Toboggan – Jean-Jacques Beineix
Qu’a-t-elle bien pu trouver à cet homme vieilli et affaibli ? Solène, rebaptisée Cunégonde, a vécu sept ans avec un cinéaste de presque le double de son âge. Un jour, elle le quitte et s’envole pour New York, laissant son amoureux transi face au gouffre de la solitude. L’homme, en pleine perdition, n’a plus foi en rien et se pose moult questions sur le sens de sa vie. Le glas a sonné dans le cœur de cet homme déjà amoindri et, outre la perte de son amour, c’est sa vie tout entière qui bascule… Il ne s’intéresse plus guère à l’art, à son métier. Dans les rues de Paris, il déambule, noie son chagrin, et se remémore le film de leur histoire d’amour.
D’instants intenses en zones d’ombre, une histoire d’amour qui roucoule sous le dais d’un ciel désolé et qui finit en tragédie. L’auteur nous dessine les contours ornés d’or puis teintés de noir charbonneux d’un amour grandiose qui s’essouffle de n’être partagé. Ainsi, le cinéaste déchu qui avait déjà perdu l’inspiration se retrouve à genoux, le cœur meurtri et cette rupture qui le condamne dans tout ce qui lui reste de fragments de vie, son œuvre de cinéaste et sa passion pour l’art.
Le récit démarre lentement, ronronne même jusqu’à nous plonger dans une sorte de torpeur, mais la plume délicate et gracieuse sauve un peu de l’engourdissement généré par la succession des chapitres où il ne se passe pas grand-chose et l’on se laisse porter par cette romance douce-amère imbibée d’émotion, certes. Sur un cours d’eau au clapotis discret, l’auteur conduit ses deux héros jusqu’à une cascade impétueuse, celle qui fait culbuter la barque des deux protagonistes jusqu’à l’inévitable noyade. Et après ce regrettable naufrage, l’homme d’âge mur fait le constat fatal que la différence d’âge, même si elle donnait à chacun des atouts sérieux, aura eu raison de leur histoire d’amour, mais laisse des souvenirs indélébiles que l’amoureux déchu n’aurait jamais imaginés.
L’auteur, cinéaste auparavant – l’on se souviendra de Diva et 37°2 le matin – évoque de façon un peu désabusée ce qui le passionne, la beauté des femmes, le fanatisme du créateur et la course contre le temps, cruelle et inhumaine.
Une belle croisière sur un océan d’azur et de sérénité qui tourne à l’orage et la tempête…
Toboggan, par Jean-Jacques Beineix