Cru bourgeois

Un petit fonctionnaire – Augustin d’ Humières

Présentation de l’éditeur :

C’est quelqu’un de bien. Il est là, sur le terrain. Il applique les consignes, il suit les programmes, il exécute. On loue son dévouement.

Mais un jour sonne l’heure des comptes : il a contribué à instaurer un système injuste, inégalitaire, et absurde, qui n’a fait qu’engendrer l’ignorance, la violence et le ressentiment. À présent, il faut répondre…

Un petit fonctionnaire

Nous professeurs, nous savons que l’histoire n’a commencé ni à Raqqa ni à Mossoul. Elle commence chez nous, avec des familles et des enfants qui ne sont pas très riches et auxquels nous n’avons rien transmis. Ni une langue, ni une histoire, ni des textes, ni des mots.

Notre avis :

Dès les premières lignes, nous découvrons un personnage truculent, professeur retraité. Dans un futur proche, il entame un dialogue avec un chercheur… Américain… Qui réalise une étude sur l’enseignement en France. Mais ce chercheur a une opinion très critique et peu glorieuse quant au fonctionnement de l’éducation nationale, et le dialogue tourne au pugilat. L’enseignant est mis sur le grill, il tente de se justifier. Suit alors une longue réflexion sur son métier…

Réflexion teintée d’amertume, où les souvenirs refluent comme un tsunami… Il se souvient de moments cocasses avec des élèves, les principaux perdants du système. Eux à qui l’on a rien appris… Ou à qui l’on a trop appris, et pas les bonnes choses ! Dès qu’une question s’aventure en dehors du programme strict, les réponses sont absentes ou farfelues. Quelques moments insolites, des réflexions faites par des élèves immigrés le plus souvent, désorientés, tiraillés entre les valeurs que la République tente de leur inculquer, et la vie réelle. Et puis le credo des enseignants, leurs divergences de vue, entre respect du programme et souplesse, entre théorie et pratique.

L’enseignement est-il trop formaté, trop procédurier, laisse-t-il assez de place pour l’initiative personnelle ? Les réponses sont amères, univoques voire lapidaires. C’est un constat affligeant que l’enseignant repenti fait, au cours d’une réflexion personnelle, authentique cependant, argumentée et convaincante, pour peu que l’on partage un minimum sa philosophie. Là est peut-être ce qui fait la force de ce texte mais aussi sa limite : si la voix est vibrante d’émotion, elle est aussi monocorde et univoque. Moult souvenirs, aussi émouvants qu’édifiants de ce que peut être la vie d’un “petit fonctionnaire”. Un style entre essai, roman et biographie, voltigeant de l’un à l’autre.

Extrait :

“À ses heures les plus poétiques, ma salle des professeurs est une sorte de royaume des ombres, dont les héros auraient abandonné leur vrai métier dans leurs vies passées. C’est un lieu d’errance : des ombres de professeurs marchent sans but, dans ce déplorable champ des pleurs. Plus prosaïquement. l’image qui vient à l’esprit pour celui qui découvre l’endroit semble sortie d’un film de Patrice Chéreau. une sorte de lieu glauque et interlope, où chacun se dévisage pour découvrir la véritable identité de l’autre. À la faveur des mutations précoces, d’expérimentations pédagogiques, de départs précipités, on ne sait plus très bien qui fait quoi :
— Je suis la remplaçante de Nathalie.
— Qui est Nathalie ?
— Tu sais, la remplaçante de Corinne. la collègue de philo qui est vacataire…
— Pour le bac blanc oral. je…
— Je t’arrête tout de suite. je ne suis plus prof de français…
— Mais…
— J’enseigne le patrimoine et les arts du son !”

Un petit fonctionnaire d’Augustin d’ Humière. Éditions Grasset

Date de parution : 12/04/2017  
Article publié par Noann le 24 avril 2017 dans la catégorie Cru bourgeois

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