La femme manquée – Armel Job
Charles, un brave fermier, n’a qu’une idée : trouver l’âme-sœur. Ce n’est pas une sinécure. Il habite un petit village des Ardennes belges où tout le monde se connait et où les femmes sont toutes mariées, ou presque. Charles s’éprend de Barbara, une jeune beauté, qui le rejette. Pour donner plus de prestance à sa démarche, Charles se fait aider par Évariste, le clerc du notaire. Celui-ci va lui rédiger des lettres d’amour alambiquées, tout à fait à l’opposé du personnage fruste qu’est Charles, ce qui le rend un rien ridicule. Puis Charles se mettra en tête de publier des annonces de plus en plus sophistiquées dans le canard local… pendant plus d’un an. Mais c’est peine perdue. Finalement, il rencontrera une jeune fille venue des îles, par le biais d’une agence. Ce sera le drame…
C’est une belle petite satire d’un milieu social que nous livre ici Armel Job. Je me suis beaucoup amusé à suivre les aventures de Charles, d’autant que sous la plaisanterie et la légèreté se cachent aussi quelques vérités au sujet du milieu rural, et plus généralement de la quête de l’âme-sœur, un parcours semé d’embuches. J’aime tout particulièrement le passage où Charles est sidéré de voir que Barbara lui préfère un jeune veau, nommé Gustave, qu’elle cajole comme un amoureux :
Charles est songeur. Il retourne à l’étable et contemple Gustave. Une question finit par poindre dans son esprit embrouillé : “Qu’est-ce qu’il a de plus que moi ?”
Il tâte Gustave qui est efflanqué comme un canasson. Il n’a rien, pas d’épaules, pas de dos, pas de cul. Il boit sans profiter. C’est un veau d’après la Saint-Jean. Et pourtant, Barbara l’aime. Mystère du cœur des femmes…
Ce passage anodin est en fait révélateur de l’attitude de certaines femmes, qui préfèrent les gros bœufs aux hommes délicats. Une prédilection pour des types à la mine patibulaires, les bras chargés de dessins guerriers, les épaules musclées. Si elles donnaient la priorité à la douceur et la tendresse, il y aurait peut-être moins de violence conjugale…
Le livre d’Armel Job est drôle souvent, un peu triste parfois, mais il met aussi en exergue des comportements sociaux édifiants, le tout dans une atmosphère champêtre bien rendue. Le style est assez littéraire, chargé d’un vocabulaire juste et riche, peut-être un peu trop au regard de l’histoire simple et rurale. Il faut un certain bagage littéraire pour suivre, ou être disposé à plonger dans le dico, ce qui ralentit parfois la lecture. Dommage. Mais une belle écriture tout de même.
La femme manquée – Armel Job. Éditions Laffont/Labor