La Bascule du Souffle – Herta Müller
Léopold a 17 ans et doit partir … Dans sa valise, il entasse les objets qui lui sont chers, quelques livres, un exemplaire de Faust, une anthologie poétique et quelques vêtements chauds parce qu’il sait qu’il part pour le Nord de la Russie, glacial et enneigé.
Fin de la guerre en Europe, les prisonniers rentrent chez eux, les familles sont à nouveau réunies Il n’en va pas de même pour les Roumains … Les Russes exigent que tous les citoyens roumains d’origine allemande, qui vivent en Transylvanie, soient arrêtés.
Il y a aussi cette adolescente roumaine envoyée dans un camp soviétique, pendant la guerre, contente de quitter sa petite ville où chacun de ses gestes est épié, où l’on espionne sa vie sexuelle.
Un récit dans lequel on se plonge sans se soucier de reprendre une bouffée d’oxygène, non parce qu’il invite au divertissement – la thématique est grave et l’horreur omniprésente –, mais parce ce que le talent d’écriture de l’auteur s’exprime dans chaque mot. Même s’il est question de la faim d’un bout à l’autre du roman, tout se déroule comme si, faute de nourriture, la narratrice était contrainte de donner aux mots une effervescence, une turbulence jusqu’à les rendre réconfortants, rassasiants. L’auteur décrit l’horreur mais ses paroles sont souvent amusantes ou s’unissent librement.
La souffrance et le désarroi frappent d’un bout à l’autre du récit mais les mots sont habilement déviés pour permettre à ceux-ci de s’exprimer. Sans cela le récit pourrait paraître insoutenable …
Un roman bouleversant, grandiose …
« Depuis que les sacs d’os masculins et féminins étaient asexués les uns pour les autres, c’était l’ange de la faim qui s’accouplait avec chacun de nous : il trompait jusqu’à la chair qu’il avait déjà dérobée. »
La Bascule du Souffle – Herta Müller, Editions Gallimard