En fouillant les affaires de son mari pour trouver un stylo, Inès découvre, dessiné au rouge à lèvres, un cœur transpercé avec un message griffonné « à toi » qui semble à l’évidence destiné à une autre qu’à elle. Pétrifiée par cette découverte, elle se décide de mener une enquête et traverse Buenos Aires et les alentours d’un bout à l’autre pour en savoir plus, sauver son honneur et ne pas vivre la même trahison qu’a vécu sa mère auparavant. Ainsi, au fil de ses investigations rondement menées, elle intercepte malencontreusement une conversation téléphonique entre son mari Ernesto et un interlocuteur suspect. Puis, elle apprend que son doux mari vient non seulement de licencier sa secrétaire, mais qu’il a aussi, de ses mains, assassiné «A toi»…
À la fois désarmée et soulagée par ces nouvelles, elle poursuit son investigation avec acharnement, tente de recueillir par ci par là des témoignages, interroge l’entourage d’Ernesto pour aboutir à la vérité. Une promenade dans Buenos Aires conduite par Inès, une argentine bourgeoise et déchue. Le récit dénonce l’égoïsme et la bassesse d’une classe sociale bourgeoise, juste attentive à sauver les apparences, se bornant alors à se retrancher derrière une vitrine de circonstance.
Dans ce pamphlet de société, l’auteur dévoile ce que révèle ce monde de pacotille qui se déguise derrière une fausse simplicité, une paroi artificielle pour se protéger du qu’en dira-t-on, du jugement d’autrui. L’écriture danse et virevolte dans un ballet où se côtoient suspense, ricochets et imprévus.
Ce roman ironique et succinct, au style enlevé et ardent, qui prend une tournure tragi-comique se lit d’une traite et le dénouement inattendu vous laisse un sentiment doux-amer…
À toi de Claudia Pineiro
Date de parution : 01/04/2015
Article publié par Catherine le 8 juin 2015 dans la catégorie
Cru bourgeois
Deux personnages, trois histoires. Tout commence dans le hall d’un hôtel. Un homme parle à une femme. Celle-ci a un malaise et il l’héberge dans sa chambre. Ils se parlent…
Un portier d’hôtel aide une jeune femme à quitter un compagnon violent. Ils se confient…
L’homme de la première histoire a perdu ses parents dans un incendie et une inspectrice de police le conduit chez un ami pour le protéger. Il se souvient…
À travers de courts récits, un homme se souvient de ses bouts de vie, ses perditions, ses émois. Trois nouvelles intimistes qui se mêlent harmonieusement, l’amour séjournant en toile de fond. Des rencontres entre vêpres et potron-minet, dans un hôtel luxueux ou minable, une chambre qui ressemble à un parloir, des échanges et partages d’événements qui ont marqué leur vie, certains mêmes les ayant contraints à repartir à zéro. Dans ce huis clos, des hommes et des femmes s’épanchent, s’expliquent et relatent leur chemin de vie, leurs désarrois, leur survie à tout prix.
Un peu dubitative à la première lecture empressée, j’ai eu d’emblée l’envie de reprendre celle-ci à tête reposée pour savourer chaque détail qui m’avait échappé. Le récit se lit d’une traite et l’on passe parfois à côté du message donné entre les lignes car les événements et les dialogues s’entremêlent à la vitesse d’un grand galop.
Les personnages sont émouvants, aux antipodes l’un de l’autre, mais ont tous des affinités, des points communs, une personnalité qui s’accorde, des secrets enfouis, des tourments qui refont surface. Les lieux sont magnifiquement décrits, donnant au récit un arrière-plan très réaliste. L’atmosphère, tantôt un peu glauque, tantôt transparente invite au mystère.
Ainsi, à travers ces récits succincts, l’auteur scrute les tréfonds d’âmes meurtries de personnages qui se croisent et partagent la même galère, qui se débattent dans des vies ébréchées et s’arrêtent dans des lieux de secours au décor entre gris-clair et vermeil.
La fin de chaque récit tombe très rapidement et déconcerte parfois, mais cela n’entrave en rien la qualité de l’ouvrage.
Quelques heures de ravissement, à dévorer avant l’aube…
Trois fois dès l’aube d’Alessandro Baricco
Date de parution : 26/02/2015
Article publié par Catherine le 25 mai 2015 dans la catégorie
Grand vin
Bilado est facteur. Scrupuleux, il fait son travail avec beaucoup de sérieux et mène une vie tranquille. Le courrier à acheminer se fait plus rare depuis l’apparition des mails. Mais entre les publicités et les courriers administratifs se cachent encore quelques correspondances qui l’interpellent. Bilado a un gros défaut. Il a une telle curiosité qu’il ne peut s’empêcher d’ouvrir le courrier qu’il doit distribuer et de se délecter du contenu. Ainsi, il ouvre les enveloppes à la vapeur et les referme minutieusement après avoir lu les lettres. Une correspondance le trouble particulièrement, celle d’un échange entre la très jolie Ségolène, guadeloupéenne, et Gaston, un homme instruit un peu fou.
Et le facteur indiscret découvre les poèmes magnifiques et les haïkus que la belle ilienne envoie à son amoureux. À travers ces échanges épistolaires, Bilado est bouleversé et nourrit le rêve de séduire cette belle poétesse virtuelle. Comment séduire une belle dame de lettres quand on est un simple facteur un peu démuni et peu instruit. Alors il se rend régulièrement à la bibliothèque et tombe sous le charme de ces petits poèmes japonais, qu’il dévore avec beaucoup d’enthousiasme.
Puis le drame… Gaston se fait renverser par un camion. Bilado décide d’endosser les habits littéraires du défunt lettré et va tout tenter pour séduire la belle poétesse.
Un roman insolite, saugrenu où l’absurde jouxte avec la poésie. L’auteur nous emmène d’un bout à l’autre du récit en usant et abusant d’une sorte de suspens larvé et l’on se laisse porter sans vraiment savoir où l’on va, où est la vérité jusqu’aux dernières pages qui nous oppriment, nous envoûtent pour nous délivrer enfin.
L’histoire a un petit air de déjà vu mais les clichés sont subtilement évités, la plume très belle, poétique et le style enlevé virevolte. Et dans ce balai de mots, l’auteur joue avec notre patience pour nous récompenser enfin dans les derniers mots de son récit.
J’ai apprécié ce roman surréaliste, où dans chaque ligne s’immiscent la noirceur, une sorte de cruauté aussi, mais je n’en garderai pas un souvenir inoubliable…
Le facteur émotif par Denis Thériault, éd. Anne Carrière
Date de parution : 30/04/2015
Article publié par Catherine le 18 mai 2015 dans la catégorie
Cru bourgeois
«Je vais vous dire ce que je voudrais pour mon enterrement : des garçons nus et gémissants sur mon cercueil, des roses blanches par milliers tombées d’un avion sur Saint-Germain-des-Prés, une messe œcuménique dans l’église de mon village provençal, mes amies Jeanine et Colette, soixante-quinze ans, en minijupe à fleurs, chapeau à larges bords et lunettes noires, une fête au champagne qui se terminerait dans la piscine par une nuit de pleine lune, un lâcher de lucioles qui repeuplerait le Luberon pour les siècles des siècles, amen. »
Et le ton est donné…
Nous voici emportés dans les pensées de l’auteure. Entre le Lubéron et Saint-Germain-des-Prés, elle scrute le monde, l’examine avec un œil éveillé et couche sur papier ses ressentis à travers une écriture à la fois aigre-douce et très délicate, nous parle d’amour avec intensité, de la nature, de ses amis aussi.
Six nouvelles qui nous tiennent scotchés et que l’on lit d’une traite, sans escale. De courts récits qui raviront les âmes qui ont gardé le sens de l’émerveillement, le cœur d’un enfant. Dans cette balade ornée d’humour, à la fois tendre et hardi, sur fond d’amour, on se sent l’envie d’entamer un pas-de-deux en pleine nature, s’asseoir dans l’herbe verte, enivré par les senteurs de fruits rouges.
Le style enlevé et les mots percutants, fougueux, empreints de passion donnent à ce nouvel opus une saveur exaltante. Amour, désamour, passion, rupture, amitié, résonnent en écho entre les lignes de chaque nouvelle, enflamment le lecteur et l’invite lui aussi à observer le monde tel qu’il est.
Deux nouvelles ont particulièrement retenu mon attention, l’une qui relate l’amitié entre un jeune violoniste déporté à Auschwitz et la chienne de garde d’un SS qui le suivra partout et celle d’une passion amoureuse que je préfère vous inviter à lire plutôt que d’en faire le résumé ici.
Regarder le monde derrière des verres grossissants et ne jamais cesser de rêver…
Je terminerai ce billet succinct en vous conseillant de vous hâter vers la librairie pour vous procurer ce très beau recueil.
Femmes de rêve, bananes et framboises de Simonetta Greggio
Date de parution : 01/04/2015
Article publié par Catherine le 3 mai 2015 dans la catégorie
Grand vin
Férue de poésie depuis ma jeunesse, j’ai toujours ce besoin de m’offrir une pause lyrique entre mes lectures de romans, nouvelles, essais. J’ai été ravie de trouver ce délicat recueil de poésies chargées d’émotion et de sensibilité. Un écrin de mots où les deux auteurs réunis nous parlent d’amour à travers des textes succincts couchés sur le papier comme des caresses, des mots que l’on a envie de lire et d’écouter, déclamés par l’être aimé, alanguis dans un champ de blé ou d’herbe verte.
L’amour qui règne sur nos vies et dans nos cœurs comme une sorte de divinité suprême, nous laissant tantôt animés de fougue et de bonheur extrême, tantôt meurtris et exsangues. L’amour dessiné ici comme un échange confidentiel entre les auteurs et le lecteur, guidant celui-ci dans une promenade qui mène au bonheur et lui dévoilant les secrets pour y parvenir. Et qu’importent les repères pour approcher l’amour et le garder intact si ce n’est d’y croire. L’opus est orné de magnifiques illustrations, celles de Véronique Biefnot, ce qui donne au recueil encore plus d’éblouissement.
Et on emporte partout avec soi ce délicieux recueil de poésies et d’échanges sur le thème des sentiments qui nous plonge dans notre intimité d’humain en quête de cet Amour grandiose, infini, chaotique parfois, mais toujours espéré. L’écriture est belle, touche intensément et les mots sont empreints de délicatesse et de simplicité, deviennent de véritables repères dans notre route de l’amour.
N’est-ce pas ainsi que chacun de nous vacille comme un funambule sur le fil de la vie, chancèle quand le cœur s’émeut et palpite, s’ébroue dans les eaux parfois limpides parfois fougueuses des rivières tourmentées… Pour l’Amour, toujours pour l’Amour… Et l’auteur invite le lecteur à participer à une sorte de jeu de piste sur son propre chemin, sa quête personnelle de l’amour. Un livre original captivant que l’on garde cloisonné dans la mémoire et le cœur.
Au tour de l’amour de Francis Dannemark et Véronique Biefnot
Date de parution : 01/03/2015
Article publié par Catherine le 23 avril 2015 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
Voici un petit livre original où l’auteur joue avec des expressions toutes faites et leur donne une nouvelle forme, à la fois éthérée et raffinée. L’auteur invite à une balade à travers de courts récits teintés d’humour illustrés par de très belles calligraphies.
Un livre à emporter partout avec soi. De ce petit écrin, émanent poésie et délicatesse, mêlées à un souffle de philosophie. Une courte balade invitant à la médiation où l’auteur fait danser les mots et accompagne ceux-ci de très belles calligraphies. Et l’on est d’emblée emportés par cette douce valse de rêveries au parfum d’optimisme. L’auteur a couché sur papier ses rêves, les a habillés de mots et de graphismes et enveloppé d’une mélopée douce et légère.
Ma chronique se veut succincte puisque le récit l’est tout autant, mais ce court roman est un enchantement.
Que dire encore de ce petit opus si ce n’est de vous hâter vers la librairie pour l’acquérir.
Une bouffée d’oxygène dans le tumulte du quotidien…
Mosaïq de Christian Zimmerman, éd. Caractères
Date de parution : 14/03/2014
Article publié par Catherine le 11 avril 2015 dans la catégorie
Grand vin
Quand Peter et Carla se croisent à Paris, c’est le flash immédiat et très vite ils se jettent dans les bras l’un de l’autre. Certes, tout avait si bien commencé. Mais Peter a un penchant pour la Dive bouteille et Carla le vénère, l’admire, tombe amoureuse. Leur relation prend une tournure venimeuse. Peter est circonspect, énigmatique, se montre de plus en plus souvent distant, mais la désire pourtant. Et Carla, très amoureuse, est patiente, le vénère et l’aime à perdre la raison.
Malgré la dégradation de leur relation, Carla se languit de son amant et n’a qu’une hâte, le rejoindre à Prague. Là-bas, elle subit l’indifférence et l’alcoolisme de son homme et elle se sent de plus en plus seule face aux crises répétées de Peter. Et dans cette ville étrangère, elle prend peur. Dans la ville aux mille clochers et aux mille trésors, une femme du Sud, brulante et amoureuse et un Nordique, austère et distant s’aiment et s’égratignent. Ces deux partenaires aux antipodes l’un de l’autre survivront-ils dans ce chemin de passion et de déchirures ?
Et le spectre de Kakfa veille sur ce duo diabolique…
L’auteur décortique une passion qui fait souffrir et nous invite à nous immiscer dans ce ballet charnel, et l’on se pose moult questions. Quand deux différences se rencontrent, s’attirent et fusionnent puis se font souffrir, cette relation improbable peut-elle durer ? L’écriture est enflammée, voluptueuse et excitante, mais entre ces lignes s’immiscent aussi la souffrance et le chagrin.
Un récit qui parle avec une grande véracité des difficultés d’une relation quand chez l’un des partenaires resurgit des tréfonds de la mémoire des conflits familiaux d’antan, l’empêchant d’aimer et de s’abandonner pleinement dans une relation intime. Une histoire d’amour fou qui jouxte avec la mort, aussi une belle réflexion philosophique sur les différences de culture et de personnalités.
L’Amant de Prague de Monique Ayoun, éd. La Grande Ourse
Date de parution : 28/01/2015
Article publié par Catherine le 4 avril 2015 dans la catégorie
Grand vin
Dans une maison anglaise, une femme, mère de trois enfants et épouse d’un médecin, s’ennuie et se sent oppressée par cette vie qui ronronne sans fantaisie ni fougue. Le couple n’a plus de relation sexuelle depuis la naissance du dernier enfant et s’installe entre eux un vide sidéral sentimental. Elle gamberge et pour s’extirper de sa torpeur, elle plonge dans sa mémoire et effeuille un à un ses souvenirs depuis son adolescence en Australie entre un père grossier et une belle-mère rigide, la découverte du sexe avec Tol, un homme plus âgé, écrivain en panne d’inspiration mais amant hors pair qu’elle n’a jamais pu oublier. Avec lui, elle a connu moult pratiques et jeux sexuels.
Mais cette longue promenade dans les tréfonds de son âme va-t-elle l’aider à dire au revoir à Tol, celui qui a laissé dans sa tête et son corps d’irréversibles stigmates, l’a révélée à elle-même.
Un récit sans conventions, croustillant, juste un rien grivois, sur la passion dévastatrice et magnifique à la fois. Ou comment le désir peut-il fluctuer d’une époque à l’autre de sa vie, depuis la découverte, puis la perte, la résurrection enfin ?
Un univers un peu décalé, à la fois délicat, troublant, excitant aussi. Entre un mari qui partage avec elle une vie sans anicroche, non dénuée d’amour mais exempte de la moindre sensualité et une passion amoureuse dévorante qui la met sur les genoux, la laisse meurtrie, le cœur en lambeaux et la peau brulante de désir, elle tentera de se reconstruire doucement.
L’écriture est enlevée, le rythme soutenu du début à la fin du récit. L’érotisme séjourne entre les lignes et donne un ton chaleureux à cette histoire de femme un peu mélancolique, presque résignée.
Un plaidoyer sur le manque et le désir qui naît puis s’étiole, pour renaître auprès d’un autre aimé qui fait perdre la raison, le souvenir de caresses qui transportent et embrasent, d’un amant que l’on ne rencontrera pas deux fois dans sa vie.
Certes le récit est intéressant, bien mené, mais j’ai ressenti une déception toutefois, la désormais coutumière et peu originale thématique de l’exploitation des souvenirs dans laquelle chacun d’entre nous se reconnaît… Ici en revanche, les petites touches d’érotisme subtilement disséminées parviennent à sauver l’histoire.
Avec mon corps par Nikky Gemmell, éd. Au Diable Vauvert
Date de parution : 22/01/2015
Article publié par Catherine le 25 mars 2015 dans la catégorie
Cru bourgeois,
érotique