Un juif en cavale – Laurent Sagalovitsch
Voici donc la suite de la saga Sagalovitsch, l’alter ego de l’auteur : Simon Sagalovitsch. Celui-ci semble un personnage à la fois composé de toute pièce, pure invention fantasque d’un auteur à l’imagination féroce, mais pourrait aussi avoir de nombreux emprunts à la réalité ! Seul l’auteur lui-même pourrait dire la part d’imagination et la part de mémoire… Encore que…
Ce “Juif en cavale” est le troisième et dernier opus de la série, paraît-il. D’emblée, il m’a semblé plus accessible, moins compliqué que le précédent, et la lecture m’a paru plus aisée… bien que l’auteur ne se soit pas résolu à abandonner ses longues tirades aux propositions multiples qui se renvoient comme des échos, et ses enfilades de qualificatifs. L’écriture est toujours aussi personnelle, et de qualité… Le vocabulaire et la culture de Simon, pardon, Laurent, s’étendent aux antipodes du monde, et l’on passe allègrement de la France à Israël, avec des incursions au Canada. (c’est à ce genre de détail que l’on se demande où se trouve l’incursion de la réalité – l’auteur habite à Vancouver).
Dans ce chapitre final des (més) aventures de Laurent, pardon de Simon Sagalovitsch, le narrateur est confronté à une compagne délurée, presque nymphomane. Il est capturé par une mystérieuse faction qui l’envoie en Israël, y fait la connaissance d’un voisin arabe, qui fournit sa compagne en substances hallucinogènes, il tente laborieusement de reprendre contact avec sa famille et sa sœur en particulier qui le renie, part à la découverte de cette ville cosmopolite, multiculturelle, et surtout partagée en tendances religieuses multiples. Diable, Simon nous fait voir du pays et nous montre les facettes étranges de la vie dans un des pays les plus récents de l’histoire, en proie à des tensions diverses et des conflit insolubles, merci les Nations Unies.
Mais ce qui est le plus particulier dans les aventures de Simon, c’est la personnalité de l’auteur et sa façon à nulle autre semblable de nous narrer les aventures de ce personnage hors du commun. L’auteur laisse libre court à son esprit débridé. Il nous ouvre sa fenêtre sur le monde. Et finalement, n’est-ce pas cela un écrivain, un homme qui nous montre le monde à sa façon ? On ne sait pas toujours sur quel mode l’on doit prendre les propos de Saga.. Sur le mode de la dérision pure, de la vérité maquillée, intermédiaire, ou autre…
On adore ou on déteste, mais impossible de rester indifférent. Pour ma part, j’hésite sur le nombre de verres. Dommage qu’il n’y ait pas une suite à ce troisième opus. Ce vin prend du boniment avec l’âge… Il faut le laisser mûrir et le déguster à petites doses, sinon gare à l’indigestion !
Un juif en cavale de Laurent Sagalovitsch. Éditions Actes Sud