Joseph – Yun Sun Limet
Voici un livre qui était perdu dans une de mes piles à lire, et que j’ai extirpé après avoir lu la quatrième de couverture. Il est question d’une région qui m’enchante et d’une époque où j’écorchais mes culottes sur les bancs d’un collège jésuite. Le sujet avait tout pour m’emballer naturellement…
Quelques mots sur l’auteure :
Yun Sun Limet est née en Corée du sud et a été adoptée par la famille belge Limet. Joseph, qui a donné son nom au livre, est l’oncle de Yun Sun. L’auteure a passé son enfance en Belgique et vit à présent à Paris.
Le livre :
Joseph est donc le frère du père de l’auteure. Qu’a-t-il de si particulier pour que la jeune femme lui dédie un livre ? C’est par le biais d’une bande magnétique que la jeune Yun Sun découvre sa voix de ténor. Son père, qui assiste à la découverte de l’enregistrement, est profondément ému de l’entendre à nouveau. Joseph est parti trop tôt, la veille de son mariage, en 1958. Un accident de moto stupide (mais un accident peut-il être autre chose que stupide ?) Joseph, c’est le souvenir, mais c’est aussi le trait d’union entre les différentes facettes de cette fratrie.
À travers les échos de cet homme qu’elle n’a pas vraiment connu, l’auteure dresse un portrait des relations dans une famille, entre frères en particulier. Elle remonte aux années d’occupation, quand la famille est partie se réfugier en France pour échapper à la menace nazie. De fil en aiguille, c’est tout un portrait qui se dresse. L’auteure dessine à traits de plume assez brefs et rapides leurs rapports complexes. Ensuite, ce fut le renouveau de l’après-guerre, et l’espoir d’un avenir radieux…
L’écriture est rapide, concise, avec un sens de l’esquisse et une finesse toute féminine. Une certaine nostalgie se dégage de ce récit, rédigé avec soin et un grand sens du détail. Fouillé, mais un peu confus, aussi. Le lecteur devra faire preuve d’attention et d’un certain esprit déductif, pour trouver son chemin dans ce dédale générationnel, qui remonte aux grand-parents et grands-oncles, aux arrières-grands-parents, etc… L’écriture est académique (avec toutefois une syntaxe parfois originale : pour les bobines de l’enregistreur, on parle de roues, d’essieux). Le rythme est rapide. L’histoire ne s’attarde pas. En trois lignes, nous allons de l’invasion allemande à la libération en passant par l’exil. Le principal bémol est propre au genre auto-biographique : cette tendance narcissique à évoquer ses souvenirs, souvent très personnels, parfois trop. Si la lecture est agréable, d’aucuns (dont moi) pourront se perdre dans les détails de cette vie de famille tentaculaire. Le récit évoque l’histoire nationale belge, les régions, de façon un peu décousue, avec pléthore de détails personnels, qui peuvent éloigner du principal. Toutefois, les ingrédients sont là pour élargir le champ de vision… Au lecteur d’avoir la sagacité et la sagesse lui permettant d’en tirer profit…
“Nous n’avons pas été heureux. Chacun a connu des joies individuelles, mais il n’y a pas eu de sentiment qu’avec nous, l’histoire allait vers un mieux, pas d’élan, pas de sourire. Le seul grand mouvement collectif mémorable de cette génération-là restera peut-être la marche blanche.”
Joseph – Yun Sun Limet. Éditions de la différence