L’arcane sans nom – Pierre Bordage
Sahil est un jeune militaire afghan qui a fui l’armée, miné par le sang, les viols et les exactions en tous genres. Il se retrouve à Paris dans une cave, un squat minable. Le vie occidentale le fascine et l’irrite à la fois ; les mœurs frivoles, la légèreté des femmes, une vie très différentes de son ancienne vie, mais qui a du charme, il doit le convenir. Il ne rêve que d’une chose : s’enfuir vers la Grande-Bretagne et s’installer. C’est hélas chose fort difficile quand on n’a pas un sou vaillant. Il faut immanquablement graisser des intermédiaires, des passeurs. Un jour, une occasion providentielle se présente : “on” lui propose un contrat : il devra tuer une jeune femme, à une heure bien précise. Il n’y parviendra pas, pris de remords, et méfiant; elle est entourée de gardes du corps, la supprimer équivaudrait sans nul doute à la suivre dans l’autre monde… Il décide de s’enfuir, sans rembourser l’acompte sur le meurtre, ce qui provoque le courroux de ses commanditaires.
C’est alors qu’il se retourne sur “Ten”, jeune femme embarquée dans une mouvance satanique, aux côtés d’autres personnes louches, un certain Méphisto, qui projette de donner un spectacle glauque dans un cimetière, le Père Lachaise. Ten semble bienveillante envers Sahil. Elle lui propose un gite, elle le prend en charge. Mais cette jeune femme est décidément à la fois trop bonne et trop délurée aux yeux du jeune musulman… Que cache cette générosité suspecte ?
Dès la première ligne, l’auteur nous plonge dans un univers de noirceur, mais aussi d’interrogations et de repentir, car Sahil, s’il porte sur sa conscience des hectolitres de sang et de nombreuses vies humaines, sait aussi s’interroger et se remettre en question. Dur parcours pour ce garçon fragile, partagé entre des racines extrémistes et un vent libertaire. C’est constamment qu’il s’analyse et cherche sa voie. Le conflit de traditions et le choc de cultures est fort bien exploité, ainsi que le dessin du conflit afghan, entre factions extrémistes, armées officielle et occidentale.
De péripétie en péripétie, les rôles des gentils et des méchants se mélangent, se confondent, et quelquefois semblent s’inverser. On s’aperçoit alors que le noir n’est pas si sombre et le blanc pas toujours immaculé.
C’est un roman dans la plus pure tradition noire, de la série Vendredi 13, dont j’aurai encore l’occasion de parler. Peu de moments de répit dans ce thriller haletant, mais on peut éventuellement lui reprocher l’une ou l’autre répétition. Au bilan, c’est une belle réussite, qui ravira les amateurs du genre.
La collection Vendredi 13 aux éditions La Branche comportera 13 romans noirs, dont les trois premiers sortiront le 13 octobre (qui hélas ne tombe pas un vendredi…)
L’arcane sans nom de Pierre Bordage. Éditions ELB