vin de table

Chanson pour l’absente – Stewart O’Nan

Quelque part là-bas, dans le Midwest américain, Kim, 18 ans alterne baignades au lac avec ses copines et job le soir dans un hypermarché. Ce sont les dernières vacances insouciantes avant le grand départ à l’université.

Un soir, Kim disparaît. Fugue, enlèvement meurtre ? Sa voiture sera retrouvée quelques jours plus tard mais la jeune fille ne s’y trouve pas … Ses parents, accrochés au téléphone, attendent un signe, une lueur d’espoir. Rien. Les recherches s’organisent. La police s’acharne. On organise même des matchs de base-ball pour récolter des fonds en vue d’une récompense. L’attente s’étire …

C’est ce quotidien-là, fait d’espoir et de peine que dépeint l’auteur. Jusqu’à la vérité, presque banale.

Avec agilité il s’immisce dans l’intimité d’une famille en deuil,  bousculée entre les instants d’apaisement et les tristesses englouties, peu à peu, parce que la vie reprend le dessus.

Un roman que l’on referme bouleversé, parce que l’histoire remue à l’intérieur mais …

Un roman qui déçoit aussi parce que l’intensité des sentiments fait cruellement défaut. L’absence, le deuil, la douleur sont banalisés et l’on a du mal à suivre cet auteur qui saute le pas, un peu trop rapidement, vers cette vie qui continue malgré tout.

Au fil du récit, mon enthousiasme s’est émoussé … Dommage.

Chanson pour l’absente – Stewart O’Nan. Editions de l’Olivier

Article publié par Catherine le 17 juillet 2010 dans la catégorie vin de table
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vin de table

Les sables du Jubaland – Yann Queffélec

Pour ce énième roman, Queffélec a choisi comme lieu les plages de Somalie, et comme héros deux bandes plus ou moins rivales d’adolescents paumés. L’une menée par Raf, l’insolent, avec à sa solde un gamin mutilé : Menalek. L’autre menée par son frère Zou et Dalia, amoureux fous un peu naïfs . Ils rêvent de paradis, de prospérité, et pour eux le seul véritable espoir c’est le Blanc, qu’ils envient à travers les magazines. Raf lorgne les bateaux qui croisent au large avec l’envie furieuse de les déposséder. Zou contacte un passeur véreux qui lui demande une somme astronomique : 400 euros, qu’il va se procurer par un vol.

Roman qui se veut réaliste, les sables du Jubaland m’a parfois plu pour son ton excessif, et m’a parfois déplu pour son ton excessif. De la plume ne coule que du vitriol. Les mots sont exacerbés, comme pour mieux faire entrer quelque chose dans nos esprits, mais quoi ? L’écriture est à la fois stylée et grivoise. Curieux mélange. Même le prêtre est râleur et gouailleur. Le côté réaliste m’a semblé réussi, mais j’ai trouvé que les dialogues ressemblaient parfois plus à une ripaille d’étudiants de l’ENA qu’à des échanges entre adolescents quasi-illettrés.

Malgré la force des propos, je me suis parfois ennuyé, car l’histoire est plutôt longue et statique.

On ne sait jamais à quoi s’attendre en ouvrant un roman de Queffélec. Le style des Noces barbares était excellent. Pourquoi n’a-t-il plus jamais écrit aussi bien ? Il aurait dû garder les mêmes collègues, amantes et nègres.

“Il était arrivé que Menalek, furieux d’avoir dû patienter, leur pissât dans la figure et qu’un flot d’urine inondât leur bec écarquillé d’agonie”

“La saison des couilles en or s’ouvrait”

“Une lisière argentée frémissait à l’horizon. Elle n’y était pas l’instant d’avant. Zou sourit d’une oreille à l’autre. La mer, son pays natal..”

Les sables du Jubaland – Yann Queffélec – Plon

Article publié par Noann le 12 juillet 2010 dans la catégorie vin de table
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Grand vin

L’Affreux – Franz-Olivier Giesbert

Aristide Galupeau, surnommé l’Affreux, n’est pas né sous une bonne étoile. C’est le moins qu’on puisse dire. Amoché dès sa naissance par des forceps mal maitrisés, non désiré par une mère immature qui passe son temps à s’en débarrasser, il est le résultat accidentel d’une liaison éphémère entre une fille d’exploitants agricoles mesquins et un ouvrier arabe de passage. L’Affreux cumule les handicaps : pas très beau, cheveux crépus, teint trop mat, origines sociales sans horizon…

Soupçonné à tort par sa mère d’avoir poussé sa petite sœur, Charlotte, dans le vide, il sera placé dans la famille Foucard, en banlieue parisienne, à Argenteuil… Garçon à tout faire exploité par une famille de « beaufs », il grandit dans une cité où, à la fin des années quatre-vingt, se côtoient des français « de souche », plus ou moins xénophobes, des immigrés d’Afrique du Nord et ceux d’Afrique tout court. Il y découvre l’amour qu’il recherche depuis toujours. A travers deux extrêmes : sa professeur de français, Madame Bergson, veuve et âgée de soixante ans, et Nathalie, la fille aînée des Foucard. Lorsque Madame Bergson est assassinée, il est le suspect idéal : délit de sale gueule et racisme primaire suffisent à le faire accuser. Il s’enfuit.

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Article publié le 2 juillet 2010 dans la catégorie Grand vin
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Premier Grand Cru Classé

Univers Univers – Régis Jauffret

« Nous sommes des univers passagers dans l’univers qui s’éternise » (Régis Jauffret). Oui, sans aucun doute… Et c’est ce qui résume le mieux ce livre de 609 pages qui, je l’avoue, m’a coupé le souffle et me laisse légèrement ahurie. Mais je ne sais pas encore si c’est d’admiration ou de lassitude ou de stupéfaction. Peut-être un peu des trois à la fois. Parce que… l’ouvrage est déroutant à plus d’un titre.

Il est impossible d’en synthétiser le contenu. Il faudrait pour cela, au minimum, évoquer les personnages principaux. Or, si ce livre foisonne de personnages et de situations, c’est à partir d’un seul individu –une femme qui surveille la cuisson d’un gigot en attendant son mari – que tout se joue. L’exercice titanesque auquel s’adonne Régis Jauffret consiste à imaginer, à partir de cet individu ordinaire, à l’existence quelconque, plongé dans une activité domestique anodine, la multitude des « possibles » : d’autres noms, d’autres origines, d’autres passés, d’autres attentes, d’autres destins…Les variations s’enchainent sans répit autour de ce personnage insignifiant, familier, et de son entourage. Je n’ai pas dénombré les univers « possibles » façonnés par Régis Jauffret…Mais croyez-moi sur parole, l’étendue et la variété des hypothèses sont impressionnantes.

univers universDifficile alors de tracer les grandes lignes d’une histoire qui en réalité n’est ni unique, ni figée, mais démultipliée à l’infini. La seule constante étant l’incipit récurrent : une femme qui surveille la cuisson d’un gigot. Difficile aussi de disséquer clairement le mode de construction de ce livre (je n’ose pas dire roman, car il défie les standards passés et contemporains de la littérature). Il est –linéaire -… Oui, vous avez bien lu : 609 pages d’un récit linéaire rythmé par le flux et le reflux d’une situation de base. On en sort à bout de souffle, sens dessus-dessous comme après un passage dans une centrifugeuse ou le tambour d’une machine à laver à la fin du cycle essorage.

Lecteurs étourdis et/ou à la recherche d’un roman à survoler sur la plage et/ou pour s’occuper l’esprit dans les transports et/ou besoin d’un roman où l’auteur tire le lecteur sur des chemins balisés … ? Attention : ici, il faut se débrouiller tout seul pour ne pas perdre le nord et surtout, s’accrocher du début à la fin. A quoi ? A la femme qui surveille la cuisson de son gigot, puisque c’est le seul point d’arrimage. Mais…rassurez-vous, on peut aussi se laisser emporter dans « la centrifugeuse de Jauffret » dont le regard tranchant, l’imagination totalement débridée, l’écriture d’une densité incontestable et d’une force peu commune restent on ne peut plus captivants… Univers, Univers, c’est aussi « le style Jauffret » : cynique, amer, acide, cruel, dérangeant. Novateur et hypnotisant.

Univers, Univers, n’est pas un livre comme les autres. C’est une révolution, un grand coup de pied dans les standards de la littérature, de l’écriture comme de la lecture. Un exercice de haute voltige. Une œuvre plutôt qu’un simple roman. Pour en profiter, il faut faire des efforts : « l’œuvre » se mérite…

Extrait (Epilogue)

« Elle a eu trop de noms pour qu’on s’en souvienne. A présent, le gigot est cru, l’agneau s’en sert encore pour gambader dans la campagne, grimper aux arbres, s’envoler de la plus haute branche avec la grâce d’un caillou, d’un caïman, d’un lecteur tombé tête la première dans un roman. Un roman décédé de mort subite. Les livres meurent debout. »

Univers Univers. Régis Jauffret – Editions Verticales/Le Seuil

Article publié le 1 juillet 2010 dans la catégorie Premier Grand Cru Classé
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Comestible ?

Dans la fuite incessante – Denis Arché

Ce roman ne manque pas de charme…. On peut se laisser séduire par le jeu de Johanna, jeune et belle flamande qui ouvre une parenthèse sur son couple, passe un contrat avec un amant de passage pour une grossesse, se cherche et s’enfuit, semble ne jamais se trouver, si ce n’est dans la vie d’une autre jeune femme.

Les dialogues sont très présents. L’auteur les rend naturels à force d’interjections et d’hésitations, parfois un peu trop il me semble. Les personnages sont vivants mais quelques banalités dans leurs répliques pourraient assoupir et éloigner le lecteur exigeant de notre époque. Les 70 premières pages m’ont paru un peu monotones après le départ de Johanna, mais tout à coup, voilà dans la foulée une mort, une tromperie, une fourberie, un peu d’action.

Les  descriptions m’ont parfois déçu. Bruges, Ostende et Blankenberge sont des villes très particulières, qui auraient pu bénéficier d’un dessin plus fidèle et conforme à la réalité. Un peu trop de légèreté à mon gout, des paysages interchangeables, où le vent et la couleur verte sont souvent utilisés.  C’est un peu trop “Français”. J’ai vérifié la rue Luiza à Bruges… je ne l’ai pas trouvée dans les annuaires. Pas plus que le “Hussard vert” ou d’autres lieux.  Il y a me semble-t-il quelques imprécisions et invraisemblances. Par exemple : “Par la fenêtre on voit presque jusque l’Angleterre…”. Difficile à croire vu la distance : 60 kilomètres. Certes, “Dans la fuite incessante” n’est pas un roman qui se veut profondément ancré dans la réalité. C’est un texte à ambiance et à couleurs, une mélodie de mots. Néanmoins il perd un peu de crédit (à mes yeux) par les paysages plus inspirés du midi que du nord.

En ce qui me concerne, plaisir de lecture mitigé, mais sans doute suis-je trop rationnel. J’ai eu du mal à me projeter dans ce plat pays qui est pourtant le mien. Mais si on fait fi de cette particularité, l’histoire est attachante. J’aurais aimé un peu plus de réalisme.

Extrait :

“Peut-être se souvient-il de l’avoir embrassée là, jadis, et de l’avoir fait chavirer, rien qu’avec sa bouche sur ces plis-là, son souffle, comme si par ce petit orifice son corps disait à son corps ce que personne ne peut savoir.”

Dans la fuite incessante – Denis Arché. Éditions du Seuil

Article publié par Noann le 27 juin 2010 dans la catégorie Comestible ?
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Grand vin

Est-ce ainsi que les femmes meurent – Didier Decoin

Que peut-il donc bien se passer à New-York, un soir de mars 1964 ? Les possibilités sont vastes : meurtre, assassinat, homicide… A moins qu’un crime ? Kitty Genovese n’a pas eu de chance. Sauvagement assassinée, devant chez elle, dans un quartier tranquille.Violée alors qu’elle agonisait. A priori ce livre se présente comme un thriller palpitant. Et pourtant ce n’en est pas un. Il faut préciser que Didier Decoin est né en ’45, et qu’il est membre de l’académie Goncourt. Ça l’excuse un peu. Il nous a écrit une enquête façon Inspecteur Derrick, avec des poursuites à 30 à l’heure, des flics qui mettent leurs clignotants et s’arrêtent au feu rouge.

Dans les trente premières pages, tout semble dit, et le coupable avoue. Mais un journaliste mène sa petite enquête, et peu à peu se tisse une toile de l’horreur. Il n’y a pas un coupable mais 38 ! Les témoins qui ont vu et ont laissé faire, pendant 1/2 heure.

Personnellement j’ai un a priori défavorable sur New-York. Le tohu-bohu, le béton. La ville qui ne dort jamais, disait Frankie… Très peu pour moi, je tiens à mes huit heures de sommeil. Pourtant l’auteur me l’a rendue intéressante. Ses descriptions sont riches et fouillées. L’ambiance est très réaliste. Il faut dire que l’auteur a puisé sans vergogne dans les archives d’une histoire vécue (voir l’article sur Wiki) La fiction a semble-t-il été mélangée à la réalité.

La psychologie des personnages est intéressante. L’auteur passe habilement d’un point de vue narratif à celui d’un riverain témoin du drame, auquel on s’identifie. Un bémol quand même : l’aspect fouillé et les descriptions peuvent ennuyer le lecteur impatient. L’alternance de compte-rendus et de témoignages rend le récit un rien compliqué. Il ne faut en tout cas pas laisser le livre de côté trop longtemps au risque de ne plus pouvoir y entrer.

Est-ce ainsi que les femmes meurent – Didier Decoin. Éditions Grasset, le Livre de poche.

Article publié par Noann le 25 juin 2010 dans la catégorie Grand vin
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Cru bourgeois

Où on va papa ? – Jean-Louis Fournier

L’histoire pas banale d’un papa pas comme tous les papas, le papa de deux garçons qui n’ont pas eu de chance. Une longue lettre à ses enfants lourdement touchés par le handicap, sur un ton léger, ironique… peut-être un peu trop !

Jean-Louis Fournier possède un talent inouï, une sorte de don qui lui permet de nous émouvoir en trois mots, nous faire pleurer de rire ou rire aux larmes. Désespoir d’un père qui retourne la situation, prend son sort avec bonhomie, choisit le parti de la dérision… un rire amer, désabusé. C’est drôle parfois, bouleversant, mais un peu lourd aussi, à la longue. Peut-on s’amuser de tout, comment et jusqu’où ? D’un côté ce livre est bien écrit, une histoire vécue en apparence, mais est-ce qu’un papa peut se gausser de ses enfants handicapés ? En général, leurs parents les adorent ou les détestent. C’est tout ou rien. Mais en rient-ils ? J’ai vu dans ce livre une longue doléance déchirante, exposée avec vivacité et talent, mais lu d’une autre façon, on peut y voir aussi une sorte d’insulte aux enfants malchanceux.

Extraits :

Si un enfant qui naît, c’est un miracle, un enfant handicapé c’est un miracle à l’envers.

Notre album de photos de famille est plat comme une limande. On n’a pas beaucoup de photos d’eux, on n’a pas envie de les montrer.

Quand on les prend dans les bras, on a l’impression de tenir un robot. Une poupée en fer.

Notre chance s’est appelée Marie, elle était normale et très jolie. C’était normal, on avait fait deux brouillons avant.

Elle est terrible la mort de celui qui n’a jamais été heureux, celui qui est venu faire un petit tour sur Terre seulement pour souffrir.

Où on va papa ? – Jean-Louis Fournier. Éditions Stock, le Livre de poche

Article publié par Noann le 24 juin 2010 dans la catégorie Cru bourgeois
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vin de table

Sévère – Régis Jauffret

Voici  un livre percutant, qui vous roue de coups, vous bâtonne, vous laisse désarçonné lorsque l’issue approche … Un récit captivant mais aussi dérangeant, qui  donne tantôt l’envie de s’en éloigner très vite à force d’étouffer, tantôt le désir de s’y replonger après l’avoir refermé.

Sévère de Régis Jauffret est une sorte de fiction-réalité à la fois remarquable et gênante. Inspiré de l’affaire Stern, du nom de ce banquier assassiné en Suisse au terme de rites sadomasochistes. Le récit d’une passion amoureuse. Sa dissection plus exactement.

A travers une écriture directe – quasi rectiligne – l’auteur nous saisit, nous pétrifie. Il choisit la voie de la coupable pour narratrice de son récit. Un monstre. Une victime aussi, comme chacun des personnages de ce récit troublant qui nous parle de manipulation psychologique. L’histoire d’un amour si fou qu’il en est devenu asservissement, l’histoire d’un amour aux portes de l’enfer … la dégringolade vers un abysse si accessible pourtant …

Ce roman m’a laissé un goût amer dans la gorge et l’envie de le remiser très vite dans ma bibliothèque … pour quelque temps sans doute … ou bien jusqu’à demain.

Sévère – Régis Jauffret, Seuil

Article publié par Catherine le 19 juin 2010 dans la catégorie vin de table
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Dessin de Jordi Viusà. Rédigé par des lecteurs passionnés