Le rescapé et l’exilé – Stéphane Hessel et Elias Sanbar
Stéphane Hessel, est ambassadeur de France, et corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Elias Sanbar est ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco, auteur de nombreux ouvrages sur la Palestine.
C’est ensemble qu’ils ont rédigé “le rescapé et l’exilé”, sous le conduite de Farouk Mardam-Bey, historien.
Le fait que l’ouvrage soit écrit par ces deux personnalités lui donne évidemment une crédibilité et un intérêt de premier plan. Ils prennent tour à tour la parole, se répondent, s’interpellent. Leurs voix entrelacées se font écho pour évoquer un sujet qui leur tient à cœur : le Proche-Orient.
Les questions sur le conflit israélo-palestinien hantent les esprits. Quelles en sont les causes, et pourquoi s’éternise-t-il depuis presque un siècle ? Les auteurs apportent leur clé de voûte de façon lucide, impartiale, honnête, et surtout dépourvue d’affect personnel et religieux. Ils pensent en effet que “… la paix ne pourrait advenir si l’on aborde le conflit en termes religieux ou même si l’on continue à insister sur son caractère exceptionnel.”
Petit résumé pour fixer les idées, au risque de prendre des raccourcis :
Depuis le début du XXième siècle, les juifs avaient tendance à revenir en terre sainte et se fixer autour de Jérusalem, berceau de leur civilisation. Le mouvement s’était intensifié dans les années ’30, avec la politique nazie. Au lendemain de la seconde guerre, la question des territoires juifs se posait avec une acuité brûlante : “Après la Shoah, les juifs méritaient un État, les Nations unies leur en ont attribué un…”
“La naissance d’un État juif serait la réponse “adéquate”, au nazisme, un “bien absolu” pour réparer “un mal absolu.”
Les Nations unies imposent, avec un consensus quasi-général, la création de l’État d’Israël, lui attribuant 55 % des territoires… Cette quotité ne sera plus respectée par la suite ! Le débordement des frontières par la force est une des causes de l’ire qui alimente les pays arabes, comme le rappelle justement Stéphane Hessel : “Je passe mon temps à le dire à mes amis juifs : on ne peut pas soutenir un État qui viole constamment ce que les Nations unies ont voulu imposer dans cette région. Vous violez ce que vous devriez porter comme l’éternelle justification de l’existence d’Israël.”
Les Nations unies ont sous-estimé les populations locales, considérées comme minoritaires et ne possédant pas de droit réel ; la Palestine était sous domination ottomane, avant d’être cédée aux Britanniques. Juridiquement, les Palestiniens n’étaient pas chez eux. D’autre part, ils semblaient minoritaires et nomades… “près de 840.000 étaient déjà des réfugiés (…) 450.000 autres se retrouvaient (…) détachés de la Palestine, et 110.000 autres, enfin, qui avaient échappé à l’expulsion, se réveillaient en Israël…”
Au lendemain de la seconde guerre, le monde est porté par un sentiment de remords, oubliant que quelques années plus tôt, il avait été universellement hostile aux juifs : “Nous souhaitions naturellement que tous les pays démocratiques acceptent enfin d’accueillir des juifs, notamment les États-Unis qui s’étaient montrés assez antisémites peu avant la guerre…”
La décision de l’ONU semble donc légitime… Mais elle refoule des Palestiniens dans les régions limitrophes, à Gaza, en Cisjordanie, Égypte… C’est la source d’un immense courroux. Elias Sanbar : “On ne peut pas refaire l’histoire, mais il est important de dire que ce conflit a commencé par une terrible injustice commise en Palestine pour en réparer une autre, née dans l’horreur des camps nazis.”
“Le rescapé et l’exilé” développe avec sagesse et prudence toute la thématique du sionisme (mouvement favorable à la création d’un État juif) et de sa conséquence, la Nakba, (disparition des Palestiniens et de leurs lieux de vie). Il s’agit d’un document phare, à lire absolument par toute personne intéressée par le sujet, peu ou prou. Une pièce historique fondamentale, qui jette une lumière précise sur des zones d’ombres trop souvent investies par des sentiments extrémistes ou religieux.
Le rescapé et l’exilé de Stéphane Hessel et Elias Sanbar. Editions Don Quichotte