La belle impatience – Annie Lemoine
Elle a la quarantaine accomplie, connaît les premiers balbutiements de la cinquantaine qui s’annoncent doucement, une profession intéressante à laquelle elle consacre toute son énergie, une vie ordinaire, sans émois jusqu’à en oublier l’amour. Ses proches la serinent sans cesse et lui rappellent que l’amour existe et qu’il ne faut pas laisser passer trop de temps, qu’il faut le cueillir et s’y attacher. Mais elle reste sur sa position, plus rien ne l’emballe, plus rien ne colore son ciel gris.
Elle voit souvent Ben et Marc, ses copains de longue date et se satisfait pleinement de leur amitié. Un jour, Marc tombe malade et dans le cœur quelque peu endormi de la narratrice surgit tout à coup une étincelle, sous la forme d’un personnage inattendu …
On savoure la façon très personnelle qu’a l’auteur de dessiner ses personnages, et l’on sent en nous résonner en écho le cri de nos souffrances, de nos questions, de notre quotidien qui s’endort parfois …
L’écriture est simple, sans fard, pleine d’émotions mais nous touche en plein cœur. D’un bout à l’autre du récit, l’amour règne en point de mire, même s’il est larvé dans le cœur de l’héroïne, même si celle-ci n’y croit plus, même si elle se claquemure dans sa thébaïde, n’espérant que très peu de la vie puisqu’elle laisse celle-ci courir sans jamais s’arrêter un instant, le temps de s’émouvoir ou d’aimer.
L’auteur nous livre une histoire ordinaire, banale, mais l’héroïne est touchante et on devient sa complice parce qu’elle porte le même masque que nous, un masque de sourire derrière lequel se cachent mélancolie et tourments. À travers son héroïne, l’auteur nous place face à notre chemin de vie, jalonné de bonheurs, de tristesses, d’imprévisibles instants, de lendemains qui basculent.
Une belle apologie de l’amour aussi, parce qu’il est notre moteur. L’amour, seul mât de cocagne qui nous empêche de chavirer quand l’âme en pleine bourrasque nous entraîne vers le fond … jusqu’au jour où tout s’éclaire, même s’il est déjà tard, même si le temps grouille …
D’aucuns s’interrogeront peut-être quant à mon classement de ce roman dans la catégorie « cru bourgeois » même s’il ne ressort de mon billet qu’enthousiasme et émotion. Après moult hésitations entre deux ou trois verres, j’ai tranché et lui ai attribué deux verres, peut-être tout simplement parce que le récit manque un peu d’originalité.
«La personne qui me plaisait le plus au monde depuis quelque temps, celle que j’avais rencontrée et dont j’étais tombée folle amoureuse, celle que j’aimais au point de la protéger, la choyer, lui faire des déclarations à n’importe quel moment de la journée, à laquelle je faisais des cadeaux somptueux, celle que j’embrassais, invitais au restaurant, promenais sur les quais de Seine le dimanche, emmenais en week-end, que je ne quittais plus maintenant que je l’avais trouvée, avec qui je passais tout mon temps sans le partager, ivre de bonheur… C’était moi».
«Grâce à lui, grâce à ce regard vibrant posé sur moi, cette façon naturelle de se tenir à mes côtés le soir de notre rencontre comme si nous nous connaissions depuis longtemps, grâce à ses mots sincères, directs, en réponse à mon premier SMS prudent, neutre et timide, je m’étais réveillée. Le baiser du prince en quelque sorte.»
La belle impatience d’Annie Lemoine, éditions Flammarion