Presqu’îles – Yan Lespoux
” Le premier noyé de la saison, c’est un peu comme l’ouverture de la cabane à chichis, la première grosse pousse de cèpes ou la première gelée : ça rythme l’année. “
Les Bordelais seraient-ils presqu’aussi agaçants que les Parisiens ? C’est ce qu’il semble transparaître de ces nouvelles qui exhalent les cèpes et l’automne. On y parle beaucoup de la chasse, de la pêche. De l’océan aussi, tellement redoutable, que ses flots si menaçants ramènent chaque année le premier noyé.
Dans un coin de Médoc, on bavasse autour d’une table, de tout et de rien et on se fait interrompre par le Bordelais, un gars de là-bas comme il dit parce que ses parents avaient une maison à Bordeaux, qu’il a grandi ici. C’est un épicurien, un gourmet qui apprécie la bonne chair, les produits de la chasse et de la pêche toujours à l’affût d’un bon gibier quand il parcourt la campagne au volant de son 4X4.
Au village, il essaie de s’intégrer, de s’immiscer dans les conversations mais chaque fois, il se fait rabrouer et quand il donne son avis, personne ne l’écoute…
Ainsi, depuis quelque temps, le bougre se tient à carreaux et lorsqu’on lui demande d’où il est originaire, il se montre vague et indique qu’il vient d’une station balnéaire réputée quelque part dans l’Atlantique. De cette façon, il évite les remarques sur la mentalité des gens issus du Médoc, catalogués d’alcooliques notoires. Et puis, en général il élude le sujet pour éviter de devoir rendre des comptes à l’entourage toujours inquisiteur. En réalité, il rentre de moins en moins chez lui, s’est claquemuré dans sa Thébaïde.
Au fil du temps et parce que les gens vous jugent et vous condamnent, n’est-il pas préférable de se fondre dans l’anonymat, de se mêler à la foule sans justifier d’être Bordelais ou Parisien, avec tout ce que cela représente de négatif ?
Sous la plume douce-amère, un soupçon d’humour s’immisce entre les lignes et l’auteur dépeint un monde d’intraitables et d’aigris, quelque part entre terre et mer.
Je ne garderai pas un souvenir ému de ces tranches de vie de personnages peu avenants et en particulier de la personnalité du Bordelais qui n’a pas suscité chez moi la moindre sympathie…
Presqu’îles par Yan Lespoux, Agullo Editions