Buvard – Julia Kerninon
Lou est étudiant et voue une admiration sans borne à une écrivaine, Caroline Spacek. Celle-ci a connu très jeune une célébrité honteuse pour avoir livré des romans d’une extrême violence. Originaire d’une famille de contestataire, sa vie a été jalonnée de combats, de révoltes et elle a fui très vite ce milieu hostile.
Mais Lou n’en démord pas… Il est subjugué par cette auteure et fera tout pour la rencontrer. Sans se demander comment l’aborder, il se lance tête baissée vers cette femme hors norme, la démoniaque Caroline.
Elle accepte de le recevoir dans son antre au charme désuet, en pleine campagne anglaise. Lorsqu’il franchit la porte de son logis, il ne connaît d’elle que les mots couchés sur papier, violents, et son style enflammé et parfait, toutes ces lignes enfermées dans des romans qui ont fait scandale. Il observe sa beauté froide et ses traits désolés par le tabac. À travers les volutes de fumée et sa voix éraillée, celle-ci s’épanche, se livre à cœur ouvert et lui relate toute sa vie…
Et nous voilà menés cahin-caha dans le passé et la vie décousue de cette auteure particulière, à travers le témoignage d’un fan, heureux que cette écrivaine qui vit dans sa thébaïde ait accepté de le recevoir chez elle.
Le temps d’un été brûlant, Lou enregistre les bouts de vie de cette femme hors du commun, l’écoute et s’émeut des secrets qu’elle lui confie. Tour à tour, elle lui parle de ses romans d’antan, percutants et dérangeants aussi, des coulisses de l’édition, de ses heures à écrire dans la solitude.
Lou finit par tomber sous le charme de celle qu’il ne vénérait jusqu’ores qu’à travers ses écrits…
Puis vient le chassé-croisé de ces deux âmes en perdition qui se découvrent peu à peu des similitudes, des images en copier-coller. Deux destins fragiles qui s’arc-boutent bientôt et se consolent.
Julia Kerninon nous relate une belle histoire, celle d’une rencontre improbable entre deux êtres habités par les mêmes tourments, qui ont connu la même jeunesse fracturée.
L’auteur dépeint à merveille une Amérique en conflit, où se côtoient l’alcool, la drogue, sur fond d’une immense pauvreté. Les lieux sont décrits à la manière d’une partition où chaque note est à sa place pour devenir une mélopée qui sonne la désespérance et la misère.
Une histoire d’amour aussi, même si celle-ci est dictée dès le départ et retentit un peu comme un gong qui annonce le bis repetita dans une pièce de théâtre. Je m’explique… Un peu comme si le schéma normal dans une vie d’étudiant est de tomber amoureux d’un professeur ou dans une vie de jeune tout simplement, d’un chanteur, d’un acteur, ou comme ici, d’un auteur…
C’est un peu ce qui m’a motivée à n’attribuer que deux verres à ce roman qui embaume un peu trop le manque d’originalité de la thématique…
Buvard de Julia Kerninon, éditions La Brune au Rouergue