Pangée – Alexandre Grondeau
Pangée, un homme de trente ans, se retrouve brutalement dans un lieu étrange après un accident de voiture. Ce lieu n’est autre que le jardin d’Éden… un paradis. En voilà une chance incroyable ! Pangée est l’élu, God’s chosen one comme disent les anglais, celui que Dieu en personne a désigné. Depuis deux mille ans, plus personne n’avait reçu cet honneur. Pourquoi suis-je l’élu, se demande l’élu, moi qui détestais la religion ? Cette question revient au cours de l’histoire, et ma foi, ai-je été distrait moi lecteur, mais je n’ai pas bien compris pourquoi cet homme ait seul droit au paradis en 2.000 ans. Il ne manquait pourtant pas d’hommes vertueux. Mais c’est ainsi…
Pangée se retrouve dans un monde de toute beauté, où tout n’est qu’amour, la maladie est absente, les animaux ne se mangent pas. Tout est parfait, idyllique… Sauf une chose, Pangée n’a pas de compagnon humain… Et surtout pas de compagne. Tiraillé encore par ses vieux démons, Pangée finit par se lasser, après avoir passé des lunes à se balader et contempler les délices du Ciel. Il a envie de compagnie, il a envie de … d’une femme. Pangée se rebelle. Il veut redescendre sur terre…
Mais vu du Ciel, l’enfer, c’est sur la terre même. Tant les archanges que Dieu en personne se demandent pourquoi Pangée refuse le paradis. Tous les autres humains ont été condamnés à revenir sur terre indéfiniment, à se réincarner dans des hommes de toute condition. L’enfer, c’est de vivre dans ce monde cruel!
Alors, voilà donc un roman tout à fait charmant, porté par une écriture qui traduit bien le désarroi de la mort, et qui offre des développements lyriques de toute beauté. Cette vision du paradis est à couper le souffle. Avec un vocabulaire riche et des expressions imagées, l’auteur nous offre une vision douce et contemplative d’un univers féérique. Il met bien en lumière toute la difficulté et les angoisses du grand départ, et les affres de l’humain. Une certaine philosophie, mêlée de sagesse éthérée et de doutes ravageurs, se dégage de ce beau roman, agréable à lire, malgré quelques longueurs et des passages méditatifs et introspectifs. Quelques emprunts sont faits à la religion, catholique principalement, Adam et Ève sont là, le serpent perfide, et l’arbre de la connaissance. Cependant, l’auteur s’écarte, c’est curieux, vers la réincarnation, idée d’essence hindouiste (2.500 ans avant JC !), si ce n’est que l’homme non-élu se voit ici privé de toute possibilité de rachat… Perspective peu réjouissante. “Pangée” est un livre spécial, hétéroclite, qu’il ne faudra pas analyser avec un œil trop rationnel.
Le paradis de Pangée est à prendre tel qu’il est donné, un peu comme toute religion, aucune ne résistant à une analyse pointue. Peut-être eût-il fallu moins d’argumentations discutables, sinon spécieuses. Il faudra regarder avec un esprit ouvert cette conception de l’au-delà. Le lecteur est mis devant des faits univoques, qu’il devra bien accepter. L’auteur fournit moult explications pour justifier sa vision. La paradoxe fondamental revient ici aussi : Pourquoi y a-t-il tant de misère alors que Dieu est omniscient et omnipotent ? Question débattue depuis l’aube des temps, à laquelle l’auteur apporte sa propre réponse : Dieu est débordé, tout simplement, dépassé, dégouté par l’égoïsme et la médiocrité de l’homme. Il a même le désir de créer une nouvelle espèce et de détruire l’ancienne humanité. J’espère qu’il changera d’avis… Ou qu’il fera ses essais sur une autre planète. Tout de même… Créer une humanité entière en six jours, c’était un peu ambitieux… et pas très malin. Mais Dieu, assure l’auteur, s’y prendra mieux cette fois, et mettra le temps qu’il faut! Voilà un être présenté comme infiniment bon et tout puissant, mais qui a bien des lacunes et même un sale caractère !
Pangée d’Alexandre Grondeau. Éditions “La lune sur le toit”