Théorème vivant – Cédric Villani
Ce livre, rangé dans un coin d’étagère au milieu d’une librairie m’avait interpellée. Ceux mis en exergue sur un présentoir éclairés de spots et disposés debout comme pour ignorer les autres ne me séduisent pas souvent… Je leur préfère, sans conteste, les romans plus discrets qu’il faut aller rechercher pour les découvrir et s’imprégner de quelques lignes, cachés dans la pénombre d’un rayonnage se distinguant par le seul ordre alphabétique.
L’auteur a la dégaine d’un chanteur lyrique porte les cheveux longs et une lavallière. En le voyant, on le croit d’emblée littéraire jusque dans les os, grand maître des mots, homme de lettres, usant et abusant des richesses de la langue française, à travers des mots qui, déclamés naguère, résonnaient à l’oreille en mélopées majestueuses et couchés sur le papier ravissaient les yeux érudits.
Mais détrompez-vous et faites donc fi des apparences…
C’est dans l’univers des mathématiques qu’il va nous emmener. Et il nous parle de ses nuits sans sommeil, de ses jours dénués d’émotions, nous saoule de formules complexes qui donnent la migraine et auxquelles on ne comprend rien, fruits de ses recherches.
Voici donc le journal de bord d’un brillant chercheur qui tente de mettre au point un nouveau théorème qui le gratifiera plus tard d’un glorieux prix.
Avec un rythme effréné, il tient le lecteur en alerte, jouant tour à tour avec ses nerfs et sa mémoire. Par tous les moyens il tente de nous convaincre qu’à force de persévérance, il est possible de trouver dans méandres du monde des nombres.
Au fil des pages, on s’essouffle et abrutis de chiffres, on se dirige en chancelant vers la pharmacie pour ingurgiter une bonne dose de Paracétamol…
Pourtant l’auteur réussit un tour de maître et arrive à baigner de poésie cette balade cartésienne. Et l’on finit par se laisser prendre au jeu et aimer même les équations qui nous donnaient du fil à retordre dans notre vie de lycéen. A travers les mots de cet auteur passionné de mathématiques, l’inconnue devient magie, les théorèmes s’ornent de splendeur…
D’abord épuisée, les méninges en bouillie, je voulais bannir ce livre de ma bibliothèque et après une lecture assidue et moult réflexions, je l’ai refermé sereinement et il a trouvé sa place parmi ses voisins de poésie et d’émotions…
Moi qui suis un peu « vieille France », qui use parfois de mots désuets, férue de la langue française, j’ai fléchi… En lisant cet opus, j’ai regretté d’avoir tant abhorré les cours de mathématiques, n’y voyant alors que l’étude d’une matière bien contraignante et stérile…
Surprenant… Captivant…
Théorème vivant de Cédric Villani, éditions Grasset