Hôtel Waldheim – François Vallejo
En vacances avec sa tante à Davos, une station suisse huppée où se croisent l’élite intellectuelle et nantie, Jeff Valdera joue aux échecs, parle littérature avec une vieille dame habituée de l’endroit, s’initie au jeu de go avec un professeur d’histoire. Des années plus tard, une carte postale le met en demeure de se souvenir de l’Hôtel Waldheim. L’étrange auteure de la carte n’est autre que Frieda Steigl, la fille du joueur de go, résident de l’hôtel.
Ils se donnent rendez-vous et l’échange est d’emblée très ardent. Elle est irritée par son ingénuité tandis qu’il ne supporte pas sa rudesse. Les réminiscences reviennent, celles d’un adolescent candide, incapable de saisir le dessous des cartes. Mais la belle Frieda fait resurgir les événements et se remémore de l’histoire, celle de la guerre froide et des deux Allemagnes.
Frieda tente de remuer la mémoire de Jeff, lui rappelle qu’il aurait même bien malgré lui livré des informations à la Stasi, afin de détruire un réseau de passeur entre la RDA et la Suisse. Mais il tombe des nues après les affirmations de sa belle interlocutrice. Lui, il se souvient surtout de ses 16 ans et de cet été 76 dans ce sinistre hôtel, où à défaut de courir le guilledou il passe ses journées dans la salle de jeu de l’hôtel où il s’adonne à des jeux de société, tue le temps en jouant aux échecs, apprend le jeu de go.
Un récit noir, majestueux et insolite, qui nous captive du début à la fin. L’auteur nous entraîne tout de go dans une histoire au suspense hitchcockien où se mêlent des atmosphères glauques et énigmatiques, dans lesquelles des personnages mystérieux se débattent et s’apostrophent. L’auteur met en scène ses deux héros et les entraîne sur une piste équivoque et jubilatoire en les poussant à reconstruire le puzzle de leur mémoire jusque dans les moindres détails. Puis il les incite à replonger dans le passé, dans ces pans de leur vie plus sombres, jusqu’à ce que se dévoilent des souvenirs scellés, des fragments de leur existence qu’ils ont préféré oublier.
Et en se jouant de la particularité de ses deux personnages principaux, il invite délicatement le lecteur à se remettre en question (avons-nous tous une anecdote du passé que l’on veut dévoiler ?) Au fil du récit, nous restons suspendus à la plume remarquable et nous hâtons vers l’épilogue en nous interrogeant sur ce que ce mystérieux hôtel Waldheim recèle de confidences des clients et autres intervenants, de leurs failles, des zones d’ombre de leurs âmes.
L’intensité de la narration, la dissection presque pharmaceutique de l’âme des personnages, l’atmosphère quelque peu ambigüe qui règne tout au long de l’histoire donnent à ce roman noir une puissance et une vigueur magistrales.
Hôtel Waldheim par François Vallejo, éd. Viviane Hamy