L’autre fille d’Annie Ernaux
Elle pensait être l’unique, la seule fille qu’eurent ses parents …
Mais un jour, sa mère lui révèle maladroitement le contraire. Avant de venir au monde, l’auteur a eu une petite sœur, morte d’une maladie à six ans …
Voici qu’un demi-siècle plus tard, elle va chercher à défricher le terrain de cette nouvelle traumatisante. Elle se sent plongée en plein mensonge, culpabilise, ressent même un sentiment de jalousie vis-à-vis de cette inconnue.
L’auteur explore une nouvelle fissure de son intimité familiale, sonde la mémoire de ses proches et tente de comprendre ce passé de non-dits, d’énigmes qui la heurtent encore, comme elle les a déjà livrés dans plusieurs romans.
Toujours avec une grande pudeur, ses cris résonnent cette fois en écho dans le cœur froid de cette petite sœur perdue. A travers un message sous la forme d’une lettre, à la fois douloureux et reconnaissant, elle livre que c’est bien de cette sœur d’outre-tombe qu’est né chez elle ce sentiment d’être l’ «autre», celle-là vivante, écrivain, pour délivrer le message d’une absente qu’elle côtoie dans ses pensées, dans ses entrailles.
Comme à l’accoutumée, Annie Ernaux donne en peu de mots un message fort, et d’ailleurs pourquoi en faire autrement puisque ses mots sont justes, vrais, intenses, il n’est guère utile de faire d’eux une longue litanie …
L’auteur va à l’essentiel et son récit distillé gagne le cœur du lecteur, doucement, sans jamais le froisser.
Je serai moi aussi peu prolixe, par respect pour cet auteur que j’apprécie beaucoup, pour la saluer de ce grand moment d’émotion et pour la délicatesse de ses mots qui soulignent avec réserve cette souffrance larvée qu’elle contient et dissimule derrière une écriture qu’on lui connaît bien, troublante, subtile.
L’autre fille d’Annie Ernaux, Éditions Nil