Les évaporés – Thomas B. Reverdy
Kazehiro perd son emploi à la banque, sans raison. Une nuit, il quitte le domicile sans dire mot à sa femme, emportant un carton contenant quelques effets personnel et voyage vers San’ya, un quartier bouclé de Tokyo où résident tous ceux qui ont décidé de disparaître et de conserver l’anonymat. Là-bas on les appelle les johatsu , traduit en français par le joli mot « évaporés ». Ainsi Kazehiro devient « Kaze » et se fond dans cette société décalée où l’on vit entre parenthèses…
Yukiko, la fille de Kaze, qui apprend la disparition de son père, déserte immédiatement San Francisco où elle est installée depuis longtemps et se rend à Tokyo, avec la ferme intention de le retrouver. Pour accomplir avec elle ce périple, elle reprend contact avec Richard, son ex-amoureux. Richard est détective privé. C’est un homme en plein doute, avec une sensibilité exacerbée, aussi un poète à la dérive. Ils se sont aimés, Yukiko et lui, certes, depuis des lustres mais se sont percutés par leurs différences. Richard s’enthousiasme cependant de cet appel inattendu et accompagne sa belle Yukiko.
Arrivés sur place, pas la moindre trace du père ni le moindre éclaircissement sur sa disparition…
Et Yukiko, de retour dans son pays natal après une longue période d’exil aux U.S.A., entame une longue enquête… Tant Richard qu’elle-même sont indignés par le spectacle désespérant qu’offre ce Japon en plein chaos, balbutiant et retrouvant tant bien que mal un soubresaut d’espoir après le drame de Fukushima.
Alors que Yukiko et Richard approchent peu à peu la vérité, le rideau tombe sur la scène de ces clandestins qui survivent en marge de leur propre pays et la clef de l’énigme se verrouille…
Avec une vision un peu cruelle, l’auteur analyse et dissèque cette société meurtrie par le désastre climatique. Il nous parle aussi de cette geôle préservée, il nous livre ce qu’est devenue la vie de ces gens qui se sont tournés un beau jour vers un ailleurs sans passé, sans nom.
Par une écriture parfois dépouillée et un style pudique, gracieux et délicat, il esquisse le portrait de ces âmes déchues et de ces anonymes qui poursuivent un chemin de traverse en toute discrétion, mais déterminées à entretenir leur quête d’un bonheur si minime soit-il, même reclus, évaporés de la société…
L’auteur traduit à merveille l’univers japonais en s’immisçant dans les arcanes d’un quartier de Tokyo où règne un parfum de fin du monde mais au cours de cette promenade, une sorte de désenchantement et de lassitude s’installe dans le chef du lecteur, peut-être généré par les longueurs inutiles et la lenteur du récit.
Belles descriptions, qui s’éternisent hélas, de l’atmosphère désolée de ce Japon meurtri où se croisent trois personnages en perdition, en plein questionnement, abandonnés de la vie, victimes pour les uns de licenciement et pour les autres d’incompréhension, de désamour… Le personnage de Yukiko est un peu vide parfois tandis que Richard m’a plutôt émue.
Un petit bémol donc pour ce récit que j’ai tantôt dévoré – certains paragraphes sont accrocheurs, indubitablement – tantôt interrompu, un peu mitigée…
Les évaporés de Thomas B. Reverdy