Eroticortex – Thierry Maugenest
Je ne m’attendais pas à une aussi bonne surprise de fin d’année. Cet étrange bouquin à peine reçu, je l’ai ouvert par curiosité à la première page, et je me suis pris au jeu…
Le ton est donné dès les premières lignes. Un savant a trouvé l’aire du divin dans le cerveau. Ce génie s’appelle Albert Carrington (analogie avec Einstein ?), une sommité, sans doute le prochain prix Nobel. Carrington est une sorte d’archétype, ou peut-être une caricature. C’est un chercheur aux ambitions illimitées, prêt à tout pour satisfaire son ambition scientifique. Il n’hésite pas à se lancer dans les expériences les plus audacieuses, sans aucun souci pour ses sujets. Il désinhibe l’aire de la religion chez un moine franciscain, qui deviendra acteur de films X. Il engage un sujet en vue de le guérir de la connerie. Les réflexions de ce con sont hilarantes… Le chercheur condamne les zones de la tendresse chez un couple d’amoureux éperdus, sans se soucier de leurs peines. Il prétend libérer l’individu des addictions, dont font partie les sentiments !
Carrington a aussi un sérieux problème sexuel. Sa femme l’a quitté, dépitée par le côté cynique et froid du personnage…
Eroticortex est un drôle de petit roman, dans tous les sens du terme. Drôle parce qu’original, entrelaçant coupures de journaux et dialogues d’employés, qui restent anonymes. Carrington est évoqué le plus souvent par le biais de ses relations, de rares fois il s’exprime dans des interviews, jamais directement… Drôle aussi pour son humour teinté de noir. Je dois avouer que j’ai poursuivi la lecture le 31 décembre au soir, et que j’ai préféré mon Eroticortex aux habituels bêtisiers. Je me suis retrouvé à pianoter mon article à trois heures du mat’ (un peu éméché…).
Tout est dans l’esprit du bouquin. On n’y trouvera pas de longues tirades philosophiques ni des développements scientifiques… Là n’était sans doute pas le but. Eroticortex ne laisse pas de côté l’aspect moral. Au second degré, on peut y voir une satyre bien menée sur les dérives de la société, l’omnipotence des labos et du milieu scientifique, les rapports entre les sexes, ou encore la dualité amour et sexualité. Et puis l’antithèse génie/folie, qui donne à réfléchir. Je parlais de caricature.. En fait, Carrington n’est peut-être qu’un chercheur ordinaire, comme il en existe tant, totalement aveuglé par sa quête, au point de considérer l’homme comme du matériel. Finalement, on n’en est pas loin, compte tenu de ce qui se fait déjà en matière d’expérimentation. Rien n’a été épargné à l’animal, l’homme est le prochain sur la liste, les embryons sont devenus sujets d’études, le clonage thérapeutique est en vue. Il y a déjà des Carrington plein les labos !
J’ai beaucoup aimé, même si je garde l’impression qu’il aurait pu être plus étoffé sur certains aspects…
“Le con, ce n’est pas celui qui se trompe, mais celui qui, en se trompant, est absolument convaincu d’avoir raison.”
“…en consultant ses notes, je lui ai fait remarquer qu’il n’y avait rien sur l’orgasme féminin. Il a paru embarrassé et il a bredouillé que c’était difficile à décrire, car avec lui, les filles se tordaient tellement de plaisir qu’il ne pouvait rien observer dans de bonnes conditions.”
Eroticortex de Thierry Maugenest. Éditions JBz et cie