Un tout petit rien – Camille Anseaume
Voici un livre que, une fois n’est pas coutume, j’ai découvert sur un site bien connu. J’avais trouvé l’auteure sympa, et son blog tout aussi sympa : café de filles, et entre autres un article hilarant sur une séance d’épilation ratée. Dès que le roman avait été annoncé, j’avais plongé sur cet autre site qui vend tous les livres imaginables, et même les miens, avec frais d’envoi gratuits. Oui celui qui planque ses comptes au Luxembourg.
Me voici donc fébrile à la réception dudit bouquin, que j’ouvre immédiatement. Il se fait que chez moi, le facteur passe toujours vers midi, et que j’ouvre souvent le courrier au cours du repas, au risque d’avaler de travers en cas de mauvaise facture ou de bilan de contributions. Je déchire le paquet du site mondo-luxembourgeois-irlandais, le ciseau dans une main, la fourchette dans l’autre. Je commence la lecture, bouche pleine. Au début, ça se déguste facilement. Quelques pages qui se tournent toutes seules. La narratrice est enceinte, et c’est un drame, et le mec se sauve, re-drame, les parents débarquent re-re-drame, les amis s’affolent, re-re-re-drame. On a vite compris que c’était parti pour 230 pages d’émois pré-maternels. On se demande s’il faut rire ou pleurer. Moi j’ai dû me retenir pour ne pas maculer la salle à manger de sauce tomate. Ça m’apprendra à lire le courrier en bouffant. Ç’aurait pu être pire, un redressement fiscal de 10.000 €, sait-on jamais.
À part ça, l’auteure a un talent extraordinaire. Elle fait passer ses émotions avec une force incroyable. Ce petit bout, on en ressent le moindre mouvement, et surtout l’angoisse qu’il provoque chez maman-auteure. Chaque ligne met en exergue le doute, l’émoi, la passion, la folie. Mais faut-il faire autant de cas pour si peu ? Des milliards de femmes sont passées là avant, réveille-toi jeune maman, ce n’est que le premier, faut pas en faire toute une histoire. Rien n’est épargné au lecteur, la moindre douleur, la moindre peine. On a envie de lui botter le derrière à cette maman-bobo.
Quant au style… Des phrases courtes et éclatantes, des mots bouleversants, oui oui, on en veut des tomes comme ceux-là. Hélas aussi. quelques formules de style creuses, des métaphores perfectibles, des paragraphes qu’il faut relire sans être vraiment sûr de comprendre. Alors que tout était en place, il suffisait de dire les choses le plus simplement possible. Le contenu s’y prêtait. Au lieu de quoi, des effets de mots, des jeux à la Rubik’s cube, et finalement le tout ressemble à un plat de nouille trop cuites, qu’il faut démêler.
Il reste un mystère. Comment ce livre peut-il recueillir tant d’éloges ? Il faut dire que notre auteure s’était constituée un bon fan club. On s’y reconnait, entre nanas la complicité féminine joue à fond, c’est l’une des nôtres qui a souffert, il faut la soutenir. Et en plus on y casse du mec, et ça nous rappelle des souvenirs vécus ou pas, ces types qui nous larguent dans le moments durs, quand nous avons envie de balancer notre ventre rond sous les roues du tram. Ah les salauds, elle a bien fait de leur couper l’herbe sous les couilles, Camille. Et voilà que les commentaires élogieux déferlent, avant même la sortie du livre. L’on dit que le livre est génial, 15 jours avant sa sortie. Une amie avoue même qu’elle en a acheté 5 pour toutes ses copines, tant elle est sûre qu’il est génial. Et ça bavasse, et sa cancane. La solidarité féminine, ce n’est pas rien. Mais eh oh, mesdames, ça vous ira oui ? Le meilleur service que vous puissiez rendre à votre amie auteure, c’est l’honnêteté, c’est de lui dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Ça lui permettra de se remettre en question et d’écrire un meilleur la prochaine fois.
Certes, je ne suis pas la bonne lectrice. Je n’ai jamais été à terme, juste une fausse couche à 6 semaines. Et puisque des millions d’enfants crèvent de faim, la Parisienne céliperdante qui attend son premier marmot et en fait un drame à La Zola, excusez-moi mais ça m’est un peu passé par dessus le bide. Sorry Camille, je vous aimais bien… Mais vous avez dilué votre talent dans le pathos et dans les fioritures de style. Dommage, ç’aurait été un bouquin génial, on n’en est pas loin… Mais. Je ne m’en fais pas toutefois, vos milliers de fans viendront vous consoler, il paraît même que vous serez sur France 5 la semaine prochaine
Ben moi je sens que je vais faire une grossesse nerveuse.
Un tout petit rien de Camille Anseaume
Mort de rire!
Noann je t’épouse, comme ça tu auras mon nom de famille : Noann Rogne