans les hommes de Siri Hustvedt, Éditions Actes Sud
Date de parution : 01/05/2011
Article publié par Catherine le 28 juin 2011 dans la catégorie
Grand vin
De JGV, Mathias Enard a dit “l’un des plus grands auteurs d’aujourd’hui, tous territoires confondus.” Quand un écrivain parle ainsi d’un confrère, c’est chelou. Et ma foi…
Il s’agit donc d’un recueil de nouvelles.
La première parle de mort et de chasse. (je résume fortement)
La seconde parle d’amour et de chasse.
La troisième parle de chasse et de chasse.
La quatrième parle d’une dame qui a commis un meurtre.
La cinquième… Je me suis endormi.
La sixième… Je ne suis point maso.
Je n’ai rien trouvé de folichon dans ce bouquin, sauf la jolie couverture en papier glacé.
Mon reproche principal ira au style, et quelques exemples valent mieux que des palabres:
Des métaphores subtiles :
“Au bout de quelques secondes, le téléphone a cessé, un peu comme une truite agonisant sur la berge”
“Il était douloureux de parler de l’amour comme d’un chien échappé de la maison en pleine nuit pendant qu’elle était seule”
De précieux détails anatomiques :
“J’ai vu Michelle devant moi, un mouchoir en papier serré dans sa main droite, à hauteur du triangle du pubis.”
Des personnages aux facultés auditives étonnantes :
“J’entendais le murmure de l’eau ruisselant sur Michelle”
“J’ai fermé les yeux pour ne pas entendre la voix qui, peut-être, voulait me parler”
Des dialogues savoureux :
“- je voulais essayer avec toi. Hier j’ai passé la soirée à essayer toute seule” (précision: cela n’a rien d’érotique, enfin je ne crois pas…)
“- Ne dis pas ça. Nos postes se valent. Ce sont des planques pour vieux chasseurs parce que nous sommes de vieux chasseurs.”
Bref, les bizarreries ne manquent pas. Tant au point de vue du style que du contenu, tout semble un peu composé, avec peu de conviction et pas mal d’aberrations. Au fait, en Belgique on dit septante et pas soixante-dix. Mais si ce n’était que ça… A moins d’être méchamment sponsorisé par la maison d’édition ou l’agence de presse, on aura du mal à se laisser emporter par ce bouquin où tout, ou presque, est superficiel et sans ampleur. Même le milieu de la chasse est décrit de façon sommaire et peu convaincante. Les chasseurs de JVG ne ressemblent en rien à ces abrutis qui déambulent avec leurs Range Rover et Cayennes, boivent comme des trous et sont une vraie menace pour la tranquillité publique. Et puis, Aywaille ce n’est pas les Ardennes, Monsieur Juan Gabriel Vasquez !
Allez, encore un extrait, c’est bon pour le moral :
“Personne ne comprenait pourquoi on ne la découvrait jamais au même endroit dans l’immense maison ni pour quelle raison elle passait ses étés à vagabonder sur les trois hectares de terrain, comme un chat qui urine pour marquer son territoire”
Les amants de la Toussaint de Juan Gabriel Vásquez. Éditions du Seuil.
Date de parution : 14/04/2011
Article publié par Noann le 25 juin 2011 dans la catégorie
Comestible ?
Nous voici juste après la guerre, juste après la Shoah, à l’heure des survivants … Erwin, 17 ans, passe tout son temps à dormir, inlassablement, pour retrouver en songes ses repères perdus, sa famille, son quartier, son passé.
Après sa longue thébaïde à la recherche d’une paix intérieure, l’agence juive lui vient en aide, le ravitaille et l’emmène, avec d’autres jeunes gens de son âge, en Israël vers un ailleurs plus serein, du moins le croit-il, un autre bout de vie prometteur, peu importe le prix à payer, où il poursuit un « stage » rigoureux, s’acharne à apprendre l’hébreu, suit un entraînement physique éreintant … pour s’engager sur un autre chemin, un autre destin, meilleur, qui sait ?
Le voici embarqué pour une longue traversée en bateau …
Tout au long de ce périple, il va connaître l’immigration clandestine, la Palestine sous les tumultes … et enfin, l’arrivée dans les montagnes de Judée … Une aubaine en fin de compte, un emploi … Le voilà embauché malgré lui, avec ses comparses, comme ouvrier dans un chantier de construction de terrasses agricoles.
A l’instar de ses camarades, il changera de nom. Il s’appellera dès ores Aharon …
A travers une écriture d’une parfaite décence, réservée, limpide, l’auteur livre un roman autobiographique brillant sur la déloyauté, la perfidie et l’attachement au passé.
Le message est grave, rayonne de vérités parfois insoutenables, parle d’un Israélien rebaptisé, traversant une époque troublée, corrompue, celle de l’après-guerre, mais aussi celle d’un juif arc-bouté à son passé de déportation, de souffrance, de sa survie sous l’influence nazie, mais aussi de sa nouvelle vie, sa nouvelle guerre, celle-là personnelle, pour sortir du trouble, se reconstruire, se recréer un monde, regarder l’horizon, même si celui-ci est escarpé …
Saisissant, poignant, sans jamais tomber dans la charité à deux sous ou la miséricorde. Ce récit est empreint d’humilité et de respect … c’est ce qui lui donne toute sa force …
Le garçon qui voulait dormir de Aharon Appelfeld, Éditions de l’Olivier
Date de parution : 28/04/2011
Article publié par Catherine le 20 juin 2011 dans la catégorie
Grand vin
Huit mois après son départ pour d’autres cieux, Patrick Cauvin publie une étrange histoire de spiritisme et de recherche d’un être cher au delà de la raison, de l’amour, de la mort.
Paul Valenti est un psychiatre honorable. Sa vie bascule le jour où un de ses patients lui affirme qu’une jeune femme hante ses rêves. Un nom revient: “Saulkrasti”. C’est un village au bord de la Baltique. Et ce nom résonne dans la mémoire du psy, ce bled lui rappelle un amour fou dont il ne s’est jamais remis. Un curieux hasard sans doute. Mais un peu plus tard, le patient cite un autre nom : Mulliken. D’où ce type sort-il tous ces mots que le psy connait fort bien, des mots qui ont tous un rapport avec Dakota, la jeune femme dont il était éperdument amoureux ? Le patient va encore plus loin, il la décrit. Le psy croit avoir la berlue, c’est bien elle, sa Dakota, son âme-sœur. Les souvenirs refluent, mélange de tendresse et de douleur. Leur amour avait connu des moments d’extase, mais s’était soldé par une rupture violente, dont ils ne s’étaient jamais remis.
Valenti avait surpris Dakota dans les bras d’un autre, et elle hurlait de plaisir, et dans son visage se lisait un orgasme que le psy ne lui avait jamais connu. Il ne le lui a jamais pardonné, a refusé de la revoir. Depuis il vit dans le remords et le doute, sans pour autant admettre cette infidélité. Mais peut-on se permettre de ne pas pardonner, et que penser lorsque ce manque de clémence conduit au drame ? Peu à peu, c’est le psy qui va se confier au patient. Les rôles s’inversent, Valenti parle et bat sa coulpe. Il regrette amèrement d’avoir laissé la porte fermée. Le patient lui apprendra une bien triste vérité. Mais qui est donc ce type, comment connait-il si bien sa complice d’autrefois et les détails de leur relation ?
Une ambiance particulière se dégage de ce roman, un mélange de forces ténébreuses et de réalité. L’histoire voisine le paranormal, mais la réalité revient en charge par éclaircies. Le psy baigne dans le doute, il voudrait croire en un message de la femme qu’il aime par delà les frontières de la vie et de la mort, pourtant ça coince. Ce mystère doit bien avoir une clé, mais laquelle ? L’intrigue est bien conduite et réserve au lecteur son lot de surprises et de rebondissements.
Toutefois, on ne retrouve pas la plume humoristique de l’auteur, qui est ici plus sévère que d’habitude. On peut se demander si un roman de Cauvin sans humour, ce n’est pas comme un avion sans ailes, un éléphant sans trompe ou une Fiat sans panne. Mais il faut reconnaitre que dans un registre plus grave, il se débrouille fort bien. Roman tendre fait d’un mélange d’ingrédients, une intrigue légère mais (sur)prenante, un peu de psychologie, de l’émotion, du sexe. Un peu de tout à petites doses. Je vais peut-être faire hurler, mais Cauvin est pour moi un des grands romanciers populaires du siècle. Patrick, si tu nous lis de là-haut, plaise au Ciel, ne change rien, continue à gratter le papier.
La nuit de Skyros par Patrick Cauvin. Éditions Plon
Date de parution : 07/04/2011
Article publié par Noann le 17 juin 2011 dans la catégorie
Grand vin
Nous sommes à Alger au début du XXIe siècle. Adel et Yasmine, frère et sœur, jadis soudés, fusionnels, ont grandi, se sont métamorphosés, ont du mal à se parler à présent. Et la distance et le silence s’installent entre eux. Pourtant ils s’aiment toujours autant, balancés entre leur mère acariâtre et une aînée arrivée là avec toute sa famille et qui a pour seule passion la peinture, s’y adonnant toute la journée …
En bas, dans la rue, et depuis les balcons voisins, on les épie, on bavarde sur leur dos, on les trouve trop beaux, trop brillants, jusqu’à les envier et les mépriser tant ils sont un modèle de perfection … insoutenable.
Et la question se pose alors … Pourquoi le simple fait d’être soi, d’être différent, de sortir du lot, pose-t-il problème ? Parce que dans ce pays de convenances à l’esprit étriqué, être soi pour un jeune n’est que l’expression d’une supériorité, d’un éclat qu’il n’est pas bon de montrer.
Dans cet univers où l’on a signé un pacte avec le silence, des visages et des voix se croisent sans jamais se rencontrer, s’effacent puis se mêlent à d’autres dans un puzzle où chacun perd un peu de soi …
Un roman sensible, noir aussi, que l’auteur embaume toutefois d’un doux parfum de poésie. Elle nous enveloppe dans cette atmosphère de médiation, de rêve d’un ailleurs où il fait bon vivre, en attendant que les mentalités coincées dans leur carcan évoluent …
Avec beaucoup de réalisme, elle donne la parole à toutes ces générations confondues, qui s’approchent, se toisent, sans jamais se connaître, sur fond de jalousie, de rancœurs larvées, avec toujours cette envie de survivre à tout prix, malgré tout …
Violent …
L’envers des autres de Kaouther Adimi, Éditions Actes Sud
Date de parution : 01/05/2011
Article publié par Catherine le 13 juin 2011 dans la catégorie
Grand vin
Une fois de plus, Maxence Fermine nous livre un livre (quoi de plus normal), qui conte la quête d’un type un peu zarbi sur les bords autant qu’au centre, un homme qui ne trouvera le repos que par la réussite d’un projet original. Comme le titre l’indique, l’histoire se passe aux Caraïbes, à une époque non précisée mais qui doit être le début du siècle dernier… Le chemin de fer et l’électricité font leur apparition. Il y est beaucoup question de rhum, ce qui ne devrait que nous plaire, chez Livrogne! On y retrouve les ingrédients d’un bon nombre de romans de l’auteur, une ambiance, un contexte, et puis un zarbi qui est toqué, comme d’habitude. Ce créole n’a qu’une idée : devenir riche, et bien entendu cela ne se fera pas sans mal !
Aristide Sainte-Rose est d’abord employé de bananeraie, il quitte son job pour obtenir mieux, toujours mieux. Il fait des trouvailles, ré-invente le cerf-volant, conçoit le savon à la caféine, le piano qui s’accorde tout seul, etc…. Il lance une troupe de musiciens, dont il se lasse vite, développe une ferme à papillons, mais une grille laissée ouverte permet à ses pensionnaires de s’échapper. Aristide a une femme qui fait des rêves prémonitoires, auxquels il croit. Ainsi, elle lui affirme qu’il vivra cent ans, ce qui le pousse à être encore plus intrépide. Finalement, il connait le succès en créant une rhumerie, où l’on fabrique un nectar fameux qui fera tourner les têtes et assurera le pouvoir d’un général ! Le couple conçoit cinq enfants, et que donnent des enfants de zarbis ? De bien curieux personnages.
L’auteur nous dépayse totalement avec les aventures de cette famille créole sympathique. Les péripéties se suivent dans un rythme soutenu, quoique un peu lent. Il y a toujours un événement qui prend la relève. Chaque petit chapitre est a lui seul est une tranche de vie, une quête bien souvent inaboutie, suivie par une autre. Le style de l’auteur s’est étoffé depuis “Neige”, il est à présent plus riche, moins simple aussi. J’ai remarqué qu’il aime bien les mots “hiératique” et “chimère”, et préfère souvent les termes compliqués, comme “lépidoptère” au lieu de “papillon”. Parfois la simplicité ne fait pas de tort. Imaginez, Lafontaine aurait pu écrire “Le batracien qui voulait se faire aussi gros que le bovidé”, ou “L’hémiptère et l’hyménoptère”. Fermine même avait appelé un roman “Le papillon du Siam”, choix plus judicieux que “Le lépidoptère du Siam”
Il me reste à classer ce titre dans une catégorie, choix difficile, comment ranger “Rhum Caraïbes” dans un classement fait pour les vins ? Bien agréable à lire, ce roman n’est pas celui qui m’a le plus emballé. Je l’aurais vu plus court, avec une trame (un rien) plus captivante. Néanmoins cette famille de doux rêveurs est truculente. Allez hop, deux trois verres !
“Hélas, la fièvre de l’aventure se changea bientôt en fièvre des marais, et, sentant ses forces décliner, il se décida un beau matin (…) à rebrousser chemin vers Carambole. C’est à cet instant précis, alors qu’il ne cherchait plus, après s’être maintes fois égaré dans l’immensité de la jungle et les marigots de la folie, qu’il trouva la trace des pétroglyphes et de la grotte des Roches Gravées. L’entrée du sanctuaire tant convoité se trouvait à flanc de montagne, au milieu de nulle part.”
Rhum Caraïbes de Maxence Fermine. Éditions Albin MIchel
Date de parution : 04/05/2011
Article publié par Noann le 12 juin 2011 dans la catégorie
Grand vin