Grand vin

L’autre fille d’Annie Ernaux

Elle pensait être l’unique, la seule fille qu’eurent ses parents …

Mais un jour, sa mère lui révèle maladroitement le contraire. Avant de venir au monde, l’auteur a eu une petite sœur, morte d’une maladie à six ans …

Voici qu’un demi-siècle plus tard, elle va chercher à défricher le terrain de cette nouvelle traumatisante. Elle se sent plongée en plein mensonge, culpabilise, ressent même un sentiment de jalousie vis-à-vis de cette inconnue.couverture l'autre fille

L’auteur explore une nouvelle fissure de son intimité familiale, sonde la mémoire de ses proches et tente de comprendre ce passé de non-dits, d’énigmes qui la heurtent encore, comme elle les a déjà livrés dans plusieurs romans.

Toujours avec une grande pudeur, ses cris résonnent cette fois en écho dans le cœur froid de cette petite sœur perdue. A travers un message sous la forme d’une lettre, à la fois douloureux et reconnaissant, elle livre que c’est bien de cette sœur d’outre-tombe qu’est né chez elle ce sentiment d’être l’  «autre», celle-là vivante, écrivain, pour délivrer le message d’une absente qu’elle côtoie dans ses pensées, dans ses entrailles.

Comme à l’accoutumée, Annie Ernaux donne en peu de mots un message fort, et d’ailleurs pourquoi en faire autrement puisque ses mots sont justes, vrais, intenses, il n’est guère utile de faire d’eux une longue litanie …

L’auteur va à l’essentiel et son récit distillé gagne le cœur du lecteur, doucement, sans jamais le froisser.

Je serai moi aussi peu prolixe, par respect pour cet auteur que j’apprécie beaucoup, pour la saluer de ce grand moment d’émotion et pour la délicatesse de ses mots qui soulignent avec réserve cette souffrance larvée qu’elle contient et dissimule derrière une écriture qu’on lui connaît bien, troublante, subtile.

L’autre fille d’Annie Ernaux, Éditions Nil

Date de parution : 3/03/2011  
Article publié par Catherine le 24 mars 2011 dans la catégorie Grand vin
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Grand vin

La désirante – Malika Mokeddem

Shamsa, fille du soleil, fille des sables, apprend la disparition de son compagnon, Léo, dont on vient de trouver le bateau à la dérive.

Elle décide de partir à sa recherche à travers la Méditerranée …

L’amour tant spirituel que physique qui la lie à Léo lui donne la force de braver toutes les barrières psychologiques, géographiques, de mener sa propre enquête, de tenter de retrouver à tout prix son bel amant aux yeux bleus rencontré sur le port de Montpellier.

Au fil de ce roman qui se lit d’une traite, l’émotion se vit à fleur de peau. Un roman du désert, de la mer, du vent, habité par la passion et anéanti par le manque de l’être aimé.la désirante

On entend l’écho d’une enfance saharienne, celui des conflits qui déchirent l’Afrique du Nord. On y lit la solitude, la nostalgie de l’amour et de la sensibilité aux moindres frissonnements de la vie.

On se laisse porter par le personnage de Shamsa, dévorée par l’amour, qui nous entraîne dans cette aventure au bout des frontières, à travers vents et marées, d’îles en îles, de ports en criques fouillées, de déserts en plages.

L’intrigue est forte, soutenue, angoissante, mais toujours entretenue par une écriture magnifique, accrocheuse, captivante. Le lecteur est happé, suspendu jusqu’à la dernière ligne du récit où un ami de Léo révélera un lourd secret.

A travers son héroïne, l’auteur décrit avec beaucoup de tristesse les ressentiments, les remords, cette vie déchirée où règne insécurité, drogue, mafia islamo-politique. Dans ces zones de non-droit, Shamsa erre et se désole, mais s’acharne aussi pour retrouver celui qui l’a sortie de cette vie d’enfer à Oran, faite d’intolérance, pour s’envoler vers une vie où l’espoir ne serait pas vain, stérile …

L’auteur brise volontairement cette société d’intouchables qui agit sous couvert de la religion, du trafic d’armes et crie haut et fort sa révolte face au gâchis de cette jeunesse bousculée qui n’aspire qu’à la paix à … retrouver du travail tout simplement …

Poignant …

La désirante de Malika Mokeddem, Éditions Grasset

Date de parution : 09/03/2011  
Article publié par Catherine le 20 mars 2011 dans la catégorie Grand vin
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Grand vin

Une vie plus loin – Gracianne Hastoy

J’aime beaucoup l’idée que la mort ne serait pas une fin, aussi ai-je attendu le dernier livre de Gracianne Hastoy de pied ferme… et un peu inquiet que cette histoire ne tombe dans le pathos ou le cliché.

Éric, un jeune cadre égocentrique, homme imbu, peu respectueux des femmes, se retrouve aux portes de la mort suite à un accident de voiture. Il doit faire face à une sorte de tribunal suprême, présidé par un sage nommé Azahar. Dans cette cour ultime, se retrouvent des proches d’Éric ; une ancienne compagne, sa voisine d’en face, ses grands-parents… et même son chien. Celui-ci est d’ailleurs le seul à ne pas lui en vouloir. Éric aimait son chien. Plus que les humains… Il est accusé de deux homicides, un sur sa voisine qu’il a bousculée et laissée pour morte, et sur son grand-père qu’il a aidé à mourir. A présent il doit rendre des comptes, ce sera chose malaisée et rocambolesque !

une vie plus loinCe roman prend clairement le parti de la métempsychose. L’être humain meurt, pour revenir sous une autre forme et s’amender sans cesse. Et quand il atteint la perfection, c’est le Nirvana, il devient “jalon” puis “Parfait”. Mais la route est longue… Éric doit comprendre ses erreurs, se racheter, s’excuser.

L’auteure nous parle par la voix de son personnage central, à travers ses émotions. Elle parvient à se glisser dans la peau d’un homme avec conviction. Je n’ai pas eu l’impression une seconde qu’une femme tenait la plume. Il y a un mélange d’humour, de tendresse, et de férocité, qui donne un récit chamarré, truculent, mais grave aussi. Un savant mélange. Les passages sont alternés, entre le tribunal céleste et des retours dans le temps, où l’on en apprend de bien bonnes sur la vie d’Éric.  Odieux au départ, il devient sympathique à mesure que l’on comprend ce qui l’a fait agir de façon si vile. On éprouve alors une empathie pour cet anti-héros. Une écriture simple, sans trop de chichis. Un livre pour se distraire, mais qui ne laisse pas de côté l’aspect sensible.

“Un jalon, c’est un sage ?

– Presque. Offrir sa vie pour les autres, c’est magnifique. Un de nos jalons est resté célèbre chez vous, je crois. Comment s’appelait-il déjà ? Ah oui. Jésus de Nazaroth.

– Reth… Jésus de Nazareth !” ne puis-je m’empêcher de le reprendre. Est-il possible qu’il ait de telles lacunes culturelles ? Merde, c’est la base tout de même, non ?

“Si vous voulez. Vous vous souvenez ? En fait, avec lui les choses ont un peu dérapé. Du fait qu’il n’avait pas acquis suffisamment de sagesse et d’abnégation, le pauvre a cumulé les erreurs de discernement. Un bien piètre jalon ! Quand je songe que vous l’avez pris pour le fils de Dieu, alors que, de retour ici, il a encouru les pires foudres !”

Une vie plus loin de Gracianne Hastoy. Éditions Cogito

Article publié par Noann le 19 mars 2011 dans la catégorie Grand vin
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Premier Grand Cru Classé

La nuit d’ivoire – François Devenne

“Je t’ai choisi, Olelaïga. Je souhaite que tu me suives dans mon voyage”

C’est la voix sourde d’un éléphant, qu’entend un jeune guerrier Massaï dans ses rêves. Ce n’est pas tous les jours qu’un animal parle à un homme. Aussi Olelaïga voit-il dans cette parole un message divin. Il décide de suivre un éléphant qu’il croit être le messager, dans l’espoir qu’il le conduise au massif du Ngorongoro, et lui délivre une vérité suprême…

Parallèlement, Joshua, un jeune paumé, fuit le drame. Son frère a été assassiné par des badauds qui le croyaient coupable de vol. Joshua se joint à un groupe de trafiquants d’ivoire mené par Ben, un truand notoire qui ne s’épanouit que par le viol, le meurtre, et le commerce illicite. Les deux hommes sont à couteaux tirés. Néanmoins ils se supportent, abattent quelques bêtes, vendent l’ivoire. Joshua se retrouve seul et désœuvré, passant ses journées à fumer de l’herbe et à tirer quelques prostituées ou vieilles rombières blanches en quête d’exotisme.

Deuxième partie. Joshua fait connaissance d’un vieux sage qui s’est constitué une tribu de six femmes et moult progéniture. Le sage raconte à Joshua une vieille histoire, qu’il devra apprendre par cœur. Joshua se laisse prendre au jeu, et entamera de la sorte une conversion…

L’auteur nous parle avec la force de son expérience et de sa passion. Il nous fait plonger dans cette Afrique austère, riche de traditions et de contradictions, terre de sang et de feu, sujet de querelles de tribus et de jeux d’influence.

Une écriture ciselée, extrêmement précise, mais qui n’en est pas moins poétique. Une étonnante balade dans la brousse, dans un style qui la reflète, dense et riche, odieux, martial, gouailleur. Les descriptions de cette nature sauvageonne sont époustouflantes de réalisme. Et les personnages sont eux aussi bien dessinés, vifs, vils, emportés, déchirés entre besoins et voix intérieures.

Cependant aussi, ce roman peut dérouter. couverture la nuit d'ivoireL’impression vient de s’embarquer dans un frêle esquif sur un fleuve puissant. Le lecteur se retrouve ballotté, chahuté de toute part. Le fleuve s’emporte. Mais que se passe-t-il ? Voilà que l’auteur emprunte des voies d’eau secondaires et semble s’égarer. Le récit patauge parfois… avant de reprendre. L’abondance de détails donne de la vie et du relief, mais confère aussi une allure lente à l’histoire. Plus qu’un roman, ce livre est un témoignage intéressant et instructif, une pièce documentaire maitresse dans l’histoire de l’Afrique. Il donne une vision crue et sans concession de cette partie du monde oubliée, mais cependant grouillante de vie.

“Le manyata est situé sur le plateau. Ici la terre a tiré un trait sur l’horizon, revêtu un bois clairsemé. et laissé les rivières creuser leur lit sous  l’ombre de grands arbres. Un soleil féroce s’acharne sur le sol., comme s’il voulait y tatouer le dessin des feuillages. Olélaïga chemine torse nu, le dos ruisselant de sueur. Par endroits, les arbres se regroupent en bosquet autour d’une termitière; gros château ocre au donjon bordé de tours.””

La nuit d’ivoire de François Devenne. Actes sud

Article publié par Noann le 17 mars 2011 dans la catégorie Premier Grand Cru Classé
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vin de table

Hors-service – Solja Krapu

Eva-Lena, la quarantaine aigrie, professeur dans un collège, est ce genre de femme que l’on croise sans garder quelque souvenir que ce soit, parce qu’elle ne dégage rien, ni émotion, ni sympathie. Elle semble ne concevoir sa vie que par devoir, ce qui la rend austère et insipide. Que ce soit pour son boulot, sa relation avec ses trois enfants ou avec son mari, elle ne laisse aucune place à une quelconque fantaisie.
Seule son amie d’enfance arrive à la bousculer un peu …

Jusqu’à ce vendredi soir où elle se retrouve coincée dans le local de la photocopieuse de son collège et y restera … tout le week-end.
Des heures entières à ne rien faire, sauf penser et s’abandonner, l’occasion de méditer et de se remettre un peu en question aussi …couverture hors-service

Son isolement dans cette pièce exiguë, seule, sans eau ni nourriture lui donnera sans doute l’occasion d’une grande réflexion sur elle-même et sur ce qu’est sa vie, une vie sans émois, sans passion, sans flamme, une vie qui sombre, s’éteint à petits feux, une vie à côté des autres, non avec les autres …

L’auteur choisit à dessein d’amplifier les traits de caractère et le portrait de cette femme effacée, mièvre, dénuée de fantaisie, peut-être pour lui donner plus d’importance et tourne à la plaisanterie les travers du quotidien. On s’y retrouve un peu, parfois, fût-ce un instant … et ça fait frémir.

Une jolie plume, certes, sobre, douce-amère, qui dépeint les personnages avec justesse et clairvoyance. Mais sans plus …

Un récit à parcourir d’une traite, parce qu’aucune escale n’est nécessaire, fût-ce un instant, pour s’émerveiller et s’émouvoir puisque que rien ne scotche vraiment le lecteur …

Divertissant, insolite … mais dénué d’émotions.

Hors-service de Solja Krapu, éditions Gaïa

Article publié par Catherine le 15 mars 2011 dans la catégorie vin de table
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Cru bourgeois

les Petits – Frédérique Clémençon

Je suis un peu fainéant ces temps-ci, aussi en guise de préambule recopierai-je la présentation de l’éditeur :

À la veille d’en perdre définitivement la garde, un père emmène ses deux fillettes pique-niquer au bord de l’eau. Sa belle-famille s’est acharnée à tranquillement l’évincer, lui assurant que ses filles lui en seraient plus tard reconnaissantes. Il n’a qu’une journée, la première d’une vie promise au chagrin, pour tisser, ou rompre, le lien paternel.
Dans cette nouvelle comme dans les suivantes, les enfants sont des territoires que l’on conquiert ou que l’on perd. Chacun bataille pour préserver son intégrité ou, au contraire, étendre son pouvoir sur les autres. Gare à ceux qui, trop « petits » ou trop fragiles, ne savent pas résister.

Ces huit nouvelles ont comme dénominateur commun les inégalités, les injustices sociales, mises en scènes par des personnages bouleversés, des “petits”, le titre prend ici tout son sens. Des petits en proie aux lubies et au favoritisme des “grands”, à leurs brimades et leurs choix orientés, huppés, drapés de bienséance et de bonnes manières. L’auteure met en relief des comportements sociaux édifiants mais assez courants en somme, et c’est ce qui fait tout l’intérêt de ce livre. Des mots forts, durs parfois, à couper le souffle.

les petitsRécits foisonnants, grouillant d’idées, un kaléidoscope. J’ai toutefois quelques reproches, qui iront principalement au style. Ces nouvelles sont écrites comme des romans. La variation des points de vue, la digression, des sauts dans le temps et l’espace… Autant de méthodes utilisées dans un roman pour éviter la monotonie, mais qui dans une nouvelle déroutent le lecteur. Ces ‘nouvelles’ s’égarent souvent dans des développements et atermoiements, et il faut une attention soutenue et un certain esprit déductif pour en tirer tout le bénéfice.

Ensuite, on peut s’étonner de trouver des phrases de deux pages dans des textes qui en font 15 ou 20 ! Le style est parfois très simple, et tout à coup l’auteure nous embarque sans préparation dans une phrase kilométrique où l’on se où je me  perds, et qui plus est, sans que cela ajoute une force au récit. Je me demande si l’auteure écrit à la terrasse d’un café, comme Sartre et Simone de Beauvoir… Ou parfois debout dans un métro. On dirait que, selon l’ambiance, la forme prend des tournures très différentes. A côté de paragraphes sophistiqués, on en trouve de très simples, et c’est finalement cette disparité qui m’a le plus décontenancé.

En résumé, voilà selon moi un bon livre, mais qui aurait pu être bien meilleur avec un peu moins de fioritures, et quelques coupes et allègements. Les personnages sont des gens simples le plus souvent, dont les histoires auraient gagné à un traitement simple, dans une écriture plus accessible. La forme n’est pas toujours en adéquation avec le fond.

les Petits de Frédérique Clémençon. Éditions de l’Olivier

Article publié par Noann le 14 mars 2011 dans la catégorie Cru bourgeois
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Cru bourgeois

Un soupçon légitime – Stefan Zweig

En 1935, Stefan Zweig s’exile à Londres pour fuir le nazisme, avant de s’installer dans la campagne anglaise en 1939. C’est probablement à ce moment qu’il a écrit cette nouvelle, publiée seulement en 1987 en Allemand, disponible aujourd’hui dans la collection du livre de poche.

Zweig implante donc son histoire à Bath, localité où il a vécu quelque temps. Choix judicieux, on n’écrit bien que ce que l’on vit. Bath est une bourgade située à +/- deux heures de Londres, dans le sud-ouest.

Un couple de personnes âgées élit domicile près d’un canal abandonné envahi par les algues et les ronces. C’est la dame qui est la narratrice. Dans la maison voisine s’installe un jeune couple étrange, les Limpley. John Limpley est un personnage truculent, débordant d’enthousiasme et d’énergie, mais s’il est sympathique au premier abord, à la longue il est aussi envahissant qu’un lierre bien arrosé ! Sa femme est effacée, écrasée par son mari…

Votre femme s’ennuie, assure la voisine de John, il lui faudrait un chien. Aussitôt dit aussitôt fait, John se procure un chiot, et comme d’habitude, il l’encense et le vénère, jusqu’au jour où sa femme tombe enceinte… Le chiot n’est plus le centre des attentions. Il se sent délaissé. Mais c’est un animal qui a un fichu caractère…couv un soupçon légitime

Dans cette nouvelle de 60 pages, Zweig installe dès la première ligne une tension dramatique qui ne faiblit pas. Le cabot est le personnage central. C’est un être au tempérament bien trempé, très humain, qui donne par son comportement toute la force du récit. Tour à tour facétieux puis machiavélique, il fait vivre au lecteur une épopée bien originale. Les autres personnages sont eux aussi bien dessinés, la narratrice à l’émotivité exacerbée, son mari, un dandy lymphatique, Madame Limpley, résignée, et son mari extravagant. Et puis il y a aussi la campagne anglaise, dans laquelle on entre tout entier, en quelques mots.

Un texte qui se lit comme une vraie nouvelle, en une seule fois, sans relever les yeux. La version originale est publiée à la suite, une façon de remplir des pages. Puis il y a une biographie de Stefan Zweig qui ravira son public. Une histoire bien menée, mais qui m’a semblé moins intéressante que “Le joueur d’échec” ou “24 heures de la vie d’une femme”. Tout est un peu excessif. La fin est trop prévisible…

Un soupçon légitime de Stephan Zweig. Grasset/ Le livre de poche

Article publié par Noann le 13 mars 2011 dans la catégorie Cru bourgeois
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Cru bourgeois

Rouge dans la brume – Gérard Mordillat

Dans une usine du Nord, des ouvriers s’apprêtent  à lutter pour sauver leurs emplois. Faire entendre raison au patronat est leur seule motivation. Ils occupent donc le site de leur usine, mettent le feu au stock et se révoltent avec véhémence.

Parmi les personnalités les plus fortes, il y a Socko qui bascule petit à petit dans la folie, Djuna et son mari qui ne veut plus combattre, Moulin dont la tension s’affole et Anath, mariée à un professeur d’université qui la délaisse au profit de l’alcool et de ses livres, qui côtoie assidûment Carvin dont rien ne laisse présager qu’ils puissent tomber amoureux … La fermeture brutale de l’usine par les Américains les unira tous les deux. C’est dans cette lutte effrénée pour la survie de leurs emplois que naîtra leur amour.

Dans cette meute aux abois, des amitiés se défont tandis que des trahisons surgissent, des vérités éclatent à grands coups de couperets …couverture rouge dans la brume

Une toile sociale où l’auteur donne la parole aux opprimés, à ceux qui n’ont plus rien à perdre.

On est emporté, comme happé par un courant frénétique d’éléments déchaînés, de vents violents qui clouent au sol, de débordements … jusqu’au dénouement, fou, brutal, éblouissant.

A travers une écriture limpide, des dialogues enlevés, entrecoupés de scènes d’amour et de sexe brûlantes, l’auteur nous invite à suivre le destin bafoué de ces  travailleurs qui luttent avec acharnement pour que demain soit baigné d’une pâle lumière.

Le message est poignant, lourd de sens et on se laisse porter par ce roman noir social qui exhale un parfum de suie et de fumerolles.

Un univers à la manière de Zola, plus moderne, moins émouvant toutefois …

Rouge dans la brume de Gérard Mordillat, Éditions Calmann-Lévy

Article publié par Catherine le 7 mars 2011 dans la catégorie Cru bourgeois
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Blog de littérature. Critiques, extraits, avis sur les livres…

Dessin de Jordi Viusà. Rédigé par des lecteurs passionnés