Lausanne – Antonio Soler
« Nous étions trois cœurs tressautant sur le plateau tournant d’une roulette un peu bancale. Aucun des trois n’était meilleur que les autres. »
Entre Genève et Lausanne, Margarita remue son passé. Dans ce train, elle médite, se souvient et se mêlent dans sa tête les souvenirs d’une vie jalonnée de souffrances larvées, de bonheurs avortés, d’images mélancoliques, de douleurs qui ne se cicatrisent pas.
Un voyage en train pour voir défiler une vie et analyser le présent qui n’a pas guéri les blessures de l’enfance, un aujourd’hui ambigu et l’espoir d’un lendemain baigné de lumière, enfin, in extremis…
Le lecteur est bercé doucement par le bruit des crémaillères sur les rails et se fait le confident de Margarita, perdue entre Jesus, son mari épris d’une amie violoniste et un amant… Tous les personnages qui l’entourent dans ce train d’amertume sont hostiles et finissent par devenir des figurants dérangeants que Margarita condamne et compare un peu à ceux de sa vie, comme cette femme qui ressemble étrangement à Suzanne, son amie, sa confidente, jusqu’à ce fameux jour où elle la présenta à son mari…
L’auteur nous livre un récit grave et misérable. L’on essuie une larme à l’œil en s’effleurant doucement les paupières pour l’éponger mais on finit par ne plus cesser de pleurer jusqu’au mot de la fin.
Une plume magistrale, certes, pour traduire cette désespérance mais aussi une invitation au mal être et à la déception à travers la pensée d’une femme à l’âme fracturée, dédaignée, qui se lamente en sourdine, laissant au lecteur un goût d’amertume et entraînant celui-ci dans une dégringolade vers la spleen et le chagrin. Tandis que les yeux se brouillent de larmes, le cœur chancelle et chavire de détresse et de mélancolie…
Pourtant derrière le masque de tristesse et les yeux cernés de larmes, se cache un pâle espoir, la volonté d’une femme désireuse de reconquérir un cœur perdu, à n’importe quel prix.
Un roman à mettre dans les mains de lecteurs bien dans leur tête et dans leur peau…
Lausanne d’Antonio Soler, éditions Albin Michel