Assez parlé d’amour – Hervé Le Tellier
Voilà un livre qu’aurait réprouvé sa sainteté Jean-Paul II, et plus encore son successeur. Le sixième commandement n’est pas une rigolade, même après deux mille ans. Tu ne commettras point d’adultère…
Le résumé tient en quelques mots. Deux couples confrontés à la tentation commettent une infidélité. Et c’est tout…
Deux couples de longue date se délient sous l’opportunité d’une rencontre. Le livre n’est rien d’autre, en 279 pages, que le récit de ces tranches de vie, les tourments de ces êtres égarés, leurs errements, les destins entrelacés qui se jouent. Il y a un certain immobilisme en apparence, tout semble dit dans les 40 premières pages, et après les relations s’embourbent sans que jamais rien de neuf ne vienne véritablement relancer l’intérêt… et pourtant…
Pourtant je me suis laissé aspirer par ce récit. L’écriture fluide et sans fioritures, ou presque, fait que jamais l’esprit ne trébuche. L’auteur possède le pouvoir de saisir des détails de la personnalité anodins pour les rendre insolites et intéressants. Or n’est-ce pas ça le talent ?
J’ai aimé les descriptions, de menues digressions pleines de pertinence, et la justesse, la rigueur dans les détails, dignes de “La vie mode d’emploi” de Perec.
J’ai aimé l’alternance des situations, qui évite l’ennui, la variété du style, et quelques trouvailles, comme l’écrivain qui écrit à son amante cinq livrets pour son anniversaire (intégralement repris), et ce chapitre découpé en colonnes, à droite les pensées du mari trompé assistant à une conférence de son rival et à gauche la conférence dudit rival.
J’ai aimé l’authenticité des personnages, et leurs faiblesses. Anne la doctoresse qui est en analyse depuis douze ans. Thomas le psy qui a lui-même consulté parce que sa vie était un mur,… ça a pris du temps, le mur était épais… Et Louise l’avocate qui perd les pédales dans une conférence plus vraie que nature… Yves l’écrivain qui tâtonne.
J’ai juste regretté la fin en queue de poisson. On eût dit que l’auteur était parti pour nous pondre 1000 pages, comme Kafka dans “le Château”, et qu’il s’est arrêté subitement page 276 pour conclure essoufflé en deux pages… C’est un peu bref comme fin, eu égard au corps du récit distendu.
Réprobation pour certains, nécessité pour d’autres, l’adultère reste source de polémique. Saint Mathieu proclamait pourtant : “Il est écrit :” Tu ne commettras pas d’adultère”. Eh bien ! moi je vous dis que tout homme qui regarde une femme avec convoitise a déjà, dans son cœur, commis l’adultère avec elle.”
Voilà qui devrait en rassurer plus d’un. Tous les hommes sont coupables. Il y aura du monde en enfer.
Assez parlé d’amour – Hervé Le Tellier. Éditions JC Lattès