Eléctrico W – Hervé Le Tellier
Parfois, un éditeur donne une présentation en quatrième de couverture simple et honnête. Un peu fainéant, je me contenterai de la recopier (et pire encore, de la recopier d’un autre site – oh le vilain !)
Présentation de l’éditeur :
“En septembre 1985, António, un photographe, retourne à Lisbonne après dix ans d’absence. Il y retrouve Vincent, le correspondant du journal, afin de suivre le procès d’un tueur en série.
Encore enfant, António a rencontré en une fillette, Canard, l’amour mythique, celui qui promet de grandir sans jamais s’affadir, mais ce rêve de bonheur s’est déchiré. Vincent a ses raisons pour vouloir guérir cette blessure. Lui qui est si peu doué pour la vie, lui qui n’achève jamais rien de ce qu’il entreprend, va tenter de retrouver Canard et de réparer le passé.
En virtuose des jeux de l’amour et du hasard, Hervé Le Tellier veut croire qu’il n’est de destin qui ne se laisse dompter.”
Mon sentiment après lecture :
Le titre pourrait surprendre. On se demanderait bien ce que “Eléctrico W” veut dire. Est-ce le nom d’un nouveau type de centrale écologique ? Un nouveau modèle de génératrice ? La plaque signalétique d’une cabine haute-tension ? Rien de tout cela. Eléctrico W désigne une ligne de tramway, à Lisbonne. Nous voici plongés dans un Portugal récent, riche en couleurs, un pays que l’auteur semble bien connaitre et qu’il décrit avec minutie. De ce roman, il dit en prélude l’avoir commencé il y a vingt ans, le temps de le laisser mûrir. Et en effet, on sent un travail. Rien ne semble laissé au hasard, il suit un chemin bien précis, comme ce tram vieillot qui suit sa voie, sur un réseau avec de nombreux embranchements.
Un petit nombre de personnages évolue dans ce roman des sentiments et de la quête de soi. Vincent, le reporter, est un homme qui a une fâcheuse tendance au ratage, en particulier dans ses histoires d’amour. Mais aussi dans ses livres, car il est écrivain, du moins il tente de l’être (ça me rappelle quelques personnes…). Homme compliqué, qui s’analyse en permanence et en déduit moult options. Notamment, il décide que son collègue et néanmoins ami António devrait revoir “Canard”, son amour d’adolescent. Une sorte de réparation du passé. António, c’est le second personnage principal, le photographe. Et autour de ces deux hommes déambulent différentes femmes, intrigantes ou prétendantes, ou simple figurantes, tantôt intéressantes, tantôt navrantes (je suis paré pour écrire les textes de Cabrel). L’auteur fait évoluer ce petit monde dans une histoire, plutôt des histoires multiples qui se chevauchent et s’imbriquent, dans une construction savante, où les éléments s’enchainent et se consolident les uns les autres.
Eléctrico W n’est pas un roman simple. S’il ravira les amateurs d’intrigues amoureuses un peu subtiles, il peut aussi agacer, à cause du caractère de Vincent, qui est aussi le narrateur principal, de ses errements et tergiversations. C’est un homme qui, s’il est bien compris, s’avère adorable, mais dont le côté nonchalant peut irriter. L’histoire du tueur en série passe quant à elle au second ou troisième plan. Les amateurs de thriller resteront donc sur leur faim. Il y a pas mal de digressions aussi, sur la ville de Lisbonne, ses petite ruelles, ses particularités, puis sur la littérature et la photographie… De toutes petites choses qui donnent du crédit et du relief, mais confèrent aussi une allure lente au récit. Un livre tout en nuances, pour les amateurs du genre. De quel genre ? Je n’en sais rien, un genre à part.
“Regarde par la fenêtre, António, laisse la ville parler pour toi. Écris Il est deux heures du matin, plus tard encore, il pleut sur Lisbonne, et de la fenêtre, je vois s’écouler l’Avenida da Liberdade, elle est luisante et triste comme un canal d’Amsterdam. L’image est un peu creuse, je sais, António, mais regarde, ne trouves-tu pas que Lisbonne ce soir est comme une ville froide du Nord, silencieuse dans la bruine, que le boulevard désert reflète la nuit comme une étendue d’eau calme.”
Eléctrico W d’Hervé Le Tellier. Éditions Lattès