Samedi 14 – Jean-Bernard Pouy
‘Samedi 14’ est, comme son titre ne l’indique pas forcément – quoique – un roman de la série ‘Vendredi 13’. Cette série noire comportera, 13 romans qui ont commencé de paraitre le 13 octobre. Treize amusant…
Un roman agréable à plus d’un titre ; souvent drôle, décapant, gouailleur. L’auteur nous promène dans la tourmente d’un papy qui a décidé de prendre sa retraite après avoir…. pas mal travaillé. Il s’installe dans une bicoque loin de tout, sauf que ses voisins ne sont pas n’importe qui; les parents d’un ministre ! Du coup, voilà notre paisible retraité, qui se fait appeler Maxime, ennuyé, surveillé de près par la police. La sécurité d’un ministre n’a pas de prix, et on n’hésite pas à le pister et à venir fouiller dans sa demeure. C’en est trop pour cet homme qui a fait de sa liberté un cheval de bataille. Il s’éclipse.
Mais voilà qu’apparaît la commandante Yvonne Berthier de la police. Elle découvre que notre Maxime ne s’appelle pas Maxime mais Maurice, entre autres. C’est un type recherché, accusé d’avoir mené des attaques à main armée. Maxime est-il réellement ce dangereux terroriste qu’on veut faire croire ? N’est-il pas simplement un anar, doux rêveur près à toutes les croisades pour changer le monde ? La police l’a identifié trop tard. Maxime a déjà mis les voiles. Il parcourt le pays, se permet une excursion en Italie où il fait une tendre rencontre. Il joue avec les autorités, pour notre plus grand bonheur. Yvonne Berthier elle est furibarde… Elle invective ses sous-fifres, pique des crises. Ce Maxime-Maurice-Patrick-etc va lui donner du fil à retordre !
Nous voilà embarqués dans des aventures truculentes, sous la plume d’un auteur qui ne mâche pas ses mots. Du langage de tous les jours, de l’argot, quelques néologismes, on s’en fout et tant mieux, la langue est crue, sincère, authentique, mais avec quelques passages poétiques et plus délicats. L’auteur sait faire parler son héros-gauchiste avec une langue mordante, et sait aussi prendre un ton narratif plus recherché. Maxime-etc est féroce, revanchard, emporté. Il nous raconte ses pensées sans détour. Sans être trop moralisateur, il écorche la bourgeoisie bienséante, les forces de l’ordre, et il y va, et ça suinte, et ça bourdonne, et ça grouille de vie. La police en prend pour son compte, la femme aussi… Yvonne Berthier est l’archétype de la femme qui abuse de sa position. Personnage qui, comme tous les autres, nous rappelle des personnes croisées un jour ou l’autre. Qui n’a pas connu une de ces femmes prises du démon de la domination. ‘Samedi 14’ donne une vision univoque de la société, qui devrait plaire à plus d’un, et finalement assez réaliste. Certes, par rapport à certains polars, on n’est pas dans une rigueur absolue, dans l’analyse des pouvoirs publics… Mais là n’était sans doute pas le but.
Un bon petit roman qui se lit d’une traite, où l’auteur trace sa voie d’une voix forte, que le lecteur suit avec délice. Un bon moment de lecture.
“Être un inconséquent ludion.
Mais de ne rien branler est un sacré boulot. Les nerfs fatiguent, à force de faire attention à tout. Le corps, tendu, fait mal. Néanmoins, miracle, mon lumbago me laissait tranquille. Je le sentais, là, pas loin, mais, le matin ce n’étaient plus les tenailles rougies au feu qui m’enserraient les reins. Ce n’était plus qu’une douleur diffuse, qui, certes, réapparaissait nettement sur les sièges improbables des trains, mais me foutait la paix lors de mes longues et incessantes promenades.”
Samedi 14 de Jean-Bernard Pouy. Éditions la Branche