Au pays des kangourous – Gilles Paris
« Ce matin, j’ai trouvé papa dans le lave-vaisselle. En entrant dans la cuisine, j’ai vu le panier en plastique sur le sol, avec le reste de la vaisselle d’hier soir. J’ai ouvert le lave-vaisselle, papa était dedans. Il m’a regardé comme le chien de la voisine du dessous quand il fait pipi dans les escaliers. Il était tout replié sur lui-même. Et je ne sais pas comment il a pu rentrer dedans : il est grand mon papa. »
Simon voit sa vie bouleversée le jour où il découvre son papa avec le moral en berne. Du haut de ses neuf ans, il tente de mettre des mots sur la maladie dont souffre Paul, son papa. Pourquoi Paul est-il si bizarre tout à coup ? Et que fait donc Carole, la maman ? Femme affairée, cadre chez Danone, elle est souvent partie à l’autre bout du monde, au pays des kangourous. Difficile pour Paul de s’épanouir dans ces conditions. Il est interné dans un hôpital psychiatrique.
Simon est pris en charge par sa grand-mère Lola, femme un rien mystique. Elle soutient Simon de tout son cœur de mamie. Mais les questions que l’enfant se pose se font plus pressantes encore. Il s’invente un monde et se construit des rêves dont il cherche à interpréter le sens. À l’hôpital, il rencontre Lily, une enfant autiste aux yeux violets, qui possèderait un talent pour guérir certaines maladies. Entre les deux enfants se produit une sorte d’alchimie. Lily est une fille étrange, un peu mystérieuse, une ombre sur les couloirs de l’hôpital, pourtant si riche intérieurement… Enfin, le papa de Simon revient à la maison. C’est le moment de découvrir la raison profonde qui l’a poussé à se retrancher dans le lave-vaisselle. La fin éclaire le récit tout entier d’une nouvelle lumière… Mais en dire plus, ce serait ruiner le suspens…
Gilles Paris dessine une histoire chamarrée, tendre et drôle à la fois, avec un fond un peu triste, ce qui donne une saveur particulière. Le mélange d’humour et de gravité est bien conduit, il m’a rappelé Cauvin, dont on sait la capacité à conjuguer la joie et le drame. La maladie et la mort sont en quelque sorte dédramatisées, et même magnifiées, par le ton léger en apparence. Ce qui n’empêche pas profondeur et pertinence. L’auteur fait très bien parler l’enfance, avec conviction, exercice plus difficile qu’il ne parait.
Quête de vérité, croisement de générations, apprentissage de la vie, confrontation à la maladie… “Au pays des kangourous” est toutes ces choses à la fois. Une histoire habillement menée, un peu lente toutefois. Une fois sur cent, il y a un bouquin qui me fait verser une larme de tristesse. Une fois sur mille, il y en a un qui me fait verser des larmes de tristesse et de bonheur. Youpie snif youpie !
“Il trempe sa tartine grillée avec le beurre fondu et la confiture de groseille dans sa tasse de café. Des tas de miettes décorent la table. Je pourrais lui raconter mon rêve d’hier et lui demander où s’en est allé l’avion de maman, mais je me retiens. J’ai peur que papa aille encore se cacher dans le lave-vaisselle. Avant, je lui racontais mes rêves.”
Au pays des kangourous de Gilles Paris. Éditions Don Quichotte