“Si j’y suis”, ainsi s’intitule ce court roman. Heureusement, ce titre n’est pas suivi d’une ponctuation, nous sommes donc libres d’y apposer un point d’interrogation et d’y répondre : non, l’auteur n’y est pas du tout. Encore que. On ne sait pas où il veut en venir, comme dans nombre de romans actuels. Il a peut-être atteint son but quand même, s’il en est un.
La principale qualité de ce tas de papier est d’être bref, vite lu, vite oublié, sans laisser le moindre trace, même homéopathique. Il aurait fallu en commencer la lecture par la fin, c-à-d par la quatrième de couverture, car l’on peut y lire : “Il (l’auteur) est journaliste à Télérama.” Être grand-reporter en Afghanistan et publier un récit sur la massacre de cinq sœurs nubiles par des Talibans, c’est logique et méritoire. Mais être chroniqueur pour un journal télé et publier les élans affectifs de sa mère mourante, enfin à peu près, et ses souvenirs de bambin, tout en se promenant sur une plage avec sa compagne… c’est une mission périlleuse.
Pour ce qui est du style… Un exemple vaut cent discours : “Pourquoi tu te comportes comme ça Jacques, dit-elle. Comment, dis-je. Tu sais bien, dit-elle. Non, dis-je. Bien sûr que si, dit-elle.” C’est Proust version 2013. L’auteur nous balance des “dis-je” à tour de bras, or il écrit à la première personne. Ces incises, outre leur inutilité, sont horripilantes. Remarquez, il y a parfois une nuance : “pensai-je”, ça nous change de l’ordinaire, c’est terrible, on croirait une faute de frappe. Bon Dieu des auteurs, revenez sur terre les sauver : ces pauvres bougres ne trouvent rien de mieux pour personnaliser un style que de faire de mauvais emprunts au langage courant !
Je n’évoquerais pas la syntaxe, qui est digne d’un enfant de douze ans éduqué à la Playstation. Outre le peu de vocabulaire, on eût aimé qu’il fût utilisé de façon plus lumineuse. Un point positif cependant, l’usage de l’imparfait du subjonctif, du moins quand il sied à l’auteur…
Quant au fond… Avec un certain sens déductif, le lecteur pourra prendre un certain plaisir à reconstituer une trame qui, ma foi, n’est pas complètement dénuée d’intérêt… Ceci à condition bien sûr de biffer tout passage inutile, ce qui nous fait un bon roman de vingt pages, perdues dans un total de 110. Eh oui, être court, ce n’est pas forcément être concis…
Si j’y suis d’Erwan Desplanques. Éditions de l’Olivier
Date de parution : 10/01/2013
Article publié par Noann le 13 mai 2013 dans la catégorie
Comestible ?
Gérald passe inaperçu… Quoi qu’il fasse, personne ne s’intéresse à lui. Un jour, alors que la banque où il travaille fait l’objet d’un braquage, il sauve ses collègues avec beaucoup de bravoure. Tout le monde est remercié, applaudi mais aucun bravo ne lui est adressé… Même Victoire, sa patronne, ne prête attention à lui.
Las de toute cette indifférence et pour que les beaux yeux de Victoire se posent enfin sur lui, Gérald décide de l’épater et réalise un challenge insensé. Ainsi, il va traverser la Manche à la nage.
L’on suit cahin-caha les exploits d’un jeune homme incompris, effacé, délaissé de tous, qui a toujours vécu entre parenthèses, suspendu et chancelant sur le fil des âmes humaines peu soucieuses de le soutenir et l’apprécier tel qu’il est, en équilibre précaire dans une faune d’égoïstes se contemplant l’ombilic au mépris d’autrui.
Une vague et un dos crawlé plus loin, on s’attend à ce que surgisse un imprévu, une surprise mais rien ne viendra troubler la motivation et le courage du nageur tandis que le lecteur se laisse porter par le récit, les yeux un peu alourdis et somnolant bientôt dans une douce oisiveté…
Voici l’histoire d’un garçon anodin, fragile qui, déjà gamin ignoré de tous se débattait dans la mêlée sans jamais émerger et, des années plus tard, ira jusqu’au bout de son rêve pour gagner le cœur d’une femme si belle, si inaccessible.
Un roman au ton juste, sans fard, sans grande envolée littéraire, sans grande charge émotionnelle, certes touchant et délicat. Un bon délassement à emporter en week-end ou dans une salle d’attente et n’en garder que le souvenir mélancolique d’un homme en pleine dérive, prêt à tout pour séduire et… exister.
Le garçon qui n’existait pas de Patrice Leconte, éditions Albin Michel
Date de parution : 27/03/2013
Article publié par Catherine le 9 mai 2013 dans la catégorie
Cru bourgeois
Résumé :
VIII retrace la vie de Hal, un jeune guerrier beau et talentueux, convaincu d’avoir été élu pour guider son peuple. Mais les fantômes d’un violent passé familial viennent le hanter, jusqu’à le transformer, dès son accession au trône, en un meurtrier doté d’une cruauté sans fin… le roi Henry VIII.
Mon avis :
Cette lecture m’a captivée.
Contrairement à l’auteur et aux historiens, je n’ai que de vagues notions de la vie d’Henri VIII, et le plus récent et plus complet rafraîchissement de ma mémoire à ce sujet est, à tort ou à raison, la récente série “Les Tudor”; dont j’ai avant tout admiré l’époustouflante beauté des costumes.
Ce livre est émouvant car il me donne à décrypter le personnage.
À partir de son enfance au sein d’une famille dont le rang social et les mœurs ne m’étaient pas bien apparus avant la subtile analyse de Harriet Castor.
Pitoyables rois sensés matérialiser le main de Dieu lui-même ! Obligés en fait de renier leur conscience, de perdre leur bon sens dans le dédale des faux semblants de la politique!
Jamais je n’avais considéré Henri VIII avec compassion : je le voyais redoutable, puissant au-delà du raisonnable, et cruel par nature.
“On ne peut juger sans comprendre, mais lorsqu’on a tout compris, on ne peut plus juger.”
J’ai retenu cette phrase entendue au cours d’un documentaire sur un procès d’assises.
Et Harriet Castor me montre l’enfant qui grandit au sein d’une famille où l’on vit dans la peur d’être assassiné par son frère, son ami, son conjoint…
Une famille retranchée derrière de fastueuses richesses matérielles qui font croire au peuple, voire à eux-mêmes, qu’ils sont des demi-dieux, des invulnérables, des enviables…
Or Henri, chose paradoxale pour un monarque d’un tel pouvoir, n’a de prise sur rien de ce qui lui permettrait de se construire.
À force de pouvoir faire et défaire toute réalité, toute vérité, il n’en trouve aucune.
Son angoisse est aussi insondable que sa démesure.
Il est effrayant d’en arriver à plaindre un homme qui a causé tant de torts : un dictateur sans pitié, un fauteur de guerre et de malheur pour son peuple, un mari cauchemardesque…
Et pourtant:voilà le chemin qu’a emprunté une âme qui n’a jamais été autorisée à prendre le chemin de l’amour, privée de tout le bien qui en dépend.
Bon exemple pour illustrer que le mal n’est jamais le fait d’une seule personne…
VIII de Harriet Castor. MA éditions
Date de parution : 22/05/2013
Article publié par Martine le 5 mai 2013 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
L’auteur nous entraîne dans son univers jalonné d’aléas, de rencontres inattendues et nous invite à méditer sur nos chaos intérieurs, nos failles, nos divagations, nos violences larvées, nos désarrois…
Ainsi, à travers chaque récit, nous croiserons des hommes et des femmes en plein questionnement, allant d’un mari fidèle coincé malgré lui aux Caraïbes par un vol de retour retardé et séduisant une passagère dans la même situation que lui, une jeune femme terrorisée par l’annonce d’un séisme, un joggeur témoin d’un enlèvement…
J’en resterai là pour ne pas dévoiler le contenu de tous ces récits où des personnages en plein tourment se rencontrent, victimes de leurs terreurs intérieures, s’arc-boutent dans leurs vies délabrées au lien fragile d’un destin ô combien obscur.
De chaque page tournée émane un sentiment de détresse et d’appréhension. En sillonnant toutes ces années et en suivant la trajectoire de tous ces personnages qui se débattent au quotidien, l’auteur nous invite à une réflexion sur l’incertitude du lendemain, la solitude moderne, l’inégalité, supplices endurés par chacun dans un univers de tempêtes et de tourments.
Entre les lignes se dévoilent les incessantes peurs face à la mort, au temps qui s’écoule trop vite, trop incertain où l’homme tel un funambule sur le fil de la vie chancèle et perd l’équilibre.
C’est de l’Amérique inquiète et fébrile que nous parle ici l’auteur mais chacun de nous aux quatre coins de la planète se reconnaîtra dans cette recherche incessante de la sérénité et de la paix intérieure.
Un recueil de neuf nouvelles composé sur une longue période puisqu’elle s’échelonne de 1979 à 2011, à déguster sans modération et qui laisse dans le cœur et l’âme d’indélébiles stigmates, mais aussi une douce crainte qui demeure inassouvie…
L’Ange Esmeralda de Don DeLillo, éditions Actes Sud
Date de parution : 13/02/2013
Article publié par Catherine le 1 mai 2013 dans la catégorie
Grand vin
Quatrième de couverture :
Sidónio Rosa est tombé éperdument amoureux de Deolinda, une jeune Mozambicaine, au cours d’un congrès médical à Lisbonne, ils se sont aimés puis elle est repartie chez elle. Il se met à sa recherche et s’installe comme coopérant à Vila Cacimba. Il y rencontre les parents de sa bien-aimée, entame des relations ambiguës avec son père et attend patiemment qu’elle revienne de son stage. Mais reviendra-t-elle un jour ?
Là, dans la brume qui envahit paysage et âmes, il découvre les secrets et les mystères de la petite ville, la famille des Sozinho, Munda et Bartolomeu, le vieux marin. L’Administrateur et sa Petite Épouse, la messagère mystérieuse à la robe grise qui répand les fleurs de l’oubli. Les femmes désirantes et abandonnées. L’absence dont on ne guérit jamais.
Un roman au charme inquiétant écrit dans une langue unique.
Mon avis :
Un bijou ! Un roman et à la fois un long poème désenchanté. Le personnage principal ? Un mourant… ou une Afrique moribonde atteinte d’un mal qui attaque les fondements même de son être et de ses pensées.. Un récit sur le mal de vivre, sur le manque et la solitude, l’enfermement, la non-communication, la peur… Les personnages vivent-ils dans le passé ou le présent, dans l’espoir ou les souvenirs ?
Tout se mélange et la magie de l’Afrique imprègne le récit. Un blanc, des mulâtres, des noirs… des incompréhensions tant culturelles que « colorielles »… Un pays, une ville, une maison, des personnages… tous s’accrochent au passé et tentent de résister dans une atmosphère où tout se délite, se délabre, s’effrite, tombe en poussière… Le monde dans lequel ils vivent est un enchevêtrement de croyances, de mensonges, de haines, de rancœur, et d’amour aussi… Mais qui sont réellement les personnages ? Des ombres, des vivants, des souvenirs ? Les objets se muent en personnages et les personnages deviennent ombres. «Après tant d’années, on ne vit plus dans la maison, on devient la maison où l’on vit. C’est comme si les murs habillaient notre âme.» Magnifiquement écrit et superbement traduit, dans une langue qui n’appartient qu’à lui.
Citations et extraits :
(p.18) «On fait tous l’éloge du rêve qui est la compensation de la vie. Mais c’est le contraire, docteur. Vivre est nécessaire pour se reposer des rêves.
– Rêver ne vous rend que plus vivant.
– Pourquoi ? Je suis fatigué d’être vivant. Être vivant ce n’est pas vivre.»
(p.76) «Avant je recevais des lettres, maintenant on m’écrit des ordonnances. Ce que j’ai maintenant, à coté de mon lit, ce n’est plus une petite table de chevet. C’est une table pour m’achever.»
Poisons de Dieu, remèdes du diable de Couto Mia. Éditions Métailié
Date de parution : 10/01/2013
Article publié par Yves Rogne le 30 avril 2013 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
Présentation de l’éditeur :
Salie est invitée un samedi à un dîner du type « papa, maman et les enfants, plus quelques amis ». Mais cette invitation d’une apparente simplicité la plonge dans l’angoisse. Pourquoi est-ce si « impossible » pour elle d’aller chez les autres ? De répondre aux questions banales sur sa vie, sur ses parents ? Salie se lance dans une conversation avec « la Petite », sorte de voix intérieure et de double de la narratrice, enfant. Cette dernière va la forcer à revenir sur son passé, à revisiter son enfance pour comprendre l’origine de cette peur. Salie re-convoque alors ses souvenirs, la vie à Niodior, la difficulté d’être une enfant illégitime, d’endurer le rejet et la violence des adultes, les grands-parents maternels qui l’ont tant aimée…
À partir d’une matière très personnelle et intime, Fatou Diome parvient à créer un inoubliable personnage, Salie. Le roman est l’histoire d’une enfant grandie trop vite et qui ne parvient pas à s’ajuster au monde des adultes. Mais c’est aussi l’histoire d’une libération, car l’introspection que mène Salie pour apprivoiser ses vieux démons, tantôt avec rage et colère, tantôt avec douceur et humour, est salvatrice.
L’avis de Noann :
Voyage à travers les souvenirs de l’auteure, par une écriture subtile, chargée de métaphores et d’allégories…
Ce périple à travers les sentiments d’une enfance n’est pas seulement personnel, chacun s’y reconnaitra, et les leçons de morales que l’auteure dressent sont universelles. C’est un livre sur les difficultés de l’intégration et de l’enfance, en particulier quand la nécessité de passer à l’âge adulte se précise… L’écriture est ouvragée et stylée… Un bémol quand même, ces presque 400 pages paraitront longues et parfois monotones. Il eût gagné à être plus léger, tant en taille qu’en nombre d’effets de style.
Autres avis glanés çà et là :
Love of book :
La plus belle chose dans ce livre selon moi c’est l’écriture. L’auteur écrit si bien que comme je l’ai dit plus haut, j’arrivais presque à sentir les saveurs, à voir les environs des pays cités. Les réflexions de l’auteur sur la vie, la mort en bref, les questions sur les questions que l’on peut tous se poser un jour. Il y a une vraie poétique dans cette écriture, si douce mais aussi assez lente donc ça ne peut pas plaire à tout le monde.
Blog de Paikanne :
Demeure l’impression que l’invitation en question agissait comme une espèce de “pré-texte” pour raconter la souffrance de la Petite, cette enfant marquée à jamais par le sceau de l’illégitimité et qui a eu la chance d’être choyée par des grands-parents profondément aimants, alors qu’elle était rejetée de tous.
Toujours à la page :
Ce roman est à la fois violent dans la description de son enfance et à la fois poétique par le respect de toute sa culture. Le lecteur imagine le contexte de soumission qui réside dans la culture africaine et comprend que la vie à Niodior ne s’apparente pas à un voyage d’agrément. (…) Roman intimiste qui donne à réfléchir sur le comportement humain.
Impossible de grandir de Fatou Diome. Éditions Flammarion
Date de parution : 15/03/2013
Article publié par Noann le 29 avril 2013 dans la catégorie
Cru bourgeois
Voici un recueil de trois textes, présentés par l’éditeur comme des nouvelles, sur le dénominateur commun de l’absence, du départ, des retrouvailles, de la mémoire…
Le premier nous plonge au cœur de l’Inde, dans une ambiance chahutée, quelque peu alambiquée. Un homme part à la recherche de la femme qu’il a aimée. Ils se sont quittés sur quelques mots, par une décision rationnelle. Il part à sa recherche, de fil en aiguille, à travers un dédale qui lui fera croiser des personnages mystérieux.
Une femme est morte brutalement à 46 ans. Un marchand d’art part à la recherche de l’amant de celle-ci, et découvre une étrange réalité…
Un grand écrivain vient de mourir… Nous découvrons les personnes énigmatiques qui l’entouraient, en particulier son secrétaire avec qui il avait tissé des liens particuliers, mais aussi quelques vautours qui pensent à la succession et aux droits de l’écrivain. Que cache son roman “les murmurantes” ? La vérité voit le jour peu à peu…
Que dire cette écriture, sinon qu’elle est ouvragée, classieuse, élégante…? Le lecteur prendra plaisir à se laisser bercer par la petite musique lancinante des mots. Des phrases longues, mais moins que ce à quoi l’auteur nous avait habitués. Pour ce qui est du fond, peut-être pas d’enthousiasme immédiat. Ces textes sont assez longs, étagés, argumentés par des fils ténus. Tout y est développé de façon lente, discrète… Ce n’est pas le genre de lecture que l’on assimile rapidement, et qui se lit en vitesse. Il faut s’investir peu à peu, revenir parfois en arrière, faire preuve de patience, d’opiniâtreté. L’auteur ne nous mâche pas la tâche et se répète peu. Il faudra rester attentif pour ne pas perdre le fil conducteur. En cela, ces textes n’ont rien de la nouvelle dans sa plus pure tradition, qui emballe, se lit d’une traite, avec ses moments d’apothéose, sa chute époustouflante. L’auteur dessine des univers dont lui seul a le secret. On y entre sur la pointe des pieds, et il faut ensuite mériter le voyage…
Les murmurantes de François Emmanuel. Éditions du Seuil
Date de parution : 07/03/2013
Article publié par Noann le 29 avril 2013 dans la catégorie
Cru bourgeois
Présentation de l’éditeur :
À quatre heures du matin le 13 mars 1964, à New York, dans le Queens, une jeune femme qui rentre chez elle est agressée dans la cour de son immeuble. Des voisins entendent ses cris, mais personne n’appelle les secours. Concentré sur deux heures, “De bons voisins” raconte les derniers instants de cette femme. Mais c’est aussi l’histoire de ses voisins, témoins inertes de son calvaire : une jeune recrue de l’armée, angoissée à la veille de la visite médicale qui décidera de son départ pour le Vietnam ; une femme qui pense avoir tué un enfant ; un couple qui fait sa première expérience échangiste… C’est enfin l’histoire de la ville, de ses nuits faussement calmes, de sa violence aveugle.
Ryan David Jahn s’empare ici d’un fait divers réel, le meurtre de Kitty Genovese, qui a défrayé la chronique dans les années 1960 et donné naissance à la notion d’“effet du témoin” : lors d’une situation d’urgence, les témoins sont d’autant moins susceptibles d’intervenir qu’ils sont nombreux.
Usant de toutes les ressources du roman pour interroger cette criminelle passivité, l’auteur mène de concert de multiples fils narratifs, les entrecroise avec un art consommé du récit et tisse le sordide canevas de nos démissions ordinaires.
Mon avis :
Ce roman se déroule entre 4h et 6h du matin. Une jeune femme se fait agresser devant chez elle. Elle crie mais personne ne vient la sauver, personne ne téléphone à la police. Les voisins regardent depuis chez eux, certains baissent les stores pour ne pas voir ( c’est trop horrible !) … mais ils se disent « surement que quelqu’un d’autre a prévenu les flics »… Personne ne veut être témoin, personne ne veut prendre une responsabilité. Et au final, tout le monde a honte. L’auteur raconte la vie de plusieurs personnes entre 4h et 6h du mat, tranche d’heure la plus propice aux crimes et cambriolages. On suit pendant ces deux heures la vie des habitants réveillés et témoins de l’agression, mais aussi la vie des ambulanciers, de la patrouille de police…
Un roman sur la violence, sur l’égoïsme, sur la peur, sur l’anonymat.
On est un peu les voyeurs, on découvre des personnages qui se préoccupent d’eux et ne veulent surtout pas être mêlés à autre chose. Une société qui veut surtout fuir les responsabilités, refiler le problème au voisin… et qui se donne bonne conscience en se disant que quelqu’un aura déjà agi. L’auteur nous présente les personnages témoins qui ont tous quelque chose à cacher et de ce fait restent dans l’ombre, faisant passer leur petite vie minable avant « LA VIE » tout court..
Et pendant ces deux heures, Kat tente de survivre, de se battre, de s’échapper.. Au final, si un voisin avait prévenu la police, le drame aurait-il pu être évité ? Je ne vous le dis pas car ceux qui ne connaissent pas le sordide fait divers qui a inspiré le roman vont être pris par l’ambiance et suivre le calvaire de Kat jusqu’au dénouement… Un suspense qui ne prend fin qu’à la fin du livre..
L’indifférence fait froid dans le dos. Alors si vous êtes témoins de quelque chose… Appelez ! Mieux vaut être plusieurs à prévenir la police que d’en arriver là… Ne vous défaussez pas sur les autres. Je pense qu’on doit se sentir terriblement mal quand on vit le reste de sa vie avec le remords et le regret d’avoir assisté à une agression et de n’avoir rien fait pour tenter de porter secours…
« Ça commence sur un parking.
Le parking se trouve à l’arrière d’un bar sportif, un bâtiment en brique qui a accumulé les blessures et les cicatrices au cours de sa longue histoire. Il s’est fait percuter par des conducteurs en état d’ébriété qui ont passé la marche arrière au lieu de la marche avant, s’est fait taillader par des gens qui ont gravé leurs initiales sur les murs, et prendre d’assaut par des vandales ivres. Un soir, il y a quinze ans, quelqu’un a tenté d’y mettre le feu. Malheureusement pour le pyromane en puissance, la météo avait prévu de la pluie. De sorte que le bar est toujours là. »
De bons voisins de Jahn Ryan David. Éditions Actes sud
Date de parution : 04/01/2012
Article publié par Yves Rogne le 22 avril 2013 dans la catégorie
Cru bourgeois