Izak – P.F. Thomése
L’histoire se déroule en 1945 à Java, petite île bien connue – au moins de nom – de l’actuelle Indonésie, alors appelée Insulinde. A cette époque, comme bon nombre de territoires de cette région, Java est occupée par les colons, présentement les Hollandais. Il n’y fait pas bon vivre… La seconde guerre se termine – on a tendance à oublier qu’elle a fait des ravages dans cette partie du globe. Les Japonais quittent le pays progressivement, mais laissent une lande ravagée, terrorisée. Les Hollandais quant à eux tentent de garder la mainmise sur ce territoire, cependant, une guerre de quatre ans, menée par le sultan Hamengku Buwono IX conduira à l’indépendance et à la création de la république d’Indonésie.
Dans ce contexte mouvementé, un jeune garçon, Izak, se croit investi d’une mission particulière. Il a conclu un serment avec Njonja. Celle-ci lui a prédit une brillante carrière de musicien. Il a les doigts profilés pour le piano, a-t-elle assuré. Mais elle l’a aussi chargé d’une mission : veiller sur un piano. Appartenant autrefois à la maison qu’Izak aimait, l’instrument a disparu. Izak n’hésite pas, pour respecter son serment, à laisser tomber sa famille et à partir à sa recherche dans cette île broussailleuse, fréquentée par toute sorte d’individus louches, soldats, rescapés, factions de toutes obédiences. C’est le début d’un long périple.
Ce roman recrée avec soin une atmosphère prenante dans un décor à la fois paradisiaque et chamboulé. Le lecteur suit la quête du jeune garçon en cheminant avec lui dans ses pensées, sa façon à lui d’intérioriser avec son âme de gamin, de percevoir le monde qui l’entoure, tantôt hostile tantôt bienveillant, mais toujours étrange. Ambiance tropicale sur fond de tensions guerrières. Toutefois le récit est tout de même assez factuel. Le roman aurait pu gagner des dimensions multiples, dans ce contexte géopolitique mouvementé, mais on n’apprendra pas grand chose sur cette époque et cette région, qui reste en toile de fond. Il reste centré sur les rapports entre la garçon et le monde extérieur.
Quant à l’écriture, elle semble quelque peu chamboulée par une traduction trop littérale du néerlandais, langue logique, vers le français, plus latin. Mais peut-on traduire sans la travestir une œuvre entre deux langues si différentes? La version originale a probablement perdu une partie de son charme. C’est donc certainement un bon roman en version originale, qui souffre de la traduction, comme un oiseau tropical perdrait quelques couleurs dans une cage. Il reste néanmoins de fort beaux passages…
“Il est convaincu que la musique se cache partout. Toutes les choses ont leur timbre, leur sonorité propre. A l’intérieur de chacune se trouve un son qui attend discrètement le moment d’être émis. Il suffit de bien écouter : tout ce qui est touché se fait entendre. Tout ce qu’on entend a été touché.
Soudain il craint que la musique ne soit déjà là sans qu’il puisse la comprendre, que les sons auquel il prête attention ne soient pas les bons, qu’il perçoive uniquement les bruits détachés, le tintamarre que fait la pluie.”
Izak de P.F. Thomése. Éditions Actes sud