Mon père c’était toi ? Vincent Pichon-Varin
Gilles est un quadragénaire tranquille, qui partage sa vie entre deux métiers ; le jour, il est vendeur de vêtements au Bon Marché, le tout premier grand magasin à Paris. La nuit, il joue dans un cabaret de Monmartre. C’est un homme bien entouré, entre sa femme Lucie, sa fille Honorine. Et il y a surtout sa mère Monica, qui fait partie d’une pléiade d’amis au grand cœur, tous octogénaires, vivant en commun dans une vaste demeure parisienne…
Évidemment, tout ce petit monde ne va pas rester tranquillement dans son petit nid douillet. Une épopée commence quand Gilles reçoit une lettre de convocation émise par un notaire de Bernay, en pleine Normandie… Cette lettre est énigmatique. C’est une convocation, sans plus de détails. Pour Gilles, qui est un homme passablement tourmenté, c’est déjà le début de l’aventure. Cette lettre le chiffonne, mais le tabellion refuse de lui donner plus de détails par téléphone. Il devra patienter, et il sera récompensé ! Il vient de recevoir en legs une somptueuse demeure normande. Il décide d’aller y vivre et d’emmener la petite troupe d’amis, qui est en recherche d’un nouveau logement… Et surtout d’aventures. Ils vont rencontrer différents personnages, dont Eugène, un voisin assez particulier. Il a bien connu le donataire et se montre assez sibyllin à son égard. Qui est donc cet homme qui a fait un si beau cadeau ? Le père de Gilles, apprend-on assez vite… Mais qui était cet homme bizarre, à la fois sociable et ombrageux, changeant de chambre chaque nuit… De fil en aiguille, notre petit groupe va faire des découvertes dans cette demeure imposante et pleine de cachettes… Mais en dire plus serait dévoiler l’intrigue !
Dans ce roman, l’auteur dessine une atmosphère particulière. D’abord, il y a ce groupe d’amis très soudé, la troupe comme il les appelle, véritables trublions qui, malgré leur grand âge, aiment s’amuser, tout en s’intéressant aux belles choses, à l’art, au spectacle. On sera surpris de croiser çà et là des personnages notoires, Catherine Deneuve et Gérard Jugnot entre autres… Ainsi, la fiction croise la réalité, c’est amusant. Il y a aussi un petit air de parisianisme, ces octogénaires ont décidément un côté gavroche, un peu puritain malgré tout… Ils s’offusquent volontiers de choses anodines sous d’autres latitudes (à mon avis en tout cas – mais il faut avouer que j’habite dans la brousse…) L’auteur décrit leurs péripéties avec moult détails, ce qui donne une action relativement lente, on aurait aimé peut-être plus de vivacité dans l’intrigue.
Enfin, un mot sur la fin, mais pas trop… Le titre annonce le dénouement. On a compris que le héros allait retrouver son père et que ce sera la grande surprise… Ce faisant, avant la dernière ligne, on aura compris le fin mot de l’histoire. Personnellement, je n’ai pas vraiment cru que le père soit cet homme-là et que personne ne l’ait reconnu… Mais on peut aussi se laisser faire et admettre cette romance telle qu’elle est, pour son côté fantasque. Un dernier mot sur l’écriture, elle est simple, avec des mots et expressions de tous les jours, et donc fluide et facile à lire. L’auteur ne nous emberlificote pas avec des effets pompeux de style. Tant mieux, on n’aura pas l’esprit détourné et nous pourrons nous concentrer sur l’histoire un peu rocambolesque de cette petite dizaine de personnes débonnaires mais finalement assez attachantes.
“Gilles reprend ses esprits, franchit les dernières marches du perron et, la main tremblante, insère la clef dans l’antique serrure. les gonds crissent mais cèdent facilement. Il tourne la poignée en porcelaine pour libérer la clenche et pousse lentement la lourde porte en bois. La première chose qu’il perçoit est une forte odeur de parquet ciré ; ça sent l’encaustique, un parfum subtil mais franc. Cette odeur est d’autant plus surprenante que l’embrasure de la porte ne dévoile qu’un carrelage ancien à grands damiers biseautés noirs et blancs.”
Mon père c’était toi ? Vincent Pichon-Varin. Éditions du Cherche-midi