N’oublie pas les oiseaux – Murielle Magellan
Le précédent livre de Murielle Magellan m’avait particulièrement emballé, j’en parlais ici. Je me demandais comment l’auteure allait rebondir, ce qu’elle aurait à nous offrir comme suite.
Dès les premières pages, elle confirme son talent. Nous sommes immédiatement happés dans un flux d’émotions. Les mots sortent du cœur d’une jeune femme de 20 ans, l’auteure même. Des pensées que l’on devine intimes, et qui ont la puissance du vécu. La jeune Murielle est attirée par un professeur, nettement plus âgé qu’elle. Mais dans ce milieu du spectacle, les tentations sont nombreuses, et le professeur papillonne sans vraiment s’intéresser à son élève. Ils se perdent de vue, se revoient, de fil en aiguille font un pas de plus, finissent par s’épouser et avoir un enfant.
Murielle Magellan nous conte avec une force très personnelle cette aventure chaotique, qui s’étale sur tout un pan d’existence. Elle sait donner vie à ses émois, qu’ils soient faits de joie ou de peine. Elle explore les intimités et nous livre les tourments de l’âme avec magnificence. L’histoire est intéressante, bouleversante même. Nous suivons la vie de cette jeune femme jour après jour, avec l’aide de notes personnelles griffonnées dans de petits cahiers, qui sont des copies de vraies pages de l’époque. Mais il manque une trame forte à laquelle s’accrocher, comme c’était le cas de son précédent livre, qui nous menait du début à la fin sans que l’on voie le temps passer. Le récit tourne tout autour de cette liaison passionnée et un peu folle, car la jeune femme s’attache désespérément à cet homme qu’elle sait volage, contre toute raison, jusqu’à la fin. L’homme en question, le “slave”, est intéressant parfois, répugnant souvent, dans son ego sur-dimensionné, et le mépris des autres. Quant à elle, sa naïveté dépasse tout entendement. Cependant, l’exploration intimiste de l’auteur nous donne à voir cette histoire complexe sous des angles édifiants, et nous aide à comprendre les infimes rouages de cette relation singulière. L’auteure sait faire parler les âmes et explorer leurs moindres replis. Chacun reconnaîtra sans problème une histoire déjà vécue ou entendue dans ce livre, tant les facettes explorées nous sont familières. Mais l’auteur parvient à donner une lumière particulière, à la fois authentique, forte et convaincante.
Le récit aurait pu avoir toutefois un fil conducteur plus captivant, et être centré sur les arts dramatiques par exemple, la création d’une pièce ou autre, avec d’autres personnages à l’appui, et l’histoire d’amour en filigrane. Mais au contraire, il est porté uniquement par l’amour irraisonné et sans limite pour ce professeur. Dès lors, les 330 pages paraîtront peut-être longues et quelque peu monotones, en dépit du talent de l’auteure à en exploiter les infinis aspects. L’auteur n’échappe pas totalement au piège pourtant bien connu du mode auto-biographique : la tendance à se faire plaisir en parlant de soi, à livrer des anecdotes… Oubliant le lecteur. J’ai dévoré le roman précédent de M Magellan, tandis que celui-ci a traîné des semaines sur ma table de chevet. L’un n’est pas meilleur que l’autre pourtant. Mais bien que j’aie adoré de nombreux passages, l’ensemble m’est apparu comme une sorte de tournage autour du pot.
N’oublie pas les oiseaux de Murielle Magellan