Pas facile de voler des chevaux – Per Petterson
Résumé :
À soixante-six ans, Trond Sander se retire dans une petite maison près d’un lac, au nord-est de la Norvège. Il a le sentiment que son rêve de quiétude et de solitude est en passe de se réaliser, mais un soir il fait la connaissance de son voisin Lars. Cette rencontre le replonge dans l’été de ses quinze ans, en 1948. À cette époque, en vacances seul avec son père, il retrouve son camarade Jon. Ensemble, ils «volent des chevaux» pour de petites échappées. Une fois pourtant cela se termine mal : il tombe de cheval et se blesse, puis assiste, impuissant, à une étrange explosion de rage et de violence chez Jon. Trond se souvient de l’effroyable accident survenu dans la famille de Jon, du passé insoupçonné de son père, révélé par un voisin ; il ne se doutait pas alors que les événements dramatiques survenus pendant la Seconde Guerre mondiale allaient jeter leur ombre sur sa propre famille et lui ravir son père.
“Pas facile de voler des chevaux” est un livre d’une intensité dramatique rare, habilement construit autour des secrets des personnages principaux. Les réminiscences d’un narrateur au soir de sa vie et son évocation d’un été inoubliable sont tout simplement bouleversantes.
Mon avis :
C’est un très beau roman, plein de mélancolie, très sensible mais ne versant jamais dans la sensiblerie, où tous les éléments qui forment la vie sont évoqués avec pudeur, douleur parfois, mais sans pathos. Une rencontre fait ressurgir les souvenirs et les interrogations du passé. C’est un magnifique texte sur les non-dits, sur les relations père-fils, sur la solitude, sur les secrets avec lesquels il faut vivre, sur l’amour de la nature aussi. Les conditions climatiques, la nuit, l’orage, le sombre et la clarté, la rivière, la route, les arbres… Le silence, les regards et la présence silencieuse sont également partie prenante dans l’histoire. C’est aussi un récit en demi-teinte sur l’amitié entre jeunes garçons. Ayant choisi la solitude de la forêt pour finir sa vie, les souvenirs vont permettre au héros de peupler ses jours. Deux périodes charnières dans la vie de Trond. Le passage à l’adolescence (pendant la Seconde Guerre Mondiale qui joue un grand rôle dans le déroulement des événements) et le passage à la vieillesse. La peur de quitter l’enfance, de mal négocier le virage vers l’âge adulte, et la crainte de pas assurer le passage vers la dernière partie de la vie. Et pour l’accompagner, le hasard de la vie mettra sur son chemin un homme qui a fait basculer sa jeunesse dans l’incertitude et l’incompréhension.
Citations et extraits :
(p.17) “Le temps, maintenant, je me dis que c’est important pour moi. Qu’il passe vite ou lentement n’est pas le problème ; l’essentiel c’est le temps lui-même, c’est le temps lui-même, cet élément dans lequel je vis et que je remplis d’activités physiques qui le rythment, le rendent visible et l’empêchent de s’écouler sans que je m’en aperçoive.”
(p .162) “Et j’ai compris que rien ne me faisait aussi peur que de me voir transformer en un personnage de Magritte: celui qui se regarde dans une glace et découvre que sa nuque s’y reflète à l’infini.”
(p .232) “Au souvenir de ce rêve je sens mon estomac se nouer. Je ferais sans doute mieux de ne plus y penser, de le laisser couler au fond de moi et s’y déposer parmi tant d’autres rêves auxquels je me refuse à toucher. J’ai passé l’âge où les rêves pouvaient me servir à quelque chose.”
Pas facile de voler des chevaux – Per Petterson