Cru bourgeois

Beau Rivage – Dominique Barbéris

Un petit hôtel tranquille dans la montagne, près d’une frontière (Suisse ?), loin de toute habitation. A côté un ancien sanatorium, plus loin une ville non citée, “V.” Des pensionnaires gentils et calmes : la narratrice, X, et son époux, un universitaire fort occupé mais très prévenant, un couple, les Vasseur, dont la dame Christine, très jolie et blonde évidemment, est tombée dans la dépression suite à un échec. Son mari est gentil et très compréhensif. Vient Serge, un diplomate qui attend une mission après un retour d’Afrique, aimable garçon qui s’intéresse à tout le monde. Pour chapeauter le tout, la tenancière, une dame affable et très prévenante. Voilà les personnages aussi charmants qu’énigmatiques de ce huis clos touristique.

Ils passent leur temps à s’observer et à se jauger, comme l’explique très aimablement la narratrice, personnage principal mais effacé, dont on saura peu de choses. C’est étrange, un roman écrit à la première personne dont la narratrice ne parle que des autres. C’est gentil, pour une fois on ne nous bassine pas avec un ego et des états d’âme personnels. Très gentille narratrice qui prend bien le temps de nous expliquer et nous donner à voir cette région, à nous décrire par le menu les occupations somme toute ordinaires de ces gens, hormis Christine Vasseur qui jette un froid, mais la pauvre elle n’y peut rien, son armoire à pharmacie déborde. Elle est sous traitement, mais on sent une femme très bonne dans sa perdition.

Que dire d’autre ? Tout est dans l’ambiance, le suggéré, le non-dit, le non-su, le non-lu. C’est mignon tout plein. Ce livre m’a fait du bien, je venais de terminer “Ouragan” que je n’étais pas parvenu à lâcher avant l’aube. “Beau Rivage” m’a permis de passer une bonne nuit. C’est un roman qu’on met facilement de côté pour le reprendre des jours plus tard, il a le temps. Tout le monde a le temps. Tous sont bien gentils et bien intentionnés. Ça m’a fait penser à The Shinning sans l’épouvante. A moins que ce soit Alice au pays des merveilles, sans les  merveilles. Ni sexe ni violence, aucun vocabulaire abscons et  effets de style pour nous étourdir, pas de hargne. Un ton naturel et simple, pas d’intrigues à cachets d’aspirine. Enfin un écrivain qui évite les grandes démonstrations… A contre-courant du mouvement actuel. Ne pas oublier le thermos de café. Une tasse toutes les cinq pages.

“Je me souviens du silence, souvent, quelle que fût la distance qui nous séparait de la route. Il nous arrivait d’entendre aboyer le chien de l’ancien abattoir. Les parois déplaçaient le son, le prolongeaient de toutes sortes d’échos. On avait l’impression qu’il venait de l’eau froide du lac, qu’il montait d’entre les branches immobiles des sapins renversés”

Beau Rivage – Dominique Barbéris. Editions Gallimard

Article publié par Noann le 21 septembre 2010 dans la catégorie Cru bourgeois

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