La dernière bagnarde – Bernadette Pécassou-Camebrac
L’histoire des bagnes commence avec la loi du 30 mai 1854, qui décrète que toute personne condamnée aux travaux forcés sera envoyée en Guyane, y compris les femmes. Le but est d’écarter de la métropole les citoyens indésirables, mais aussi de repeupler les colonies. Les femmes déportées auront la possibilité, pour ne pas dire l’obligation, de convoler avec un bagnard et de disposer d’un terrain. C’est la seule façon de recouvrer une certaine liberté. Ce qu’on ne leur dit pas, c’est que le terrain est un lopin de terre perdu en brousse, et qu’aucun moyen de subsistance ne leur sera donné. L’alternative du mariage est donc une condamnation à mort !
Entre-temps, la troisième république s’installe. Pour la première fois depuis près d’un siècle, un gouvernement stable est créé. La politique des bagnes est renforcée, et tous les petits délinquants condamnés deux fois, hommes et femmes, seront expédiés au bagne. Marie Bartête est de celles-là. Elle a commis de petits larcins, vols de nourriture pour survivre, et bien qu’ayant purgé ses peines de prison, les gendarmes viennent l’arrêter. Avec des dizaines d’autres femmes, elle part pour un voyage de six semaines dans une cage en cale sèche. Elle subira privations, brimades et viols, verra des codétenues crever de faim et de misère. Mais le pire reste à venir. Arrivées en Guyane, personne ne les attend, rien n’est prévu, et elles devront vivre dans un carbet insalubre. L’administration à Paris n’a que faire des rares lettres de récrimination envoyées par l’un ou l’autre agent de l’état. Les détenues sont livrées à leur sort, recluses, condamnées à l’enfermement, on craint si elles sortaient que les bagnards mâles soient aguichés. Et pourtant, le mariage arrive. La liberté, pensent certaines détenues. En fait ce sera le début de l’enfer…
Que dire de ce livre, sinon qu’il est terrible, terrifiant, terrifique ? C’est un récit réellement suffoquant de noirceur, où l’espoir nait parfois pour mieux retomber dans le néant. L’auteure donne un relief, une vie, et un réalisme saisissant à ses personnages. Pour autant, peut-on parler de reconstitution historique pointue ? On sait peu de ces dernières bagnardes. Elle étaient illettrées pour la plupart, et n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer. Un journaliste, Albert Londres, dévoilera l’horreur au monde, en 1923, mais il faudra attendre 1946 pour que le bagne soit fermé. Mais si l’histoire des hommes est bien connue, celle de ces femmes est restée anecdotique et peu documentée. Il s’agit donc sans doute plus d’un roman que d’une reconstitution exacte. Le récit est centré sur les sentiments que ces femmes, ainsi que leurs geôliers, ont ressentis. Écriture où l’émotion prime et sous-tend chaque ligne, avec parfois un peu d’insistance et du drame ajouté au drame, ce sera mon principal reproche. Il reste néanmoins un ouvrage détonnant, dans un style simple et fluide, ce qui fait qu’on a du mal à le lâcher. On a beau savoir ce qui va arriver, c-à-d rien que de la misère, on est poussé à tourner les pages pour connaitre la suite. Un livre véritablement bouleversant, pour tout public, avec quelques réserves quant aux âmes sensibles !
La dernière bagnarde de Bernadette Pécassou-Camebrac. Éditions Flammarion