Un soupçon légitime – Stefan Zweig
En 1935, Stefan Zweig s’exile à Londres pour fuir le nazisme, avant de s’installer dans la campagne anglaise en 1939. C’est probablement à ce moment qu’il a écrit cette nouvelle, publiée seulement en 1987 en Allemand, disponible aujourd’hui dans la collection du livre de poche.
Zweig implante donc son histoire à Bath, localité où il a vécu quelque temps. Choix judicieux, on n’écrit bien que ce que l’on vit. Bath est une bourgade située à +/- deux heures de Londres, dans le sud-ouest.
Un couple de personnes âgées élit domicile près d’un canal abandonné envahi par les algues et les ronces. C’est la dame qui est la narratrice. Dans la maison voisine s’installe un jeune couple étrange, les Limpley. John Limpley est un personnage truculent, débordant d’enthousiasme et d’énergie, mais s’il est sympathique au premier abord, à la longue il est aussi envahissant qu’un lierre bien arrosé ! Sa femme est effacée, écrasée par son mari…
Votre femme s’ennuie, assure la voisine de John, il lui faudrait un chien. Aussitôt dit aussitôt fait, John se procure un chiot, et comme d’habitude, il l’encense et le vénère, jusqu’au jour où sa femme tombe enceinte… Le chiot n’est plus le centre des attentions. Il se sent délaissé. Mais c’est un animal qui a un fichu caractère…
Dans cette nouvelle de 60 pages, Zweig installe dès la première ligne une tension dramatique qui ne faiblit pas. Le cabot est le personnage central. C’est un être au tempérament bien trempé, très humain, qui donne par son comportement toute la force du récit. Tour à tour facétieux puis machiavélique, il fait vivre au lecteur une épopée bien originale. Les autres personnages sont eux aussi bien dessinés, la narratrice à l’émotivité exacerbée, son mari, un dandy lymphatique, Madame Limpley, résignée, et son mari extravagant. Et puis il y a aussi la campagne anglaise, dans laquelle on entre tout entier, en quelques mots.
Un texte qui se lit comme une vraie nouvelle, en une seule fois, sans relever les yeux. La version originale est publiée à la suite, une façon de remplir des pages. Puis il y a une biographie de Stefan Zweig qui ravira son public. Une histoire bien menée, mais qui m’a semblé moins intéressante que “Le joueur d’échec” ou “24 heures de la vie d’une femme”. Tout est un peu excessif. La fin est trop prévisible…
Un soupçon légitime de Stephan Zweig. Grasset/ Le livre de poche