Une nuit à Reykjavik – Brina Svit
“Une nuit à Reykjavík” est, comme son nom l’indique, l’histoire… d’une nuit à Reykjavík. Ça peut sembler une évidence, mais combien de titres n’ont rien à voir avec l’histoire … On cherche toujours où sont les bienveillantes dans le livre de Jonathan Littell, et où est le radiateur dans “Auto-portrait au radiateur” de Christian Bobin. Le lecteur est immédiatement saisi par la quête charnelle de Lisbeth, qui annonce d’emblée qu’elle a invité Eduardo, un Argentin, dans cette capitale dont il ignore tout, même le nom, il pense que Reykjavík est un hôtel ! En échange d’une nuit d’amour, elle lui a proposé la somme mirobolante de 5.000 euros, en coupures de 500.
Dans son pays, Eduardo est un danseur latino très prisé, qui se fait payer par des dames de toutes origines et âges, juste pour danser. À Buenos Aires, affirme l’auteur, les dames aiment se faire conduire au bal, et passer un bon moment dans les bras d’un danseur professionnel. Quelques Européennes spéculent, certaines voient en ce séducteur un bon coup. Lisbeth elle a un bon travail, gagne raisonnablement sa vie, parle cinq langues… et se lance dans le défi d’inviter Eduardo pour cette nuit dont elle n’attend rien ou dont elle attend trop…
Mais à Reykjavík, tout ne se déroule pas de la façon la plus simple et la plus naturelle. Tergiversations, atermoiements, on se cherche un peu, on chipote, se commande à manger, prend une douche. Eduardo s’endort. Lisbeth s’énerve, s’affole. Le lecteur comprend assez vite qu’il va être mené d’un bout à l’autre par une Lisbeth capricieuse, un Eduardo indolent, et surtout, un auteur qui sait exploiter nombres d’incidents et revirements.
L’auteur nous invite à une comédie truculente. On se prend sans problème au jeu de cette femme sommes toutes assez classique, un rien compliquée et méfiante, comme peut l’être une quadragénaire ayant un peu vécu, vivante et viveuse, émoustillée mais quand même sur ses gardes. Quelques passages sont assez amusants, voire carrément drôles, écrits dans un style léger, sans fioritures. Style qui traduit à merveille l’esprit vagabond mais aussi chichiteux du personnage principal, avec des changements, des hésitations, des interrogations, répétitions, peut-être un peu trop… Il y a aussi pas mal de parenthèses sur la vie passée de Lisbeth, sa sœur morte d’un cancer, ses amis, et les amis de ses amis. Ces digressions incessantes de plusieurs pages détournent du sujet, et personnellement je les ai souvent zappées pour tenter de rester dans le sujet ; il me tardait de savoir la suite…
Gros bémol sur les descriptions de lieux… Perso j’ai été là en voyage d’affaires. Reykjavík sonne un peu faux, pour celui qui la connait. Le climat extrême, très froid, c’est un cliché. S’il ne fait pas plus de 25° en été, en hiver les températures descendent peu en dessous de zéro. Le climat est tempéré par le Gulf Stream. Par contre il change vite. La ville est petite affirme l’auteur… Lisbeth n’aura pas de mal à retrouver Eduardo quand il s’enfuit, et de fait ils se retrouvent comme par miracle. Mais n’oublions pas que cette ville compte plus de 100.000 habitants et grouille de monde, les bars sont nombreux et fort fréquentés. Peu de descriptions et pas très fidèles. Il suffirait de changer le nom Reykjavík par Vladivostok pour que le roman se passe en Russie. Pour ce qui est de l’histoire, elle souffre un peu à mon goût du mode et du ton constants, des dérobades un peu systématiques. C’est tout de même un petit récit simple et agréable, qui permettra de passer une bonne soirée de détente.
Une nuit à Reykjavík – Brina Svit. Éditions Gallimard