La meilleure façon de s’aimer – Akli Tadjer
Deux histoires croisées, entremêlées, celles de Saïd et sa mère Fatima, clouée sur un lit d’hôpital à la suite d’un accident vasculaire cérébral. La mort n’est pas loin, et pour ceux qui y survivent, les séquelles d’un AVC sont souvent très graves…
Fatima revoit son passé, l’enfance dans un orphelinat, l’Algérie, le départ en bateau, la rencontre sur le port avec un homme qui lui inspire une certaine méfiance, et surtout “la petite fille qui porte une robe jaune”… Tout un contexte qui reparait par bribes sur le lit d’hôpital, entrecroisé avec les visites d’infirmières et de son fils Saïd. Celui-ci est représentant pour une compagnie d’assurance. Sensible aux ressentiments racistes amplifiés par les attentats du 11/9, il rabâche son infortune d’être un fils d’immigré. Il change de prénom et se fait appeler Sergio, espérant retrouver grâce aux yeux des Français, et reconquérir une clientèle perdue… Ce qui semble une goutte d’eau face au bourbier du racisme, semble affirmer l’auteur en filigrane. Devenu sans emploi, Saïd-Sergio erre çà et là, rencontre Clothilde, vit une histoire d’amour tumultueuse…
La dénonciation du racisme est un des fils conducteurs de ce roman, traité avec un brin de légèreté et d’ironie… Humour et tendresse sur fond de gravité, c’est ainsi que l’on pourrait résumer la façon dont l’histoire est construite… Et ma foi, le résultat est intéressant et fera passer un agréable moment de lecture. Toutefois, il cède à une mode en littérature française que je trouve un peu grotesque, ce que j’appellerais le “fruste assumé” (on comprendra mieux si je dis “pipi-caca”)
“Je hais mon corps tel que le miroir de la salle de bains me le renvoie. Il est flétri, vieilli, desséché et je pue la merde.”
“Ça ballonne, ça me tiraille sur les côtés, dans le dos et j’ai envie de péter.”
… déclarations un peu surprenantes, s’agissant d’une personne dans le coma. Un humour qu’on pourrait trouver un peu lourd et hors propos, compte tenu du contexte plutôt gentillet. Ce sera mon premier bémol. Du reste, je me demande comment la malade pourrait se voir dans le miroir de la salle de bains. Elle ne peut pas bouger, si ce n’est le petit doigt qui commence à frémir. Certes me dira-t-on, mais on a pu lui tourner la tête, etc… Il n’empêche, je garde l’impression d’une histoire composée et pas des plus réalistes. Second bémol donc. Malgré tout, on devine qu’il y a beaucoup de vécu dans ce roman, et le sentiment qui prédomine est tout de même celui d’une jolie histoire d’amour filial, doublée d’une interrogation sur la souffrance, la maladie, les relations humaines… Un gentil roman, qui à mon avis aurait pu être meilleur avec une écriture… peut-être plus spirituelle ou délicate. Le ton constamment badin pourrait amuser… ou dérouter. On est assez proche du registre Foenkinos… Que je préfère tout de même.
L’avis de notre chère Clara, plus convaincue.
La meilleure façon de s’aimer d’Akli Tadjer. Éditions JC Lattès