Cru bourgeois

Six mois, six jours – Karin Tuil

L’héritière d’une des plus grandes fortunes d’Allemagne, mariée, mère de famille, élevée dans la plus stricte tradition protestante, tombe sous le charme d’un bel homme qui lui fait découvrir ce que sexe et plaisir veulent vraiment dire …

Voici que Madame Kant, riche, belle, bien élevée, trompe son mari avec cet amant peu scrupuleux.
Elle fléchit, perd pied, devient sa « chose » et accepte même de lui signer des chèques faramineux …

Est-ce un gigolo ? Non, il veut juste l’humilier, remuer à grands coups de fourche son passé et celui de sa riche famille sous le règne d’Hitler …

Et cet homme s’adonne à un véritable travail de recherche, prend des notes pour en faire une sorte de chronique familiale, avec, en prime, quelques révélations sur l’origine de la fortune de sa belle amante.

L’auteur nous livre une histoire de mensonge, de duplicité, inspirée paraît-il d’un fait divers. L’intrigue est intense, vénéneuse, fascinante.

Un roman cinglant, efficace, puissant mais aussi dérangeant parfois par les sujets qui y sont approchés, malsains, choquants …

On ressort de ce récit secoué, bouleversé, un peu amer même …

“Le sexe n’est pas seulement une chose divine et splendide ; c’est une activité meurtrière. Au lit, les gens se massacrent.”

«Il confia que Braun s’était donné six mois pour détruire Juliana Kant sans violence physique, sans crime – en la séduisant – il lui aura fallu finalement six mois et six jours …»

Six mois, six jours – Karin Tuil, Éditions Grasset

Article publié par Catherine le 25 octobre 2010 dans la catégorie Cru bourgeois
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Grand vin

Indignation – Philip Roth

Ce roman aurait pu avoir pour titre : la fellation de Marcus…

En 1951, Marcus Messner, un jeune homme d’origine juive, libre penseur, solitaire, plutôt athée, quitte ses parents pour entrer au Winesburg College, le plus loin possible de chez lui. Il espère échapper à l’emprise de son père, un boucher qui entretient avec son fils une relation ambigüe, d’amour et de domination. Marcus le fuit. Commence alors une quête d’identité et de vérité. La priorité de Marcus : obtenir de bons résultats, une obligation morale envers ses parents désargentés. C’est aussi le plus sûr moyen de rester en vie… La guerre de Corée fait rage. Si Marcus est réquisitionné, un bon diplôme lui permettrait d’obtenir un poste de gradé, loin du front. Les querelles contre le communisme ne font que commencer. Il est dangereux de penser autrement que l’Uncle Sam. Il est dangereux d’être son garçon de 20 ans.

Le lecteur découvre à travers les pensées de Marcus cette Amérique soi-disant libre, qui est en fait le théâtre des ségrégations en tout genre, sexuelle, raciale, confessionnelle, facultaire. C’est aussi un pays hypocrite, qui se veut bien-pensant, mais ferme les yeux sur les beuveries et les coucheries. L’acte a lieu sur les banquettes de luxueuses berlines. Marcus s’émerveillera de ses premiers amours. Olivia tente d’échapper à l’alcool et au suicide. Elle ne couchera pas avec Marcus, mais le gratifiera d’un slow blow job, acte dont il aura du mal à se remettre. Pourquoi a-t-elle fait une chose pareille ? C’est une question passionnante mais tout de même. Roth aurait pu éviter d’en reparler toutes les cinq lignes…

C’est un récit tout empreint de sincérité et d’ouverture que nous livre une fois de plus Philip Roth. Une belle indépendance d’esprit, une façon de se hisser au delà des lieux communs et des obscurantismes de tout bord,  politiques et religieux. La parole de Marcus m’a souvent touché. Je me suis glissé dans ses pensées les plus profondes, des pensées riches et généreuses. Récit touchant, à condition d’être sensible au propos, rendu par une voix unique et monocorde.

“J’ai quitté Robert Treat au bout d’un an seulement. Je suis parti parce que mon père n’avait même plus confiance dans mon aptitude à traverser la rue tout seul.”

“… ce qui s’est passé ne pouvait être que la conséquence de quelque chose qui ne tournait pas rond chez elle, mais pas forcément un défaut d’ordre moral ou intellectuel…”

Indignation – Philip Roth. Editions Gallimard

Article publié par Noann le 20 octobre 2010 dans la catégorie Grand vin
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vin de table

Des feux fragiles dans la nuit qui vient – Xavier Hanotte

Dans un lieu mal défini dans l’espace et dans le temps, une île est en état de siège pendant une guerre obscure qui n’en finit pas … Mais pourquoi personne n’ose s’aventurer au-delà des forêts du Nord. L’adjudant Berthier relit alors une ancienne légende nordique et se souvient …
L’île est alors frappée d’événements tragiques qui rendent la confrontation avec l’ennemi inévitable.
Ce livre me laisse avec des sentiments contradictoires … La plume ? Superbe, certes. Le titre du roman inspire la poésie, qui fait cruellement défaut dans ce récit au vocabulaire parfaitement choisi, académique, jusqu’à devenir ennuyeux.
Pourtant l’évocation par le lieutenant Berthier de cette légende eût pu laisser présager quelques moments de suspens.
J’ai eu du mal à entrer dans ce roman tant l’auteur jongle avec les personnages et le fil de l’histoire sans se soucier du lecteur qui, distrait, s’égare dans ce dédale. J’ai fini par me lasser aussi de la longueur du récit où rien ne se passe …

Depuis longtemps, Pierre Berthier avait cessé de croire que les hommes, et lui-même en particulier, pouvaient un tant soit peu infléchir le cours imprévisible des choses. Il n’en avait pas toujours été ainsi mais, avec le recul, cette arrogance fort répandue l’amusait presque. Selon lui, les fleuves détournés finissaient tous par rentrer dans leur lit, les plantes ensauvagées enterraient leurs jardiniers défunts et les palais bâtis pour mille ans s’écroulaient après quelques lustres sous les attaques conjointes des intempéries, de la mérule et des promoteurs.
Néanmoins, il croyait toujours dur comme fer aux vertus d’une certaine persévérance. À tout prendre, elle n’était qu’une des variantes de la fidélité, celle des perdants qui ne jouent plus pour gagner, mais davantage pour maintenir d’eux-mêmes, sans illusion sur sa réalité, une image proche de leurs rêves perdus, jamais vraiment reniés.

Des feux fragiles dans la nuit qui vient – Xavier Hanotte, Belfond

Article publié par Catherine le 16 octobre 2010 dans la catégorie vin de table
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Cru bourgeois

Corps – Fabienne Jacob

C’est une histoire toute simple de femmes … Toutes ces femmes qui arrivent dans un institut de beauté, chaussées de bottes fourrées pour se retrouver quelques minutes plus tard étendues sur une serviette, complètement nues, se laissant aller à la confidence avec l’esthéticienne.

Un conte ordinaire de la féminité, celle des instituts de beauté, pas des bords de plage …

Monika écoute les histoires de toutes celles qui défilent dans sa cabine, voit des corps souvent peu aimés, pas beaux, ou jugés comme tels, les cicatrices des premières années, les blessures de l’âme aussi … que le corps projette sans pitié.

Parmi celles qui s’abandonnent sous les doigts experts de l’esthéticienne, il y a la femme du boucher, toujours frissonnante et couverte d’engelures à force de faire les marchés matinaux avec son mari, il y a Ludmilla, vieille fille pathétique qui s’habille comme une star de cinéma, ou encore Alix qui ne supporte pas qu’on la touche …

« Corps » est aussi un peu l’histoire de la narratrice, qui se souvient de sa campagne » polonaise natale, une fille au cœur et au corps flétris par les égratignures d’un passé de pauvreté.

A travers ces histoires de chair subsiste surtout un élan de poésie, mais aussi parfois des mots à la fois crus, doux-amers et émouvants.

Pris au hasard chez le libraire un jour de stress professionnel intense, j’ai lu ce récit d’une traite, sur un banc pendant une pause-déjeuner.
Voici un roman léger, un interlude charmant dans le tumulte de la vie quotidienne …

Presque aucune des femmes qui viennent ici n’aime son corps. Les magazines qu’elles lisent à l’entrée sont remplis de corps de femmes qui n’existent pas. Elles veulent avoir le même, elles aussi, un corps qui n’existe pas. Leur corps à elles existe c’est ça le problème. Trop, à leur goût.

Corps – Fabienne Jacob, Editions Buchet Chastel

Article publié par Catherine le 13 octobre 2010 dans la catégorie Cru bourgeois
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Grand vin

l’Enquête – Philippe Claudel

L’Enquêteur est le personnage central de cette fresque, être mystérieux dont on sait peu de choses : il n’est plus tout jeune, est dégarni, petit… et c’est tout ce qu’on apprendra de lui. Il est chargé de réaliser une enquête sur une série de 23 suicides dans “l’Entreprise”. L’Entreprise est en quelque sorte l’autre personnage, le plus important en fin de compte. Elle a une personnalité assez forte, dominatrice. Une entité… envahissante ! C’est une caricature de la société moderne avec ses excès et son mépris toujours plus grand de l’employé. Elle est excessive, occupe une place démesurée dans la ville, et même dans le monde, car il n’existe guère de secteur d’activité qui lui échappe… C’est une hydre infinie, qui semble régir un univers entier et rendre les gens toujours plus fous.

L’enquêteur se rend à l’Entreprise en vue de réaliser son travail. Très vite il se heurte à des situations absurdes et burlesques. Arriver aux portes de cette firme est déjà toute une épreuve, qui demande des heures. Enfin parvenu, l’Enquêteur est renfloué au poste de garde sous prétexte qu’il ne détient pas l’Autorisation Exceptionnelle. Épuisé, il trouve refuge dans un endroit sordide, l’Hôtel de l’Espérance, véritable dédale, où la Géante lui propose une chambre sans confort. Le lendemain il retourne à l’entreprise où il rencontre le Garde, le Guide, le Responsable… etc etc, puis l’Ombre… Je passe les détails. Bref toute une série d’acteurs édifiants, un peu toqués… des miroirs multiples de l’âme humaine. Très vite dans les 40 ou 50 premières pages, on se rend compte que l’Enquêteur aura du fil à retordre !

Cette histoire ressemble en bien des points aux romans de Kafka, notamment le Château ! En effet, K., un personnage tout aussi fantomatique et mystérieux que celui de Claudel, doit se rendre à un château, juste au bout d’une route, où se trouve l’administration du village… Va-t-il y arriver ? Des événements anodins vont se succéder comme par magie pour lui mettre des bâtons dans les roues.  J’ignore si l’individu parviendra finalement à son but… Je ne suis jamais venu à bout de ces 900 pages de délire. En outre, Kafka a laissé son manuscrit inachevé. Il est mort de tuberculose en 1924. Il semble que Claudel s’en soit fortement inspiré, tant dans l’ambiance que dans la construction, la philosophie (le Château est un pamphlet contre les rouages de l’administration), et le fait que les acteurs de ce scénario restent secrets, nommés juste par un nom générique, dont la première lettre est une majuscule. Choix lourd de sens…!

Merveilleuse allégorie des temps modernes, l’Enquête est aussi un roman à dimensions multiples. Certes, si on le lit au premier degré, il peut s’avérer banal et même agaçant. Mais derrière ces mots simples et ces situations tarabiscotées se cache aussi une critique sociale acérée. l’Entreprise, c’est peut-être ce qui nous attend, le milieu de travail tel qu’il sera dans 10 – 20 ans, une multinationale hyper-puissante et totalement déshumanisée, qui absorbe tout dans son gouffre béant et se joue des êtres. C’est aussi un roman souvent fort drôle.

Au rang des bémols, j’ai regretté la répétition des ficelles. Les protagonistes sont tous un peu pareils, ils réagissent de la même façon. A force ils en deviennent un rien ennuyeux. L’histoire perd un peu de son intérêt quand on a compris le principe. Et la fin, j’aurais aimé qu’elle débouchât sur une apothéose et non sur une vague leçon de philosophie…

La pluie au-dehors avait cédé devant les avances répétées de la neige. Celle-ci tombait désormais, légère, tourbillonnante, presque irréelle, dans un ralenti qui ménageait ses effets. L’Enquêteur regarda les flocons qui dressaient devant lui un paravent mobile. On distinguait à peine le fronton de la gare, et plus du tout les quais au loin, les voies, les trains en attente. C’était comme si soudain s’était effacé l’endroit où il s’était arrêté un peu plus tôt pour prendre pied dans ce monde nouveau au sein duquel il lui fallait désormais trouver ses marques.

l’Enquête – Philippe Claudel. Éditions Stock

Article publié par Noann le 12 octobre 2010 dans la catégorie Grand vin
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vin de table

Purge – Sofi Oksanen

“Purge” est principalement architecturé autour des histoires de deux femmes, Aliide et Zara. Aliide a vécu la seconde guerre, elle s’est amourachée de Hans. Elle a connu l’occupation soviétique, puis celle qui devait durer mille ans, l’allemande, ensuite le retour aux soviets, avec ce communisme qui ne peut être que dictatorial, jusqu’en 1991. Aliide a eu une fonction trouble dans ce chaos, qui apparaitra peu à peu. Les années sombres ne sont pas derrière. Aliide n’a pas la conscience tranquille. Elle s’est réfugiée dans une vielle bâtisse en Estonie, où en 1992 elle fait la connaissance de Zara, être suspicieux qu’elle retrouve inanimée dans sa cour. Peut-être Zara est-elle envoyée par la mafia, ou comme moyen d’effraction par des voleurs. Elle est louche, cette pauvresse mal fagotée à l’abord peu sympathique, d’autant plus louche aux yeux de cette vieille femme recluse et pas bien dans sa tête. Néanmoins, Aliide l’héberge. Commence alors un huis clos, une découverte de l’autre… Zara elle a eu le rôle presque inverse d’Aliide. Battue, brimée, elle s’est laissée influencer en 1991 par Oksanken, une amie qui a “réussi” (bizarre j’avais écrit “russie”). Celle-ci va convaincre Zara que tout est rose à l’ouest. C’est le moment d’en profiter, les portes s’ouvrent. Merci Gorbatchev.

Zara veut être libre. Elle veut échapper à son logement communautaire insalubre – même aux normes russes de l’époque. Mais à l’ouest le diable rôde. Si les hommes du régime ne sont pas tendres, les souteneurs des filières européennes ne le sont pas non plus. Les hommes justement… les voilà, les mécréants de tout poil. L’homme dans ce livre, qu’il soit estonien, russe, allemand ou finlandais… est la tête de turc. La femme subit toutes les violences. L’occasion est bonne pour  une démonstration d’actes médiocres et salaces, décrits sans ambiguïté. Il n’y a vraiment aucune nuance dans le livre d’Oksanen. En ce qui me concerne, ce discours de la femme brimée, je trouve qu’on l’a assez entendu ces derniers temps.

Je ne raffole pas trop des descriptions rectilignes d’actes sexuels. Oksanen a beau dénoncer le statut peu enviable de la femme, elle fait du racolage en nous servant dans le détail tout ce que notre cerveau de primate aime entendre. Violence, sexe, torture. Tout ce qui fait frémir un lectorat avide d’émotion directe et rectiligne. On s’identifie, ressent de la compassion pour ses semblables.couverture purge
Il reste que le procédé est usé et assez racoleur. Pas de mon goût non plus les longueurs, l’exploitation du détail. Le propos, surtout au début, est parfois perdu dans des points futiles, qui vont de la tasse de café, qu’Oksanen met une demi page à décrire, à la mouche, les tentures, le sol. L’objet prend dans ce roman une place envahissante au point d’occulter l’important, les caractères. Certes le souci du détail crée une ambiance, mais bon, l’excès… Les cent premières pages m’ont semblé longues et chargées de descriptions inutiles. Après le récit se dessine et l’on commence enfin à entrer dedans. Vient l’acte, et là les descriptions ne sont plus inutiles mais elles sont barbares, sans nuance.

Par contre, j’ai apprécié la construction du récit, et la façon dont les éléments sont amenés peu à peu, ces différentes périodes qui s’éclairent. Beaucoup de bonnes idées, une ambiance, un ton convaincant, une richesse historique, géo-politique. Un livre qui a plu parce qu’il est bon, mais aussi parce qu’il met en exergue des idées très à la mode et qui plaisent, et des situations qui font vibrer notre cerveau primaire. Moi mon cerveau, enfin ce qu’il en reste, il dit… En fait de purge, le titre est bien choisi. Cette purge là, en dépit de ses qualités, n’est pas pour moi, pas besoin de laxatif.

Purge – Sofi Oksanen. Éditions Stock

Article publié par Yves Rogne le 10 octobre 2010 dans la catégorie vin de table
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Grand vin

Les Sœurs Brelan – François Vallejo

Brelan : au jeu de poker, réunion de trois cartes de même valeur …

Sabine, Judith et Marthe, trio inséparable, liées de manière subliminale, communiquent par le regard et s’entendent sans avoir à ouvrir la bouche, un peu comme les amants complices dont les yeux suffisent à eux seuls à être éloquents …

L’histoire débute dans les années 50 quand la mort du père laisse les trois sœurs orphelines. Pas question cependant de s’abandonner à la tutelle d’une tante revêche et autoritaire. Alors, à trois, plus fortes que le reste du monde, elles se prennent en charge. Marthe, l’aînée, travaillera pour subvenir aux besoins de ses cadettes, Sabine, l’arriviste, et Judith, la rebelle et rêveuse …

L’auteur démontre que les choses de la vie dénouent parfois les liens forts. Et l’amour triomphera, faisant trouver à chacune une nouvelle âme sœur. Voici que la famille, noyau lénifiant de charité et d’attention devient, sous sa plume, une geôle aux barreaux dorés qui enferme des prisonniers consentants dans un rôle hérité des aînés …

J’ai été d’emblée conquise par ce trio attachant, qui fait de la résistance pour sortir d’un carcan familial étouffant de l’après-guerre.

A travers une écriture fluide, l’auteur tisse la toile qui claquemure ces trois destins. Tantôt austère, tantôt bouleversante, cette histoire ne laisse pas indifférent …

Les Sœurs Brelan – François Vallejo, Éditions Viviane Hamy.

Article publié par Catherine le 8 octobre 2010 dans la catégorie Grand vin
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Grand vin

FLASH ou le grand voyage – Charles Duchaussois

Quand Charles quitte Marseille, au printemps 1968, pour répondre à l’invitation de son ami Gérard installé en Turquie, il ne se doute pas un seul instant des aventures incroyables qu’il va vivre, au sein du monde des hippies et des drogués, durant son long voyage vers l’Asie…

Ce livre n’est pas, cependant, un simple mémoire de faits divers survenus dans le milieu de la drogue. Charles Duchaussois nous livre, ici, son épopée fabuleuse jusqu’aux contreforts de l’Himalaya, après avoir traversé le proche et moyen Orient à pieds, en voiture, en car et, même, à dos de chameau ! Son moteur : un gigantesque appétit de vivre et de découvrir. Son combustible : l’opportunisme de savoir sauter à la gorge de toutes les occasions qui se présentent pour alimenter ses finances…

À Beyrouth, il s’associe à un trafiquant d’armes à qui il vole, un certain temps, l’épouse !  Pourchassé par la mafia turque, il se réfugie dans les montagnes du Liban, où il assiste et participe à la cueillette du haschich. Découvert, il fuit de nuit à travers les sommets enneigés et manque périr de froid ! Sur la route de Bagdad, il perd ses plus proches amis dans un terrible accident de voiture, où lui seul sort indemne ! Au Koweit, il dirige un night club ! À Bombay, pour prendre des photos et, ainsi, renflouer ses finances, il risque sa vie en violant le cimetière de la secte des Parsis, qui exposent leurs morts sur des tours de pierres afin de les offrir aux vautours, et échappe de justesse aux crocs de dangereux molosses canins, féroces gardiens de ce sanctuaire sacré ! Au Népal, sur les contreforts de l’Himalaya, il devient le médecin et le chirurgien des paysans ! C’est l’épisode de Katmandou, l’évocation saisissante de l’univers des drogués : le haschich et l’opium qui font planer, le flash de la première piqûre, le grand voyage du LSD !…

Flash ou le grand voyageMarco Polo des temps modernes, tantôt voleur, tantôt grand seigneur côtoyant les dirigeants de l’ambassade de France, Charles Duchaussois est l’incarnation même de ces héros de films qui font rêver… Jamais, sans doute, quelqu’un n’est allé aussi loin dans le monde de la drogue et de la déchéance humaine et a pu en revenir sain et sauf pour nous raconter ce qui se passe tout là bas, aux frontières de l’horreur, dans des prisons d’où l’on ne ressort jamais ! Son récit aux couleurs violentes, aux images hallucinantes, devient un documentaire bouleversant, qui nous fait pénétrer dans les coulisses d’un milieu dont nous ne connaissons que l’hypocrite façade…
Périodiquement, je relis cet ouvrage très distrayant au niveau des aventures peu communes vécues par mon  ex ami, également acteur dans mon propre livre “le dieu des enfoirés”.

J’aime beaucoup le style d’écriture qui nous tient en haleine de bout en bout, même si cette plongée progressive au cœur des “défoncés” de la drogue donne souvent le vertige et la nausée ! Son témoignage sonne d’ailleurs comme un avertissement à l’attention des amateurs de stupéfiants et peut même aider les parents, soucieux de préserver l’avenir de leur enfants, à comprendre l’état d’esprit de leur progéniture pour les préserver d’une descente aux enfers guettant les plus faibles d’entre eux…

En janvier 1970, sauvé in extremis de la prison par son ami, le consul de l’ambassade de France, Charles regagne la France en avion. Il ne pèse plus que 30 kilos et son rapatriement fait la une des journaux. L’opinion publique s’émeut et Fayard, grand éditeur de l’époque, le contacte…

En 1972, feu mon ami est de passage à Marseille pour des séances de dédicaces en librairies. Quand il grimpe sur mon voilier pour m’offrir son ouvrage, je ne le reconnais pas tout de suite, tant son aspect a changé. Tout vêtu de cuir noir, façon Johnny Halliday, il est devenu un vrai people ! Sa vie a changé et notre projet de tour du monde à la voile ne l’intéresse plus. Il s’est mis en ménage avec une amie connue sur le chemin de Katmandou et vit en Suisse, à ses côtés. De leur union officieuse naîtra un garçon, Krishna.

Christian Défi

FLASH ou le grand voyage – Charles Duchaussois

Article publié le 4 octobre 2010 dans la catégorie Grand vin
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Dessin de Jordi Viusà. Rédigé par des lecteurs passionnés