Cru bourgeois

Autobiographie d’une courgette – Gilles Paris

Courgette, c’est le surnom, riche de sens, qui est donné à un enfant de neuf ans… Il vit avec sa mère, dans des conditions précaires. Elle est devenue alcoolique, désabusée, laisse son fils mener sa vie, quand elle ne le maltraite pas. Courgette découvre une vieille arme à feu et, accidentellement, il tue sa mère. Le juge lui trouve des circonstances atténuantes et l’envoie dans un foyer pour enfants “difficiles”. Mais cet endroit, Courgette ne le verra pas comme une prison. Il rencontrera différents enfants tous plus spéciaux les uns que les autres. Il s’attache à eux, se construit une vie. L’existence au foyer est finalement bien plus amusante que celle qu’il a tenté de mener près de sa mère…

autobiographieCe livre est une nouvelle version, parue plus de dix ans après la version originelle… Des illustrations ont été ajoutées (on en aurait aimé plus…) Des notes en bas de page donnent une définition simplifiée des mots un peu moins usuels, ou quelques explications sur des personnages ou des lieux. Ceci en fait un ouvrage de prédilection pour les enfants. L’écriture est simple et sobre, comme peut l’être celle d’une enfant de cet âge. Gilles Paris se met très bien dans le peau de cet enfant… Un exploit qui est plutôt rare ; beaucoup d’auteurs s’y sont essayé, mais souvent le résultat est mitigé, à moitié convaincant… Les idées de l’adulte refont souvent surface dans ce genre de roman, et parfois même le ton enfantin fait place à des paragraphes plus académiques. Tel n’est point le cas ici, où le langage est homogène et crédible, même si la technique consiste parfois à des effets systématiques, comme l’ellipse d’un mot ou des interjections enfantines…

Et puis, il y a ce mélange de gravité et de légèreté teintée d’humour… Exercice périlleux dont l’auteur se sort fort bien… Et en cela il rappelle “Un sac de billes ” ou les différents livres de Patrick Cauvin, un des rares auteurs a avoir réussi avec brio ce genre de défi… Néanmoins, je recommanderai “autobiographie d’une Courgette” plutôt aux enfants et adolescents… Ou aux adultes qui ont gardé un esprit candide. Avec son vocabulaire étudié mais enrichi par des notes de bas de page, l’univers de gravité dédramatisé, et les exercices en fin de volume, c’est clairement l’outil idéal pour l’enseignement.

Autobiographie d’une courgette – Gilles Paris. Éditions Flammarion

Date de parution : 17/04/2013  
Article publié par Noann le 9 juin 2013 dans la catégorie Cru bourgeois
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Grand vin

Infidèles – Abdellah Taïa

Résumé de l’éditeur :

Slima est une prostituée marocaine. Son fils Jallal est très attaché à elle. Il l’aide à attraper les hommes, les clients, les soldats d’une base militaire. Il parle et se bat à sa place. Ensemble, ils découvrent à la télévision Marilyn Monroe, en tombent amoureux et en font leur déesse protectrice. Des années 80 à la fin des années 90, nous suivons leurs deux destins en parallèle, de la ville de Salé jusqu’au Caire, de Bruxelles à Casablanca. Purs et impurs, cette mère et son fils réinventent continuellement le sens profond de leur vie mouvementée et de leur attachement pour le Maroc, fait d’amour et de haine. Étape après étape, ils redécouvrent leur religion, l’islam, et la vivent d’une manière inédite. Ils iront jusqu’au bout de cette voie. La tombe du prophète Mohamed à Médine pour elle. L’explosion sublime pour lui.

Mon avis :

InfidèlesUn livre coup de poing, un auteur qui dénonce. La mère de Slima est une « introductrice », une race spéciale de prostituée. Elle assiste les couples lors de leur nuit de noce et fait en sorte que tout se passe bien. Et elle en est fière. Mais l’étiquette de « sale » est collée à sa peau. Elle qui apporte son corps et soulage les âmes. Elle transmet sa science à sa fille. Ce livre parle de la prostitution, de la torture, de l’homosexualité, de l’islam et de sa récupération par le terrorisme. C’est aussi le roman de l’absence, du manque, de la lutte pour la survie.

Une mère et son fils. Eux et les autres. Une bulle d’amour et de complicité entre deux êtres et tout autour d’eux… les autres. Les autres c’est le fanatisme, l’intransigeance, la violence. Eux la tolérance, la paix, l’islam généreux et altruiste. L’amour et la paix face à la haine et la contrainte. Un très beau plaidoyer pour une religion d’amour et une description des dégâts produits par les ennemis de la liberté. C’est aussi la dénonciation de la condition de la femme dans la société marocaine.

Infidèles de Abdellah Taïa. Éditions du Seuil

Date de parution : 23/08/2012  
Article publié par Yves Rogne le 27 mai 2013 dans la catégorie Grand vin
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Premier Grand Cru Classé

Impurs – David Vann

Dans la maison familiale, Galen, 22 ans, vit seul avec sa mère. Envoûté par sa cousine aguicheuse et perverse, le jeune garçon se claquemure dans ses pensées et se désole de vivre aux côtés d’une mère castratrice, étouffante et d’assister aux trop fréquentes disputes entre elle et sa sœur. C’est l’été 1985 quelque part dans la Vallée Centrale de Californie…

Dès le moment où l’on franchit la porte d’entrée de cette maison familiale qui sue le désarroi et les rancœurs, on se demande bien légitimement pourquoi Galen vit là cloîtré sans rechercher à s’épanouir au dehors, à faire des études, à fuir la geôle familiale et la mère écrasante qui le cloisonne dans son giron.

Et la vie va, de plus en plus stérile, laissant le jeune homme méditatif en quête d’une paix intérieure, d’une communion avec la nature, seul refuge encore accessible. Le quotidien s’écoule entre évasion spirituelle, pensées érotiques et visites d’une tante détestable aux propos venimeux et malveillants nourrissant des querelles continuelles avec sa mère.

impursD’incessantes tensions croissent entre Galen et sa mère et il devient urgent de mettre à plat les conflits intérieurs et les secrets enfouis jadis… Ainsi ils s’épanchent, ouvrent leur cœur, divulguent des griefs larvés et la tension s’amplifie de jour en jour jusqu’à devenir suffocante. Jusqu’au point de non-retour. L’enfer, le pire…

L’on est d’emblée transporté par le climat angoissant qui règne à l’intérieur de cette bâtisse qui devient peu à peu le théâtre de la folie et de la détresse.

Une descente en pente douce jusqu’aux abîmes somptueusement relatée par l’auteur. Entre la canicule californienne qui fait suffoquer les héros de ce récit et l’atmosphère brûlante qui règne au sein de la demeure, transformant petit à petit celle-ci en véritable étuve, le lecteur s’émerveille, s’embrase et se hâte vers le mot de la fin où le duo mère-fils sera irascible et sanguinaire…

D’aucuns diront sans doute que l’on retrouve à nouveau une sempiternelle saga familiale baignée de noirceur mais ici l’auteur donne une telle puissance à son roman que, personnellement, j’ai été suspendue au récit du début à la fin sans le moindre sentiment de déjà vu mille fois. Pour une fois, je n’ai guère de points négatifs à ajouter…

Tout simplement superbe…

Impurs de David Vann, éditions Gallmeister

Date de parution : 07/03/2013  
Article publié par Catherine le 26 mai 2013 dans la catégorie Premier Grand Cru Classé
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Cru bourgeois

Un juif en cavale – Laurent Sagalovitsch

Voici donc la suite de la saga Sagalovitsch, l’alter ego de l’auteur : Simon Sagalovitsch. Celui-ci semble un personnage à la fois composé de toute pièce, pure invention fantasque d’un auteur à l’imagination féroce, mais pourrait aussi avoir de nombreux emprunts à la réalité ! Seul l’auteur lui-même pourrait dire la part d’imagination et la part de mémoire… Encore que…

Ce “Juif en cavale” est le troisième et dernier opus de la série, paraît-il. D’emblée, il m’a semblé plus accessible, moins compliqué que le précédent, et la lecture m’a paru plus aisée… bien que l’auteur ne se soit pas résolu à abandonner ses longues tirades aux propositions multiples qui se renvoient comme des échos, et ses enfilades de qualificatifs. L’écriture est toujours aussi personnelle, et de qualité… Le vocabulaire et la culture de Simon, pardon, Laurent, s’étendent aux antipodes du monde, et l’on passe allègrement de la France à Israël, avec des incursions au Canada. (c’est à ce genre de détail que l’on se demande où se trouve l’incursion de la réalité – l’auteur habite à Vancouver).

Un Juif en cavaleDans ce chapitre final des (més) aventures de Laurent, pardon de Simon Sagalovitsch, le narrateur est confronté à une compagne délurée, presque nymphomane. Il est capturé par une mystérieuse faction qui l’envoie en Israël, y fait la connaissance d’un voisin arabe, qui fournit sa compagne en substances hallucinogènes, il tente laborieusement de reprendre contact avec sa famille et sa sœur en particulier qui le renie, part à la découverte de cette ville cosmopolite, multiculturelle, et surtout partagée en tendances religieuses multiples. Diable, Simon nous fait voir du pays et nous montre les facettes étranges de la vie dans un des pays les plus récents de l’histoire, en proie à des tensions diverses et des conflit insolubles, merci les Nations Unies.

Mais ce qui est le plus particulier dans les aventures de Simon, c’est la personnalité de l’auteur et sa façon à nulle autre semblable de nous narrer les aventures de ce personnage hors du commun. L’auteur laisse libre court à son esprit débridé. Il nous ouvre sa fenêtre sur le monde. Et finalement, n’est-ce pas cela un écrivain, un homme qui nous montre le monde à sa façon ? On ne sait pas toujours sur quel mode l’on doit prendre les propos de Saga.. Sur le mode de la dérision pure, de la vérité maquillée, intermédiaire, ou autre…

On adore ou on déteste, mais impossible de rester indifférent. Pour ma part, j’hésite sur le nombre de verres. Dommage qu’il n’y ait pas une suite à ce troisième opus. Ce vin prend du boniment avec l’âge… Il faut le laisser mûrir et le déguster à petites doses, sinon gare à l’indigestion !

Un juif en cavale de Laurent Sagalovitsch. Éditions Actes Sud

Date de parution : 14/02/2013  
Article publié par Noann le 23 mai 2013 dans la catégorie Cru bourgeois
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Cru bourgeois

La femme de nos vies – Didier Van Cauwelaert

Jurgen, 14 ans, est vacher. Parce qu’il est autiste – on le dit même débile mental – ses parents l’envoient à l’Hôpital d’Hadamar où il fait la connaissance de David, un enfant juif doté d’une intelligence à mille lieues au-dessus de la moyenne dont la mère décédée était une scientifique de renom. Dans ce purgatoire, une grande amitié naît entre les deux garçons malgré le fossé intellectuel et les origines aux antipodes. Tous les enfants qui séjournent dans cet hôpital seront exterminés dans un camp qui pratique les premiers tests des chambres à gaz. Seul David échappera à ce cruel destin. Il sera envoyé dans une école nazie pour élèves au quotient intellectuel très développé. Mais David décide de mourir et cède sa place à Jurgen. Ainsi, le temps de quelques nuits, il va lui donner tout son savoir, toute sa science pour lui offrir un avenir.

Alors qu’Ilsa Schaffner vient quérir David, c’est Jurgen qui l’accompagnera… La scientifique découvre le pot aux roses et se décide malgré tout à aider Jurgen.

Ainsi il intègre une école nazie élitiste. Hissé à une échelle sociale qu’il n’a jamais connue auparavant, il côtoiera des Prix Nobel et deviendra même le bras droit d’Einstein…

Grâce à Elle…

Elle, qu’il retrouvera des lustres plus tard. Va-t-il restituer les pans élimés de sa mémoire ?

L’auteur nous offre un récit d’une grande intensité, mêlant avec brio réalités historiques et fiction. Il nous livre un concentré de sentiments humains qui nous remue l’âme et les tripes. Le style est enveloppé, juste, dénué de clichés. Les mots glissent et s’arc-boutent à l’esprit, ce qui donne au lecteur l’envie d’une balade sans escale jusqu’au mot de la fin. Certes… Mais la fin du récit laisse néanmoins plus perplexe.

La femme de nos viesL’auteur approche des thématiques graves, poignantes mais parvient à insérer entre les lignes quelques touches d’humour, rendant ainsi l’histoire plus accessible. Avec délicatesse, il nous relate les combats de chaque jour pour survivre sous le joug du nazisme, la recherche d’identité et de vérité, l’amitié entre des êtres que rien ne peut rapprocher, l’apprentissage de la vie et de l’amour.

L’auteur ne m’a pas souvent convaincue auparavant… Plus de déceptions que d’enthousiasmes – et je pense entre autres au Prix Goncourt lui décerné en 1994 qui ne m’avait pas enthousiasmée et ce n’est qu’un avis personnel – mais cette fois il signe un récit fort, attachant où l’émotion est omniprésente du début à la fin.

Une belle évocation de la miséricorde, de la recherche des repères dans un monde meurtri, de la solidarité humaine et de la force des retrouvailles qui font resurgir de la mémoire des émotions jadis éprouvées lorsque délivré de l’enfer une étoile brille enfin.

Un beau roman incontestablement, que je conseille vivement, même si à la fin du récit mon enthousiasme s’est un peu émoussé…

À présent, il me faut donner une appréciation et lui attribuer une place dans notre classement. Après moult hésitations et si je pouvais établir de sous-classements, je donnerais trois verres pour l’émotion qui émane du récit, deux verres pour l’écriture et pour la fin un peu moins convaincante… Je trancherai donc et lui octroierai deux verres.

La femme de nos vies de Didier Van Cauwelaert, éditions Albin Michel

Date de parution : 01/03/2013  
Article publié par Catherine le 20 mai 2013 dans la catégorie Cru bourgeois
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vin de table

Pour l’amour du chocolat – José Carlos Carmona

Quatrième de couverture :

Lausanne, 1922. Le jeune Adrian Troadec, dix-huit ans, livreur de lait de son état, tombe amoureux de la jeune violoncelliste Alma Trapolyi. Pour la séduire, il s’essaie à la musique, sans succès ; puis aux échecs. Il devient champion de Suisse et découvre par la même occasion le pouvoir du chocolat : sa force, son mystère, sa douceur. Adrian a trouvé sa voie et ouvre sa boutique, Le Petit Chocolat Troadec. C’est le début d’un empire. Le violoncelle et les échecs ont laissé Alma indifférente, mais le chocolat est une réussite : elle se rapproche d’Adrian… et se fiance avec un autre ! De la Suisse des années 1920 à l’Amérique du jazz, les personnages, de part et d’autre de l’Atlantique, traversent un krach boursier et une guerre mondiale, affrontent la maladie, l’adultère, le suicide et la mort. Mais quand rien ne va plus, il reste toujours le goût du chocolat… (Basé sur des faits réels…)

Mon avis :

Le moins qu’on puisse dire c’est qu’il la voulait son Alma. Un roman sur l’espoir, sur quand on veut, on peut… On fait des tours et des détours, mais on finit par y arriver… Et là… On se rend compte qu’ on a peut-être davantage aimé la poursuite du rêve que la personne elle-même… ou pas… Le style n’est pas inintéressant. Des mini-chapitres, des faits qui se succèdent. Par petites touches… Pour l'amour du chocolatUn événement heureux, un tragique, un petit coup d’histoire, un récit personnel, un bonheur, un drame, une nouvelle, un grand vide… Comme on est encore à l’ époque du courrier entre la Suisse et l’Amérique, un décalage dans le temps entre les épisodes… Des départs et des arrivées surprises…la vie quoi… L’ espoir, le désespoir, les événements qui s’enchainent, et le moteur de la vie : Que nous réserve demain ???

Mais je dois dire que je m’ attendais à autre chose… Le titre m’ évoquait la douceur, la jouissance, le bonheur… J’avais imaginé un roman plein de sensations onctueuses, olfactives… Mais il y a une différence entre la réclame et le produit…La vitrine et l’emballage sont une incitation à gouter… Et quand tu croques dans le chocolat, il est tout dur et sans saveur… Comme un vieux chocolat tout blanc et qui part en poussière… Tout ça pour ça… Il y avait tellement d’éléments qui auraient pu en faire un livre chaleureux : des personnages, la musique, le chocolat, l’amour… Si vous avez lu le résumé, vous avez une idée du roman ; des faits mis bout à bout, mais tout froid, sans émotion. Le roman est comme le rendez-vous : manqué, vide, sans émotion… Un roman sur la solitude.. je me suis sentie comme abandonnée par les personnages qui sont là mais ne vivent pas…

Pas aimé donc……. mais été jusqu’au bout car il est tout petit……

Il devait pas aimer le chocolat !!! Ou alors pas comme moi…

Citations et extraits :

« Il pensa qu’il pouvait encore lui arriver quelque chose de neuf qui remplirait sa vie de sens. Et, par curiosité, seulement par curiosité, il décida de continuer à vivre. »

Pour l’amour du chocolat de José Carlos Carmona. Éditions Grasset

Date de parution : 03/11/2010  
Article publié par Yves Rogne le 19 mai 2013 dans la catégorie vin de table
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Grand vin

Je reste roi d’Espagne – Carlos Salem

Quatrième de couverture :

Quelques semaines avant Noël, le roi d’Espagne disparaît, laissant derrière lui un mot dont personne ne comprend le sens : “Je vais chercher le petit garçon. Je reviendrai quand je l’aurai trouvé. Ou pas. Joyeux Noël.” Tout effort pour retrouver sa trace s’avère vain et l’on fait appel en dernier recours à un ex-flic, le détective Arregui, qui lui a sauvé la vie par le passé et qui, pour résoudre les cas qui se présentent à lui, doit chercher l’inspiration dans les cabines vidéo des sex-shops.

Poursuivi par son propre spleen, par des policiers corrompus et par les hommes de main d’un puissant personnage surnommé « le Chasseur », Arregui se perd dans une Espagne arriérée, traversée par des personnages aussi étranges qu’un voyant rétroviseur qui ne peut deviner que le passé, un chef d’orchestre ayant perdu la symphonie censée guérir tous les chagrins ou un roi déguisé en hippie et persuadé de vivre un film d’aventures.

Avec humour et mélancolie, Carlos Salem construit un road-movie ébouriffant bercé par le rythme doux et mortel d’une ranchera mexicaine.

Mon avis :

Je reste roi d'EspagneUn polar à la frontière de l’absurde, avec un jaillissement de fantaisie. Mais aussi un roman à deux niveaux, sur la peur de vivre et d’avancer dans la vie. Un détective (ancien policier) part à la recherche du roi d’Espagne, poursuivi par des bandits qui veulent sa (leur) peau.. Puis ensemble, ils traverseront une partie de l’Espagne pour rentrer à Madrid. Arregui part à la recherche du roi mais pas seulement… Il est à la poursuite de sa vie, de son passé, de qui il est. Il poursuit cette quête car vivre dans le passé ne lui permet pas de vivre le présent et l’avenir.

Ce n’est qu’une fois qu’il aura dépassé ses peurs qu’il pourra vivre. D’ailleurs il désigne l’un des personnages qui les poursuit par le nom de « la Terreur » et qui cristallise pour lui les peurs qui paralysent sa vie, qui l’empêchent d’avancer et qu’il n’arrive plus à affronter. Il est tiraillé entre un amour passé et un amour à venir, rongé par la culpabilité suite à la mort de la femme qu’il aimait et dont il se reproche la mort. Leur parcours dans cette Espagne de l’ombre, leurs rencontres avec un devin qui lit le passé, avec un compositeur qui a perdu sa mélodie et la recherche au volant d’une voiture en roulant les fenêtres ouvertes pour retrouver ses notes, la quête de la route de Madrid qu’ils ne peuvent rejoindre qu’en traversant une rivière que personne ne sait situer…

J’ai aussi été sensible aux références discrètes en hommage aux policiers cultes, à l’Argentine.

Je pense que les personnes qui aiment les livres de l’écrivain Eduardo Mendoza, avec ses touches d’humour absurde devraient totalement adhérer. J’ai aimé la manière d’écrire, des chapitres courts, le rythme donné au roman. Un mélange d’inventivité, de surréalisme, d’ironie, de cynisme sur fond de polar noir, le tout mâtiné de tendresse, de crainte, d’amertume. J’ai trouvé la palette de personnage colorée et inventive, inoubliable.

Citations et extraits :

p. 86 « …Pour qu’ils croient que je suis celui de toujours. Mais à l’intérieur, je me sens celui de jamais. »

p. 94 « Il m’est impossible encore de choisir entre un passé qui ne reviendra pas et un futur qui ne sera peut-être jamais le mien. »

p. 98 « C’est comme s’il avait été privé du soulagement que procurent les bruits et qu’il n’ait plus que la douleur des paroles muettes. »

p.100 « Le passé, il faut aller à sa recherche, sinon il nous échappe.”

p. 133 « Ma mère seule traversait chaque jour cette cuirasse avec sa tendresse discrète, elle seule connaissait les passages secrets pour forcer cette forteresse, ouvrir les fenêtres et laisser entrer l’air qui rafraîchirait tant de sévérité. »

p. 134 «Dès lors, il se tissa entre eux une complicité à coté de laquelle je me sentais un trop petit poisson : même si j’essayais de rester à l’intérieur de ce filet de connivence, je passais à travers les mailles. »

p. 163 « Mais l’avenir n’existe pas, puisqu’il n’est pas encore arrivé. »

p. 164 « Le passé est la seule chose qui nous appartienne, le seul trésor d’un homme, c’est tout ce qu’il a été et aussi la graine de ce qu’il sera ! »

p. 216 « Nous cherchions le chemin du retour, mais je savais que pour moi, il n’y avait pas de retour possible. »

p. 218 «Je marchais lentement, mais à l’intérieur de moi je courais de toutes mes forces. »

p. 225 « Je n’étais plus un homme freiné et je fus inondé de compassion pour ce squelette qui avait passé sa vie à regarder derrière lui. »

p. 225 « Il était invincible, les yeux fixés sur l’aube, bien que l’aube fût une hallucination prolongée et démentielle. »

p. 225 « Depuis que Juan et moi avions commencé à sillonner cette région, nous n’avions rencontré que des gens à moitié faits, indécis entre un hier qui n’en finissait pas de disparaître et un avenir qui leur était étranger. »

p.350 « Ce qui te tue, ce n’est pas la trahison mais la méfiance. »

p. 355 « Chacun d’entre nous porte en lui la plus belle des symphonies, mais souvent, nous croyons que si nous baissons les vitres de la voiture elle nous échappera. C’est une erreur ; il faut rouler les vitres ouvertes pour entendre les symphonies des autres. »

Je reste roi d’Espagne de Carlos Salem. Éditions Actes sud

Date de parution : 07/09/2011  
Article publié par Yves Rogne le 19 mai 2013 dans la catégorie Grand vin
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Premier Grand Cru Classé

Le roman du mariage – Jeffrey Eugenides

Résumé de l’éditeur :

Le Roman du mariage est l’histoire de trois étudiants américains, une fille et deux garçons, qui se rencontrent à l’université de Brown, au début des années 80. Ensemble, ils découvrent avec exaltation la littérature, le sexe, Roland Barthes et les Talking Heads. Madeleine tombe sous le charme de Leonard, Mitchell tombe sous le charme de Madeleine. Tel un personnage de Jane Austen, la jeune femme se retrouve au cœur d’un dilemme, entre l’amant maniaco-dépressif et le gendre idéal attiré par la spiritualité.

Mais l’Amérique de Reagan n’est pas l’Angleterre victorienne, et l’amour n’a plus le même sens. Le vrai sujet de ce livre est peut-être celui du passage à l’âge adulte. Madeleine, Leonard et Mitchell sont les héros d’une nation d’adolescents hypersexués et idéalistes. Comme les sœurs Lisbon de Virgin Suicides ou l’hermaphrodite de Middlesex, Madeleine fait l’apprentissage de la féminité en perdant son innocence, sans renoncer pour autant à toutes ses illusions.

Acclamé dans le monde entier, ce nouveau livre de Jeffrey Eugenides, dix ans après Middlesex, réinvente l’idée même d’intrigue conjugale. D’un classique triangle amoureux, Eugenides tire un roman magistral, une comédie dramatique étincelante qui est aussi le portrait d’une génération.

Mon avis :

Le roman dumariageMadeleine est une jolie jeune fille. Elle est amoureuse de Léonard et Mitchell est amoureux d’elle. Léonard aussi. Mais ce n’est pas aussi simple que cela. Léonard est un être charismatique mais il souffre d’une maladie mentale.

On suit la construction et la déconstruction de ces 3 personnages, la déconstruction de l’amour, au travers de leur vie mais aussi au travers de leurs lectures et de l’influence des auteurs sur leur vie. Jane Austen et Tolstoï n’abordent évidemment pas le thème de l’amour de la même façon que Barthes.

Les trois jeunes suivent des cursus différents ; l’un étudie la biologie, l’autre la théologie et Madeleine la littérature. Mais leurs explorations et leur quête se recoupent. Pour se trouver, Mitchell va partir en Europe puis en Inde. Mais Madeleine ne quittera pas son esprit pour autant. Madeleine, éperdument amoureuse de Léonard parviendra-t-elle à le sauver de sa pathologie maniaco-dépressive. Léonard entrainera-t-il Madeleine dans sa chute ou parviendront-ils à surmonter leurs problèmes à force d’amour ? Le tout dans une ambiance estudiantine des années 80. Un roman sur la passion, à la fois envahissante et à la fois « disséquée ». L’amour se comprend-il via les livres et les analyses ou par le fait de le vivre ? C’est un roman que j’ai beaucoup aimé. Il allie la passion de la littérature et l’analyse des êtres et des sentiments. C’est également le reflet d’une époque. Peut-être la pathologie doit souffre Léonard est-elle un peu trop expliquée, mais je ne sais même pas. Pour ma part j’ai trouvé cette incursion dans la psychologie passionnante.

Citations et extraits :

p. 67 « Elle attendait d’un livre qu’il l’emmène dans des endroits où elle n’était pas capable d’aller toute seule. »

p. 97 « Et c’est durant cette période que Madeleine compris vraiment en quoi le discours amoureux était d’une extrême solitude. La solitude était extrême parce qu’elle n’était pas physique. Elle était extrême parce qu’on la ressentait alors qu’on était en compagnie de l’être aimé. Elle était extrême parce qu’elle était dans votre tête, le lieu le plus solitaire qui soit. »

Le roman du mariage de Jeffrey Eugenide. Éditions de l’Olivier

Date de parution : 03/01/2013  
Article publié par Yves Rogne le 16 mai 2013 dans la catégorie Premier Grand Cru Classé
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Blog de littérature. Critiques, extraits, avis sur les livres…

Dessin de Jordi Viusà. Rédigé par des lecteurs passionnés