Le garçon qui voulait dormir – Aharon Appelfeld
Nous voici juste après la guerre, juste après la Shoah, à l’heure des survivants … Erwin, 17 ans, passe tout son temps à dormir, inlassablement, pour retrouver en songes ses repères perdus, sa famille, son quartier, son passé.
Après sa longue thébaïde à la recherche d’une paix intérieure, l’agence juive lui vient en aide, le ravitaille et l’emmène, avec d’autres jeunes gens de son âge, en Israël vers un ailleurs plus serein, du moins le croit-il, un autre bout de vie prometteur, peu importe le prix à payer, où il poursuit un « stage » rigoureux, s’acharne à apprendre l’hébreu, suit un entraînement physique éreintant … pour s’engager sur un autre chemin, un autre destin, meilleur, qui sait ?
Le voici embarqué pour une longue traversée en bateau …
Tout au long de ce périple, il va connaître l’immigration clandestine, la Palestine sous les tumultes … et enfin, l’arrivée dans les montagnes de Judée … Une aubaine en fin de compte, un emploi … Le voilà embauché malgré lui, avec ses comparses, comme ouvrier dans un chantier de construction de terrasses agricoles.
A l’instar de ses camarades, il changera de nom. Il s’appellera dès ores Aharon …
A travers une écriture d’une parfaite décence, réservée, limpide, l’auteur livre un roman autobiographique brillant sur la déloyauté, la perfidie et l’attachement au passé.
Le message est grave, rayonne de vérités parfois insoutenables, parle d’un Israélien rebaptisé, traversant une époque troublée, corrompue, celle de l’après-guerre, mais aussi celle d’un juif arc-bouté à son passé de déportation, de souffrance, de sa survie sous l’influence nazie, mais aussi de sa nouvelle vie, sa nouvelle guerre, celle-là personnelle, pour sortir du trouble, se reconstruire, se recréer un monde, regarder l’horizon, même si celui-ci est escarpé …
Saisissant, poignant, sans jamais tomber dans la charité à deux sous ou la miséricorde. Ce récit est empreint d’humilité et de respect … c’est ce qui lui donne toute sa force …
Le garçon qui voulait dormir de Aharon Appelfeld, Éditions de l’Olivier