Mr Gwyn – Alessandro Baricco
Pour l’on ne sait quelle raison obscure, Jasper Gwyn, un auteur couronné de succès, décide un beau jour de cesser d’écrire. Se posent alors mille questions… Que s’est-il passé dans sa tête pour en arriver là ? Lassitude des mots, du monde littéraire, ingrat et peu amène parfois, découragement, nul ne le saura jamais. Mais à peine a-t-il pris cette lourde décision que le manque le gagne déjà… Ainsi il créera un nouvel univers lui permettant d’exercer sa passion. Il esquissera des portraits sous la forme de mots. L’auteur s’échappe de son chemin d’écriture, laissant à son assistante le soin de reprendre le flambeau et les rênes du récit…
Ainsi, Mr Gwyn, habité par d’étranges tourments en tous genres et soucieux de l’exactitude des situations, de la justesse des gestes, de la perfection des mots, se complait dans ce nouvel univers de scribe, esquissant à merveille le portrait des autres en se révélant quelque part à travers eux.
Personnage charmant, à l’esprit soudain fébrile, Mr Gwyn nous happe dans sa sphère du début à la fin. Un peu désarçonné par cette nouvelle vie désormais anonyme, il sillonne vaille que vaille les lieux du quotidien, tels les laveries, à la recherche d’inspiration non pour coucher sur papier les portraits de ceux qu’il y croise mais pour en dessiner les âmes, les atmosphères, les mystères qui en émanent.
Autour de lui se croisent des personnes tout aussi attachantes, telle Rebecca, son assistante, un agent littéraire infirme, une vieille dame, un fabricant d’ampoules électriques. De ce petit monde émane délicatesse et poésie. Tout est donc propice à l’auteur pour mettre en exergue les éclats intérieurs de chacun.
Et l’auteur-héros met sa plume en congé au profit de ressentis intérieurs, rejoint une thébaïde provisoire ou définitive, pour être le spectateur secret en première loge de l’âme de ses fidèles…
Un récit insolite, tantôt lumineux tantôt imperceptible qui invite à moult réflexions quant au sens de la création. L’écriture est ronde, harmonieuse, tout en subtilité et le style est sobre, jouxtant délicieusement la poésie.
Mr Gwyn d’Alessandro Baricco