La Délicatesse – David Foenkinos
Je vais essayer de parler de ce livre. D’ordinaire faire une critique me semble facile. Il se dégage des points forts et des faiblesses, parfois tellement évidents qu’on peut se demander comment l’auteur ne les a pas vus, sans parler de l’éditeur. Mais cette “Délicatesse” a remué tellement de choses en moi que je ne sais plus que dire.
J’ai beaucoup pleuré et ri, en alternance, et c’est là sans aucun doute que réside l’incroyable talent de l’auteur, du génie même. Il sait trouver des mots qui pénètrent, tout de suite, font un petit tour dans le cerveau et vont caresser les circonvolutions sentimentales, celles que les écrivains tentent de cerner depuis Gutenberg, et même avant. Foenkinos, lui, a trouvé. Il sait. Il connait les trois mots qui bouleversent. Du moins je le pensais jusqu’aux pages 120-130. Après la magie a cessé, et je me suis dit qu’il avait trouvé le truc par hasard et était incapable de le reproduire, d’où un certain ennui dans les dernières pages.
Une jeune et évidemment jolie femme, Nathalie, fait face à la disparition de son François. Le livre raconte cette disparition, et surtout les trois années qui suivent. Le retour dans le milieu professionnel, la compassion pesante des collègues. Mais le travail lui permet de reprendre pied et sa vie va se reconstruire, non sans tourments.
J’ignore ce qu’en disent les autres lecteurs – le principe ici est de dire ce qu’on pense sans prendre d’autres températures. Sans doute ma sensibilité exacerbée m’a fait adorer certains passages. Mais des opinions moins favorables ne me surprendraient pas. Quoi qu’il en soit, j’ai rarement été touché à ce point. Dommage qu’il y ait aussi un côté simpliste, des sophismes philosophiques parfois discutables, et des métaphores assez stériles, comme :
“Elle pensa que les mots étaient dans son cerveau comme des boules de Loto avant de sortir.” ou “Markus sortit du bureau, aussi stupéfait que le soleil pendant une éclipse”
ou d’autres phrases du genre qui sont comme des tâches sur un beau tableau. Les 80 dernières pages dénotent par rapport au début. Revu et élagué, c’eût été un chef d’œuvre. Une suppression d’un quart du texte et une revisite de certains passages pour éviter clichés faciles et truismes aurait donné un excellent roman.
La Délicatesse – David Foenkinos – Gallimard