Danser les ombres – Laurent Gaudé
Lucine, une jeune haïtienne, a dû laisser tomber ses études pour élever les enfants de sa sœur Nine, atteinte de démence.
Cinq ans plus tard, Nine meurt et Lucine est contrainte de se rendre en Haïti pour signaler le décès. Un matin de janvier, alors qu’elle retrouve Port-au-Prince, elle se remémore ses années d’étudiante jalonnées de manifestations, de révoltes et de moments illustres. Très vite elle ressent le besoin de s’attarder, voire de s’établir là-bas, pour y bâtir un nouvel avenir. Elle se sent portée vers des lendemains meilleurs, bien décidée à effacer les blessures et la pénombre d’antan. Elle trouve un logement dans une ancienne maison close et décroche un emploi d’aide-soignante grâce à l’intervention d’un médecin en perdition. Et dans cette nouvelle vie, Lucine s’épanouit, s’entoure d’amis poètes, boit du rhum, tombe amoureuse aussi. Ainsi, dans ce décor, tout semblait inspirer à l’amour, la douce quiétude, les soubresauts de bonheur, un ailleurs fait de promesses et de soleil dans les âmes tourmentées.
Puis un jour, un tremblement de terre, une tragédie. Et soudain tout bascule…
La vie et la mort se jouxtent, l’enfer s’immisce dans cet univers de lumière, et la misère et le désarroi s’installent, laissant les humains exempts de force et d’espoir. Dans les gravats et les décombres, on s’accroche à la vie, s’entraide, sur fond de rites vaudou ou de croyances de toutes sortes. Un très beau récit où séjournent l’amitié, la solidarité et l’espoir, quand le destin est fracturé, que la nature a déchiré les contours d’un paysage idyllique pour faire place à la désolation, la lutte pour la survie. Aussi un hommage émouvant aux disparus de cette île dévastée. L’auteur dépeint le drame tel qu’il s’est produit en 2010, en glissant cependant entre les lignes quelques éclats d’espoir. Une fresque réaliste où se côtoient faiblesse et vigueur à la fois, se mêlant dans un ballet macabre qui célèbre les morts et les vivants.
Pour conclure, j’ai apprécié la plume emportée, magistrale et le style enlevé auxquels l’auteur nous a habitués, mais ces qualités ne sauvent pas à certains moments l’impression larvée que l’on a de lire la prose d’un journaliste relatant un fait divers…
Danser les ombres de Laurent Gaudé