Les Noces Barbares – Yann Queffélec
L’histoire en soi n’a rien d’exaltant, et est, il faut bien le dire, morose d’un bout à l’autre.
Un groupe de soldats américains viole une jeune française, Nicole. A priori on pourrait se dire : mais pourquoi Queffélec s’acharne-t-il sur les Américains, eux qui sont venus à notre rescousse à deux reprises, eux sans qui les deux guerres mondiales se seraient éternisées ? Il eût été de meilleur ton d’accabler des Allemands, comme à l’accoutumée. Mais il faut savoir que les Américains se sont rendus coupables de milliers d’actes de barbarie dans la France de l’après-guerre. Le fait n’est donc pas unique et Queffélec, en choisissant cette voie, évite le cliché du soldat germain sans pitié, et donne un contrepoint à l’image du pioupiou bienveillant venu d’outre-Atlantique pour nous sauver, avec son Coca-Cola, son chewing-gum et ses Marlboro, véritable frêre à qui l’on doit tout.
Il faut parfois résister aux amalgames, même quand tout concourt à les rendre crédibles.
Nicole donc, jeune bretonne naïve, âgée de treize ans (décidément tout a été fait pour renforcer le côté sordide…) tombe dans une souricière tendue par trois soldats US dévoyés. De cette union barbare naîtra un fils, Ludovic, souffre-douleur de sa famille… et de l’auteur, car Queffélec ne lui épargne rien. Tout juste le garçonnet connaitra-t-il un répit, lorsque sa mère épousera un riche mécano de la région, Micho. Mais très vite l’aspect dramatique reprend le dessus, le fils de Micho est une peste, Nicole continue de détester sa progéniture honteuse.Elle finira par faire enfermer Ludo dans un asile.
Tout ceci n’est pas très réjouissant.
Mais cette histoire glauque est surtout portée par une écriture magistrale, et à ce titre, le prix Goncourt est mérité, pour une fois. Les personnages sont extrêmement vivants, les dialogues réalistes, et Queffélec parvient à nous séduire par son style (mais y parvient-il seul ?). En particulier, la troisième partie de ce triptyque contient quelques passages de toute beauté.
Les Noces Barbares – Yann Queffélec, régulièrement réédité en Poche