Quand le requin dort – Milena Agus
La famille Sevilla-Mendoza vit en Sardaigne depuis des lustres. Nous la découvrons ici par petites bribes, sous la plume de la narratrice, une fille qui sort de l’adolescence. Celle-ci entame une relation avec un homme ambigu. Dans les rapports de cette fille entre une part d’inavouable, elle cite même le mot S-M (sado-maso et pas salle-à-manger), sans approfondir, heureusement ! Il y a aussi la mère, un peu paumée, le père qui rêve d’horizons lointains, et la tante, qui vit des amours trébuchantes, car il est souvent question de sexe dans ce roman, par allusions, cette ‘mystérieuse force qui fait tourner le monde’, selon les mots de l’auteure. C’est une famille à la fois traditionnelle et ouverte, qui parle assez librement et se pose la question de l’existence de Dieu, avec un brin de superstition assez italienne. Et l’auteure nous embarque dans une narration, avec un certain doigté, patiemment, elle nous fait entrer dans cette famille échevelée.
Alors, je n’ai pas été follement emballé, à commencer par le style. Certes elle a 18 ans, et écrit comme une JF de cet âge, de ce point de vue, c’est réussi, mais… Quelques phrases m’ont parfois rebuté. Une certaine hétérogénéité, des phrases parfois simples, parfois tordues, des métaphores animales très curieuses (l’amant est véto) où l’on se compare à toutes sortes de bestioles. Très bizarre… La traduction n’a certes rien arrangé, et j’ai eu l’impression que des expressions idiomatiques étaient traduites mot à mot…
Et puis ces gens dont on ne sait s’il faut les plaindre ou les maudire, et cette fille difficile à percevoir. Certes elle a 18 ans, mais… Pas encore femme et plus enfant, un caractère assez fuyant. Elle se laisse mener par cet homme peu respectueux, et on a envie de la secouer. Les personnages n’ont pas suscité en moi grande sympathie ni empathie.
Je crois que le principal défaut de ce roman est que l’on ne sait pas où l’auteur nous mène. Il manque un peu d’intention, de force de conviction. Après, un certain lectorat pourra sans doute se laisser séduire par quelques idées dans l’air du temps. L’homme violent et la femme soumise, un grand classique réchauffé au micro-ondes, et qui séduit toujours un certain public.
Je note aussi que ce roman est en fait son premier… Il a été publié suite au succès de “Mal de pierres”, ce qui prouve une fois de plus que les éditeurs publient des noms, et pas des titres. Il faudrait tout de même estimer un livre pour ce qu’il est , et pas pour le nom de l’auteur, ou ses précédents ouvrages.
“Je lui ai dit tout de moi, mon histoire sexuelle sado-maso. Et il m’a prise dans ses bras et m’a dit que si j’ai accepté des choses comme ça c’est parce que alors j’étais un adorable scarabée stercoraire, mais maintenant je suis un autre animal. (*)”
(*) heureusement !
Quand le requin dort de Milena Agus. Éditions Liana Levy