Dans une bâtisse en pierres roses, un professeur d’histoire partage depuis toujours son quotidien avec sa grand-mère. Une vie sans histoire auprès de celle qui l’a élevé et se meurt à présent peu à peu. Le professeur veille, patiente tranquillement et, alors que la grand-maman ne va pas tarder à s’éteindre, le petit-fils s’apprête à réaliser des aménagements colossaux dans la maison. Ainsi, la cave à vins deviendra une chambre confortable avec sanitaires incorporés.
Cependant, l’accès à cette pièce n’est possible qu’en ouvrant une porte occultée par des étagères…
Et le héros se prend d’une envie folle d’y héberger quelqu’un qui se satisferait de cet endroit exigu. Au fil de ses recherches, il va rencontrer Joël, un adolescent SDF, à l’âme en perdition et recherchant quelque nourriture à se mettre sous la dent. Ainsi, puisque la faim est plus forte que tout, il se retrouve entraîné de force, drogué et cloîtré dans cette pièce rouge. Et l’adolescent ne fait montre d’aucune défense ni peur mais se laisse prendre au piège de son geôlier, qui l’admire, le contemple et savoure la lumière et le charme énigmatique que dégage son locataire improvisé.
Dans les murs de cette chambre-prison se tissent entre les deux hommes une vie clandestine, équivoque, jalonnée de rituels de toutes sortes allant de la lecture aux repas, sans que ne soit jamais approché le côté sordide de cette union mais où règne plutôt une atmosphère d’ensorcellement et de magie.
Par une écriture stupéfiante de grâce, l’auteur nous entraîne dans un huis-clos enivrant. Le lecteur s’accroche et se laisse transporter dans un univers insolite où tout est émotion et intensité des sentiments. L’ambivalence omniprésente pourrait embarrasser le lecteur mais il n’en est rien tant l’auteur parvient de façon magistrale à donner à ses personnages tant d’intensité et de séduction que le récit est porté d’un bout à l’autre comme un conte sensuel certes un rien provocant mais d’une beauté extrême.
J’ai été happée dès le départ par ce récit hors norme magnifiquement mené par une jeune auteure à suivre…
Un enchantement…
Les noces clandestines de Claire-Lise Marguier, éditions Rouergue
Date de parution : 06/02/2013
Article publié par Catherine le 21 avril 2013 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
Deux destins croisés, à plus d’un siècle d’écart. Irina, une jolie Russe, fuit son pays pour se jeter dans les bras virtuels d’un inconnu, un certain “Enzo”. Celui-ci habite à la côte d’Azur, et Irina a tout largué pour le rencontrer, alors qu’elle ne sait de lui que ce qu’il a bien voulu lui dire… Enzo cultive le secret. Irina croit en cet amour, contrairement à des centaines d’autres femmes de son pays, qui harponnent des pigeons, leur soutirent un maximum d’argent, avant de se débiner sous un prétexte spécieux…
À la fin du XIXième siècle, Anna Alex… (je vous fais grâce du patronyme à rallonge) était une fille d’aristocrate d’origine russe, avec des racines en France. Anna s’apprête à faire le voyage en sens inverse, et à retourner dans sa Russie natale… Un épais mystère assombrit la vie de cette dame d’un autre temps et d’un mode de vie huppé. D’où sort cette écuyère au visage disgracieux, qui se réfugie dans l’équitation par peur des hommes ?
Les deux destins se dessinent lentement sous les yeux du lecteur, par une narration entrecroisée qui nous fait balancer entre une époque contemporaine où le portable et Facebook sont rois, et une autre tout aussi artificielle, celle d’une aristocratie où l’apparence est la règle, et conséquemment l’hypocrisie. Mais l’une est l’antithèse de l’autre, bien que construits sur le même dénominateur commun propre à l’humanité. Irina trouvera le bonheur, là où Anna sombrera dans le drame. L’une s’épanouira quand l’autre subira l’opprobre et la déchéance. Ce sont pourtant deux femmes qui n’ont pour ambition que d’être aimées, l’une y parviendra, l’autre pas.
Pour ce troisième roman, l’auteure nous éblouit encore une fois par sa plume précise, efficace, ornée d’un vocabulaire soigné. Son sens de l’observation et de la description est affûté, et l’on se laissera envahir par le faste des décors amplement décrits, de façon très imagée. Dans un registre différent, ces deux femmes sont intéressantes, passionnantes même… On aura peut-être du mal à comprendre Anna et son coup de folie, qui est amené un peu précipitamment, et aussi la toquade d’Irina qui part pour rencontrer un homme qui pourrait être un usurpateur. Mais il est vrai que des milliers de femmes quittent une Russie dévastée par des décennies de dictature, victime à présent d’une joute économique. Cependant, un bémol. Les dernières pages semblent une tentative de fin en apothéose, où intervient alors un nouveau personnage, à moitié convaincant. L’ensemble m’a donné l’impression d’une composition assez habile mais à l’intrigue un peu artificielle. Quelques passages pourraient être plus développés, notamment quand Anna passe à l’acte… Il en reste tout de même un bien agréable voyage dans le temps l’espace et les cultures…
Noces de neige de Gaëlle Josse. Éditions Autrement
Date de parution : 06/03/2013
Article publié par Noann le 19 avril 2013 dans la catégorie
Cru bourgeois
Résumé :
À soixante-six ans, Trond Sander se retire dans une petite maison près d’un lac, au nord-est de la Norvège. Il a le sentiment que son rêve de quiétude et de solitude est en passe de se réaliser, mais un soir il fait la connaissance de son voisin Lars. Cette rencontre le replonge dans l’été de ses quinze ans, en 1948. À cette époque, en vacances seul avec son père, il retrouve son camarade Jon. Ensemble, ils «volent des chevaux» pour de petites échappées. Une fois pourtant cela se termine mal : il tombe de cheval et se blesse, puis assiste, impuissant, à une étrange explosion de rage et de violence chez Jon. Trond se souvient de l’effroyable accident survenu dans la famille de Jon, du passé insoupçonné de son père, révélé par un voisin ; il ne se doutait pas alors que les événements dramatiques survenus pendant la Seconde Guerre mondiale allaient jeter leur ombre sur sa propre famille et lui ravir son père.
“Pas facile de voler des chevaux” est un livre d’une intensité dramatique rare, habilement construit autour des secrets des personnages principaux. Les réminiscences d’un narrateur au soir de sa vie et son évocation d’un été inoubliable sont tout simplement bouleversantes.
Mon avis :
C’est un très beau roman, plein de mélancolie, très sensible mais ne versant jamais dans la sensiblerie, où tous les éléments qui forment la vie sont évoqués avec pudeur, douleur parfois, mais sans pathos. Une rencontre fait ressurgir les souvenirs et les interrogations du passé. C’est un magnifique texte sur les non-dits, sur les relations père-fils, sur la solitude, sur les secrets avec lesquels il faut vivre, sur l’amour de la nature aussi. Les conditions climatiques, la nuit, l’orage, le sombre et la clarté, la rivière, la route, les arbres… Le silence, les regards et la présence silencieuse sont également partie prenante dans l’histoire. C’est aussi un récit en demi-teinte sur l’amitié entre jeunes garçons. Ayant choisi la solitude de la forêt pour finir sa vie, les souvenirs vont permettre au héros de peupler ses jours. Deux périodes charnières dans la vie de Trond. Le passage à l’adolescence (pendant la Seconde Guerre Mondiale qui joue un grand rôle dans le déroulement des événements) et le passage à la vieillesse. La peur de quitter l’enfance, de mal négocier le virage vers l’âge adulte, et la crainte de pas assurer le passage vers la dernière partie de la vie. Et pour l’accompagner, le hasard de la vie mettra sur son chemin un homme qui a fait basculer sa jeunesse dans l’incertitude et l’incompréhension.
Citations et extraits :
(p.17) “Le temps, maintenant, je me dis que c’est important pour moi. Qu’il passe vite ou lentement n’est pas le problème ; l’essentiel c’est le temps lui-même, c’est le temps lui-même, cet élément dans lequel je vis et que je remplis d’activités physiques qui le rythment, le rendent visible et l’empêchent de s’écouler sans que je m’en aperçoive.”
(p .162) “Et j’ai compris que rien ne me faisait aussi peur que de me voir transformer en un personnage de Magritte: celui qui se regarde dans une glace et découvre que sa nuque s’y reflète à l’infini.”
(p .232) “Au souvenir de ce rêve je sens mon estomac se nouer. Je ferais sans doute mieux de ne plus y penser, de le laisser couler au fond de moi et s’y déposer parmi tant d’autres rêves auxquels je me refuse à toucher. J’ai passé l’âge où les rêves pouvaient me servir à quelque chose.”
Pas facile de voler des chevaux – Per Petterson
Date de parution : 12/06/2008
Article publié par Yves Rogne le 18 avril 2013 dans la catégorie
Grand vin
Présentation des éditeurs :
Ils étaient une bande de treize adolescents inséparables, des idéalistes, des révoltés. Une nuit, saouls, ils jurent par tous les diables qu’ils ne désarmeront jamais : ensemble, ils décident d’engager un tueur chargé de les exécuter s’ils venaient à trahir, adultes, leurs idéaux.
Aujourd’hui, la bande de treize a la quarantaine passée, le poids du temps, du boulot et des compromis sur les épaules. Ils ne sont plus vraiment amis, ne s’aiment plus trop, mais se revoient, aux enterrements. Car chaque treize lune, l’un des treize est assassiné.
Mon avis :
Nous voici donc arrivés tout doucement au dernier opus de cette collection.
Pour rappel, la série Vendredi 13 se proposait de réunir des écrivains chevronnés autour du thème… Vendredi 13 ! Les résultats sont intéressants et très variés. Chaque auteur a vu l’épreuve à sa façon ; certains on gardé leur univers en le faisant légèrement fléchir du côté de la date mythique, d’autres ont mis du 13 à toutes les sauces.
Précisément, c’est le cas ici, puisque 13 amis font un pacte, qui garantit que si leurs rêves un brin idéalistes ne se réalisent pas, un tueur sera engagé pour les assassiner un par un. On voit déjà le côté un peu loufoque de la chose… Alors que plusieurs décennies ont passé, et qu’ils ont abandonné leurs rêves de jeunesse, ils vont être assassinés, et finir par se demander si véritablement un tueur engagé autrefois par eux-mêmes ne tente pas de les décimer tous les 13, à 13 jours d’intervalle… On ne sait comment il faut prendre cette démesure : de façon burlesque ou comme un magistral tour de passe-passe.
On s’attendait à une fin en apothéose pour cette série, mais ce chapitre final ne nous semble pas le plus réussi (il faut dire que la concurrence est rude parmi les auteurs confirmés de la série)… Si certains passages sont croustillants, l’ensemble révèle une certaine hétérogénéité, un profil qui eût pu être plus profond dans le chef du personnage du tueur. On aurait aimé plus de vivacité, ou plus de logique, quelque chose de plus exaltant. L’on aura peut-être un peu de mal à comprendre les tenants et les aboutissants, d’où sort ce tueur. Peut-être l’auteur a-t-il voulu laisser planer le mystère et garder le lecteur dans une sorte de transe inquiète. Toujours que, la page refermée, le lecteur gardera quelques interrogations et un sentiment bizarre de ne plus savoir distinguer l’est de l’ouest. Si le but était de laisser le lecteur perplexe, il est atteint…
Le dernier des treize de Mercedes Deambrosis. Éditions la Branche
Date de parution : 14/03/2013
Article publié par Noann le 12 avril 2013 dans la catégorie
vin de table
C’est un livre à la fois violent et très touchant qui nous fait vivre en marge du printemps arabe, dans une ville jonction entre le monde arabe et l’Europe. Tanger, un port où la jeunesse est ballottée entre les islamistes et les tentations européennes.
Difficile de vivre quand on est rejeté par sa famille, qu’il est impossible de quitter le pays légalement, sans argent… Lakhdar, le héros, est amoureux des livres et il va tomber amoureux d’une jeune Catalane. À la rue, pour survivre, il accepte un travail dans une librairie musulmane, alors que lui, ce qu’il aime c’est la littérature policière, et surtout les romans policiers français ; Il ne souhaite pas être mêlé à la vague revendicatrice et islamiste qui déferle sur le Maroc lors du printemps arabe. Mais, indirectement, il ne peut fermer les yeux – tout en refusant d’y croire – sur les sentiments qui animent des êtres qui lui sont proches.
C’est un roman politique que nous livre M. Enard. Son personnage est témoin des événements sanglants qui agitent le bord de la Méditerranée, des attentats terroristes, de la montée de l’intégrisme, du problème de l’immigration clandestine, puis de la révolte des indignés. Il acceptera plusieurs boulots pour survivre, petit musulman à tout faire qui travaille au rabais et tente de rejoindre la fille qu’il aime et qui vit à Barcelone ; il volera, fuira et deviendra clandestin. Parfois il voudra retourner chez lui, mais pour quoi faire ?
Enard réussit le pari de mélanger aussi la poésie arabe et la littérature à ce voyage.
Un livre qui fait réfléchir sur notre époque, sur le naufrage des valeurs, sur la mondialisation, sur le choc des cultures et des religions, sur la tolérance, sur l’amour, l’amitié.
Une fois encore Enard fait le pont entre les civilisations, comme cela avait déjà été le cas dans “Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants”. On est loin de l’exotisme de Constantinople et de Michel-Ange mais une fois encore on assiste à la découverte d’un autre univers et au déracinement (ou enracinement ?) d’un être. Que ce soit Constantinople-Venise ou Tanger/Barcelone dans “Rue des Voleurs”, dans les deux cas l’amitié et l’amour sont des refuges et des moteurs.
Et Mathias Enard se révèle à moi une fois encore. Magistralement !
Extrait :
(p. 78) « La vie est une machine à arracher l’être ; elle nous dépouille, depuis l’enfance, pour nous repeupler en nous plongeant dans un bain de contacts, de voix, de messages qui nous modifient à l’infini, nous sommes en mouvement. »
Rue des Voleurs” de Mathias Enard. Éditions Actes sud
Date de parution : 18/08/2012
Article publié par Yves Rogne le 12 avril 2013 dans la catégorie
Premier Grand Cru Classé
À l’autre bout du monde, sous un ciel orageux en camaïeu de bleus, dramatique, que l’auteur qualifiera d’indigo, trois occidentaux vont partager une semaine bouleversante et pleine de situations inattendues…
Nous voici en Inde où se donne un festival culturel réunissant l’élite intellectuelle de toutes nations. Parmi eux se trouvent quatre Français qui ne se connaissent guère. La chaleur étouffante de l’endroit et la menace terroriste larvée feront naître en eux réflexions et réminiscences de leur passé.
Ce séjour aux antipodes va bousculer les cœurs et les âmes de chacun, jusqu’à remuer des failles et des déséquilibres enfouis jusqu’ores dans leur mémoire.
Dans un décor tantôt paradisiaque tantôt misérable, ils vivront des expériences insolites, les mettant face à la vérité et leur faisant même oublier le superflu et le dérisoire.
Voici le lecteur plongé dans une histoire douce-amère, un voyage dans l’Inde aux parfums capiteux d’épices mais aussi celle de la puanteur nauséabonde qu’exhalent les rues jonchées de détritus. Entre la magie de certains lieux et l’effroyable misère, les personnages invités à ce festival se faufilent, le cœur en plein chaos, l’esprit occupé par mille interrogations, mille tourments.
L’auteur nous invite plutôt à un voyage dans l’âme humaine et cette Inde d’aujourd’hui ne sert que d’arrière-plan. Les personnages sont mis en exergue, scrutés, analysés dans leurs tourments et leurs faiblesses.
Avec humour et sincérité, l’auteur dépeint la personnalité de ses héros, des intellectuels qui se prennent la tête, mais aussi de grands amoureux éperdus, tragiques mais émouvants. À l’intérieur de cette Inde où se côtoient paysages gris, bistre et couleurs chatoyantes des soieries, s’exhalent et se muent odeurs pestilentielles et arômes de curry et de fleurs, les invités au festival se remettent en question, se séduisent et recherchent l’indispensable vérité, se perdent parfois aussi dans de longues réflexions sur leur passé.
L’écriture sonne juste mais ne donne pas un enthousiasme fracassant. Aussi, au fil du récit, l’emballement qui m’avait gagnée dans les premières pages s’est émoussé au fil du récit, l’auteur m’ayant habituée auparavant à d’autres bonnes surprises de lecture.
Une histoire simple, légère, certes divertissante, mais l’on peut déplorer parfois un manque d’émotions…
Indigo de Catherine Cusset, éditions Gallimard
Date de parution : 10/01/2013
Article publié par Catherine le 11 avril 2013 dans la catégorie
Cru bourgeois
L’auteur nous jette dans le trouble dès les premières lignes : ses parents vont mourir, car ils l’ont décidé, sciemment ; face à la vieillesse et la maladie, ils ont préféré l’au-delà…
Je ne risque pas de rompre une intrigue en dévoilant que ce n’est qu’une question d’heures, et que les parents tiendront effectivement leur promesse. Car la qualité de ce récit ne tient pas dans une curiosité d’un dénouement, qui tient le lecteur en haleine de page en page. L’intensité de ce livre réside dans un curieux huis clos entre trois personnes : le fils-narrateur, le père, personnage simple a priori, qui va être dévoilé peu à peu dans ses contradictions, et la mère, discrète, dont on se demande si le rôle est actif, ou si elle suit son mari, comme elle semble l’avoir fait toute sa vie.
Ainsi va se dérouler une horreur tacite, peu à peu. L’auteur revisite ses souvenirs, se pose mille questions, ressasse son passé, ses journées d’enfance face à ce père qui se révèle finalement complexe, jaloux de son fils plus érudit, dominateur par soucis de ne pas perdre la face… Et cette mère, qui est-elle ? Entre eux semble s’être lié un serment d’amour, tissé lentement au fil des décennies de vie commune… Mais peut-être cette fin est-elle vue comme une élégance par le père, une façon de poursuivre l’histoire d’amour dans l’esthétisme absolu, jusque dans la mort. La fin serait une apothéose, préférée à la déchéance de la maladie. Ce serait une fin esthète, une preuve d’amour aux yeux du monde.
Ainsi, les parents font appel à une association dénommée “Exit”. Ce sont des spécialistes, qui connaissent les bons mots et les bonnes formules interrogatives à prononcer, face à une personne qui a fait le choix de décider de l’heure de la fin par absorption d’un cocktail autolytique. Les choses se passent conformément à leur volonté, mais je n’en dirai pas plus.
La deuxième partie du récit est un peu plus monotone et ressassée, le fils s’interroge, repasse des scènes. La suite m’a semblé moins intéressante, du moins plus entendue ; une fois les décès proclamés, l’histoire perd un peu de son intérêt, me semble-t-il.
“Vous en connaitrez ni le jour ni l’heure” est un livre remarquable par la profondeur de son raisonnement, la qualité de son écriture, parfois un peu académique. Ce qui en fait un témoignage fondamental à déposer sur l’autel de l’euthanasie. En cela, il est très supérieur à “En souvenir d’André”, dont je vous parlais il y a quelques semaines, lequel semble fade en comparaison à cet opus, et dont on ne dit pourtant que du bien dans les blogs, ah ces *** de blogueurs…
“Pour elle, ce fut effectivement très rapide. Pour lui, un peu plus long. Elle est morte la première, comme elle l’avait toujours souhaité, par cette crainte irrépressible de lui survivre ; il est mort quelques minutes plus tard, comme il l’avait toujours espéré, par cette même crainte de la laisser seule au bord du chemin. Tous les deux s’en sont allés les yeux fermés et le cœur grand ouvert, exactement comme ils l’avaient planifié. Il m’a soudain semblé que ces deux longues vies n’avaient été qu’une seule petite lueur qui aurait scintillé brièvement entre deux grandes obscurités.”
Vous ne connaitrez ni le jour ni l’heure – Pierre Béguin. Éditions Philippe Rey
Date de parution : 03/01/2013
Article publié par Noann le 10 avril 2013 dans la catégorie
Grand vin
Il a 64 ans. Alors qu’il vit les prémices de la seconde partie de son existence, il raconte, se dévoile, s’épanche en nous livrant une sorte de carnet de vie sans pourtant tomber dans le roman autobiographique. Ainsi, il nous parle entre autres de ses jeunes années dans le New Jersey, de ses nombreux déménagements, de son père parti trop tôt
Et nous voici plongés dans le journal de bord d’un sexagénaire un peu en panne d’inspiration, le moral en berne. Le récit est livré tel quel, sans le moindre soupçon d’originalité. Seul détail un peu particulier, l’auteur utilise la deuxième personne. Peut-être pour échapper à l’étiquette que l’on risquerait de coller à son œuvre en la qualifiant d’autobiographie.
L’auteur pourtant se livre tout de go, sans fard ni détours. Depuis sa jeunesse dans le New Jersey, ses premiers balbutiements à l’âge adulte jalonnés d’obsessions, d’alcoolisme et d’addiction au sexe jusqu’à sa rencontre avec la femme de sa vie, l’écrivain Siri Hustvedt qui sera son épouse et celle qui partage sa vie depuis trente ans.
De page en page, nous vivons les quatre saisons d’un homme qui ressent les méfaits de l’hiver qui frappe à la porte trop vite.
Paul Auster est un auteur inconstant, qui m’a déjà donné de beaux moments de lecture mais aussi parfois de grandes déceptions. Ici d’ailleurs il se perd dans les méandres d’un journal intime rempli de banalités affligeantes. À tel point que les dernières lignes du récit sonnent tel un soulagement d’enfin pouvoir refermer le livre…
Je reste donc suspendue à la plume pourtant si fertile de l’auteur, espérant un récit comme le magistral et plus ancien « La nuit de l’oracle » ou encore l’actuel « Seul dans le noir » où l’on retrouve un univers qui lui va si bien.
Chronique d’hiver de Paul Auster, éditions Actes Sud
Date de parution : 02/03/2013
Article publié par Catherine le 31 mars 2013 dans la catégorie
vin de table