Toc… Toc… Toc… Voici la rentrée littéraire qui s’annonce à grandes enjambées, à grands coups de plume. Déjà retentissent les échos venus de grands coups de cœur et… de gueule. Les plumes et les claviers s’entrechoquent, se disputent ou se félicitent…
Tandis que j’ouvre le grand rideau pourpre ornant la scène de notre site…
C’est donc Véronique Olmi qui entre en scène la première… Je l’accompagne en coulisse et me lance tout de go, à cœur ouvert, pour livrer ici mon premier ressenti…
Véronique Olmi est une auteure que j’apprécie et que je suis avec beaucoup de plaisir. Je tiens à remercier au passage la personne qui m’a offert ce livre.
Nous voici donc en compagnie de Suzanne, accordeuse de piano, ni très jeune, ni très jolie, au physique quelconque même. Elle mène une vie sans histoire auprès d’Antoine, son époux. Un jour, elle se rend chez Serge pour accorder le piano de son fils Théo. Tout semble réussir à Serge… Il est très bel homme, vit avec sa très jeune femme Lucie, est père de deux beaux enfants, a un emploi honorable. Une vie sans histoire, sans anicroche… Pourtant derrière le masque de bonheur que porte Serge se cachent tourments et chagrin larvé.
Serge ne regarde pas d’emblée Suzanne lorsqu’elle vient pour la première fois chez lui… Mais lors de la deuxième rencontre, le charme opère et Serge est en émoi. Alors qu’il est marié et heureux, il se sent attiré par le charme discret émanant de Suzanne. Pourtant, elle n’a aucun pouvoir de séduction… De petite taille, portant des vêtements ordinaires, peu élégante, Suzanne n’a pas grand-chose pour elle. Mais désormais, elle occupera les pensées de Serge à temps plein.
Et il songe à sa vie dénuée de passion, qui s’essouffle et se fane, à son quotidien sans flamme auprès de celle qui partage sa vie, les lendemains sans fougue, d’un ennui affligeant…
Voici le récit d’une rencontre improbable entre deux êtres aux antipodes, sur fond de passion, tels sont les ingrédients de ce voyage teinté d’amour dont l’auteure est coutumière.
On se laisse porter par cette histoire en forme de mélopée mais celle-ci glisse au début puis dérape un peu prenant la forme d’un cri d’alarme.
Le lecteur se désole un peu de ne pouvoir cerner pleinement la personnalité de Serge. D’un bout à l’autre du récit, il mène la danse et s’égare dans une bourrasque de sentiments, entraîne le lecteur avec lui, un peu désarçonné. L’on passe du silence à la fougue mais on a du mal à le suivre… On s’interroge sur ce qu’il ressent vraiment, leurre ou amour véritable ? Amour ? Passion ? Dérision ? Jusqu’où ira donc Serge pour se délester des poids qui engourdissent son âme ? Ou peut-être cherche-t-il simplement à briser le fil de sa vie en s’attachant à Suzanne, en la prenant comme une sorte d’exutoire à sa perdition, une confidente ?
Le personnage de Serge est un peu équivoque et l’on finit par se perdre dans les méandres tortueux de ses pensées…
Il y a certes de très beaux passages et l’auteur nous invite à la réflexion : comment sortir du quotidien quand celui-ci devient pesant jusqu’à trébucher en chemin ?
Nous étions faits pour être heureux de Véronique Olmi, éditions Albin Michel
Date de parution : 22/08/2012
Article publié par Catherine le 31 août 2012 dans la catégorie
Cru bourgeois
Avant les premiers balbutiements de la rentrée littéraire, les lectures de cette fin d’été s’essoufflent et les chroniqueurs fléchissent… pour mieux rebondir d’ici quelques jours.
Et puisqu’on en est à parler Belge ici, l’envie m’est venue de sortir d’un tiroir mon carnet de notes et de déposer un billet de lecture griffonné, laissé à l’état d’ébauche au profit d’autres chroniques qui se sont enchaînées et d’autres encore qui suivront.
Nous voici donc en Hainaut belge dans les années 80, précisément à La Louvière, ville qui exhale encore le charbon. Quelque part, dans la rue des Amours, une bagarre éclate entre quelques jeunes voyous. Lorsqu’un malheureux bambin est interpellé et tabassé par le groupe. Tito veut sauver le gamin et s’interpose… Un enfant meurt alors, le crâne éclaté sur une borne d’incendie… Assassinat ? Accident ? Tito fuit…
Vingt ans plus tard, il revient à La Louvière, sans bagage, le cœur meurtri de forfaiture, traînant la jambe après avoir vagabondé sur le continent africain.
Dans son chemin de perdition, il rencontrera une femme aux cheveux blonds oxygénés, à l’âme ruinée, qui nourrit la même détresse que lui … Et dans sa tête sa vie défile. De l’adolescent candide à l’assassin malgré lui, qu’est-il arrivé ? Que sera demain aux côtés de cette femme brisée ?
L’auteur nous pose cette question fondamentale : qu’attendre des lendemains lorsqu’une rencontre improbable entre deux êtres largués à l’âme décousue se produit ?
La poésie omniprésente s’immisce entre les lignes et c’est ce qui sauve un peu la trame de fonds de ce drame au ton grisâtre et austère. Certes… Mais je n’ai pas été sensible au style parfois pesant, où l’émotion n’est pas toujours au faîte.
La plume de l’auteur est indéniablement de grande qualité, parfois peut-être un peu académique, ce qui enlève à mon sens spontanéité et fraîcheur…
Entre les classements de notre site, mon cœur balance… « Vin de table » ou « Cru bourgeois » ? Allez ! Je serai indulgente… Je le glisserai donc dans la catégorie « Cru bourgeois »
Au coin de la rue des Amours de Xavier Deutsch, éditions Luc Pire, collection « Kiss and Read »
Date de parution : 30/05/2012
Article publié par Catherine le 26 août 2012 dans la catégorie
Cru bourgeois
Voici un petit livre singulier d’à peine une centaine de pages, publié par une maison toute récente, les éditions Artibella. Selon son directeur, Rémi Goutayer, la maison entend se démarquer par une ligne éditoriale bien précise et non conventionnelle. Ceci me semble un excellent choix… Le nombre d’auteurs et d’éditeurs n’est pas en diminution, alors que les lecteurs semblent s’éparpiller et passer de plus en plus de temps devant des écrans et des sites tels que les forums ou les réseaux dits “sociaux”, véritable gouffres où la culture se perd.
Artibella lance donc une ligne éditoriale, qui se démarque immédiatement en faisant bonne impression. Le premier ouvrage publié est de belle facture, et si l’image de couverture est plus simple que celles d’Actes sud par exemple (en fait il n’y a pas d’image mais une jolie bannière jaune-gris), la finition est excellente et très professionnelle ! Une ligne bien précise et une bonne promo, voilà deux qualités essentielles pour un éditeur, surtout à ses débuts. L’éditeur a choisi un bon moyen de promotion puisqu’il nous a fait confiance (merci à lui). Bref, je plaisante un peu, mais comment ne pas s’amuser, puisque la première publication de la maison, “Mémoires d’un chien jaune” est aussi bourrée d’humour !
L’éditeur remet à l’honneur un grand écrivain nouvelliste du début du XXième siècle : O. Henry, de son pseudo, qui s’appelait en fait William Sydney Porter. Jetez un œil ici … O. Henry a écrit des centaines de nouvelles, ayant pour cadre essentiellement la vie sociale américaine au tournant du siècle (dernier).
“Mémoires d’un chien jaune” est un petit recueil de six nouvelles décapantes. Le ton est humoristique, sarcastique même. L’auteur dépeint la société américaine de l’époque avec férocité. Tantôt c’est un chien jaune qui s’exprime… Il déteste les familiarités et peste contre les manies de sa maîtresse qui le considère comme un objet, lui qui aspire à être estimé. L’auteur a une voix forte et la fait résonner dans ses personnages. Le chien jaune a du tempérament, de même que les figures de proue des autres nouvelles. Ainsi nous sommes pris dans les manigances de deux escrocs qui entendent faire un gros coup à Wall Street. Ils y rencontrent l’illustre JP Morgan en personne, affairiste notoire, qui leur jouera un bon tour. Nous ferons connaissance avec deux jeunes femmes artistes, dont l’une gravement malade refuse de se battre. Elle pense que son chemin sera terminé lorsque la dernière feuille d’un arbre tombera. Pourtant une feuille résiste… Dans une autre nouvelle, un clochard entend commettre un délit pour passer l’hiver logé et nourri en prison. Mais toutes ses ruses échouent… Un tandem d’amis se retrouve dans une cahute qui est prise d’assaut par la neige. Ils se mettent à lire, mais ils tireront chacun des enseignements très différentes de leurs lectures…
L’auteur met en scène les travers et particularités des gens de son époque, dans des situations particulières, parfois poussées à la limite de l’absurde… Il passe le monde sous une sorte de loupe très personnelle, et met ainsi en relief des comportements insolites et amusants. Mais il ne nous sert pas une liqueur littéraire prête à être avalée. Le millésime que nous donne O. Henry est succulent. Cependant, il se déguste à petites gorgées, et le lecteur doit avoir un palais raffiné, ainsi qu’un sens de la déduction, pour apprécier les mille et une saveurs de ce breuvage complexe. Ce n’est pas une lecture qui s’avale comme une bibine de grande surface, mais qui se savoure plutôt page après page, avec quelques pauses et des relectures. Un grand vin se mérite… Idée judicieuse d’avoir donné un nouvelle essor à ce recueil !
Mémoires d’un chien jaune – O. Henry. Éditions Artibella
Date de parution : 15/07/2012
Article publié par Noann le 21 août 2012 dans la catégorie
Cru bourgeois
Sept sages sont appelés par une voix mystérieuse : un vieux rabbin, un moine, une mystique hindoue, un musulman, un taoïste, une philosophe hollandaise, et une chamane. Chacun entend un message ou fait un rêve, qui les convie à se rendre au Tibet, dans un monastère. Ils font la connaissance d’un vieux lama tibétain, le Lama Dorjé. Lui aussi a rêvé, il a rêvé que sept sages devaient arriver ce matin-là au monastère. Ça tombe bien, ils arrivent justement… Le rêve est la clé de voûte de ce bouquin.
Les sept sages font alors des rêves prémonitoires. Ils voient des temples détruits, des universités dévastées, etc… Comme ce sont de grands sages, très grands sages même, jamais ils ne se disputent, et ils trouvent même la clé de l’énigme en cinq minutes. Ces prémonitions sont un signe que le monde va être détruit, c’est évident, il n’y a pas à en douter. Ils se sentent investis de la mission divine qui consiste à trouver une sorte de vérité universelle, et de l’enseigner à deux enfants…
Tout se met en place assez vite, et ces sept bonzes qui sont décidément d’une sagesse et d’une lucidité surnaturelles, vont en quelques soirées parvenir à édicter les lois supérieures et universelles de l’âme. Ici, le texte prend un tour plus narratif. Chaque paragraphe ou presque commence par “Un sage prit la parole et dit…”
Si la première partie du livre commence par un roman, qu’il ne faut pas analyser avec un œil trop rationnel, la suite est une énumération de principes. Ces vérités ultimes sont édictées une à une, avec quelquefois un petit exemple en illustration. Alors bon. Tout ceci pourra peut-être séduire les lecteurs avides de philosophie vulgarisée. Encore que, peut-on parler de philosophie, n’est-on pas dans le mode religieux, qui consiste à énoncer des dogmes ? Les principes sont parfois bien connus, d’autres coulent de source (mais il est bon de les rappeler). Quelques uns tiennent du cliché. L’ensemble est une sorte de compilation de lois et préceptes assez répandus, donnés de façon un peu directe, sans discussion…
Le début du livre annonçait un développement remarquable. On eût pu s’attendre à une confrontation entre les différentes religions, qui aurait abouti à des croisements ou des contradictions, bref, un débat. Or nous sommes ici dans le mode de la vérité qui se veut supérieure et ultime, comme en ont professé des centaines de prélats depuis des milliers d’années. Il contient certes quelques belles leçons, qu’il est toujours bon de méditer. Mais cela m’a fait penser au cours d’un vieux prof tourné vers son tableau, qui enseigne sans communiquer avec ses étudiants, ce qui est pourtant une des lois fondamentales de la pédagogie.
“Possédez des objets, mais n’en soyez pas possédés.”
“Se connaitre soi-même permet d’apprendre à se maitriser.”
“Cultivez la bonne humeur, la gaieté, l’humour…”
“Allons, mets-toi en marche et va vers toi-même. Alors l’univers te sourira”
“… la grande vérité de la sagesse éternelle : le chemin consiste à passer de la conscience égotique à la conscience universelle.”
L’Âme du monde – Frédéric Lenoir. Éditions NIL
Date de parution : 10/05/2012
Article publié par Noann le 19 août 2012 dans la catégorie
vin de table
« Tu dois me dire la vérité pour que je marche sur la terre ferme »
Voici sept histoires où des personnages en plein tourment, hésitants et perdus dans leurs doutes, leurs remords aussi, se croisent, se confient, s’épanchent ou… se taisent. Des bouts de vie habités par le mensonge, l’incertitude, la déception.
L’auteur nous présente tour à tour des hommes et des femmes, tantôt amoureux fous, tantôt meurtris, des âmes où se claquemurent non-dits, mensonges larvés, décisions avortées… et tout ceci pour épargner l’entourage, aimer une dernière fois, ou entretenir de petites querelles intestines, de petits mystères, des désaccords jamais révélés.
Ainsi nous croiserons plusieurs destins, celui de deux amoureux du troisième-âge qui se rencontrent en Afrique, d’un grand-père à bout de souffle, rongé par le cancer, qui cachera à ses proches sa décision de mettre fin à ses jours pendant les vacances familiales, d’une femme âgée remplie d’amertume, déçue par l’amour.
Un recueil de nouvelles magistral, qui parle de nos choix, de nos sacrifices et de nos résignations.
La plume de l’auteur est mouillée de limpidité et de vérité. Elle est à la fois tranchante comme un couperet et lumineuse d’émotions.
Avec beaucoup de lucidité, il sonde les abîmes de ces âmes fracturées et met en exergue les désirs de chacun de s’en sortir à tout prix, en se cachant derrière le mensonge, souvent inconscient, pour occulter la souffrance et le désarroi.
Au fil de ces récits de vie, le lecteur est porté délicatement par tous les personnages, grands menteurs malgré eux, portant le fardeau de leurs duperies comme des boucliers afin d’affronter les aléas de la vie, les chemins sinueux, les combats vains et stériles.
J’ai été emportée par la justesse et la sincérité qui émanent de ces nouvelles. L’auteur analyse avec beaucoup de talent les profondeurs de l’âme humaine dans ses coins et recoins, tantôt transparents tantôt assombris, cherchant par là peut-être à convaincre le lecteur que le mensonge est parfois salutaire…
Brillant…
Mensonges d’été de Bernhard Schlink, éditions Gallimard
Date de parution : 14/06/2012
Article publié par Catherine le 17 août 2012 dans la catégorie
Grand vin
Après le décès de sa compagne Michèle, Christophe part s’exiler en ermite dans un lugubre appartement d’une cité mal fréquentée. Il cherche à fuir toutes les traces de son passé. Son logement est particulièrement dépouillé, sa vie ne se résume plus qu’à des journées et des nuits de méditation. Il devient avachi, aigri. Ses relations avec sa famille sont des plus mauvaises. Sa mère et sa sœur ne lui pardonnent pas sa liaison avec Michèle, une ancienne prostituée.
Bien que vivant constamment dans l’ombre, un jour, il rencontre Nassima, une jeune femme qui exhale joie et clarté. Elle habite dans la même cité, et connait elle aussi pas mal de déboires existentiels. Lorsqu’un jour elle est retrouvée morte, assassinée, égorgée. Pour Christophe c’est le début d’un nouveau tunnel. Puis quelques mois plus tard, Pascal, le fils de Nassima, vient lui rendre visite à l’improviste. D’abord totalement rétif, Christophe se découvre des points communs avec le garçon. Un père absent, un goût pour la moto. Ils finissent par devenir les meilleurs amis du monde. Mais tout va trop bien, la vie est trop tranquille. Alors survient, comme dans tout roman, ou presque, un drame.
L’auteur nous fait glisser en quelques mots dans l’esprit de Christophe, il nous parle de façon confidentielle, à la première personne. Christophe s’épanche longuement, mais sans pathos, dans un style clair, sans affect et sans effets, avec des expressions de tous les jours. Le lecteur n’aura aucun mal à éprouver de la sympathie ou de l’empathie pour cet homme paumé, qui rabâche sa vie de tous les jours mais de façon attachante… L’amitié qu’il éprouve pour le fils de son amie donne un nouveau sens à sa vie, qui serait restée morne indéfiniment. La fin est émouvante mais un peu sombre.
Il émane de ce “récit” un peu de nostalgie, d’amertume, de tristesse, que sauvent quelques lueurs d’espoir… C’est une plongée réaliste dans les affres de la vie des cités, dans une ville où la débauche règne. Mais quelle est donc cette cité qui n’est jamais citée ? Il me semble que c’est Liège, la ville dite ardente. Mais l’auteur ne la nomme jamais, et si certains éléments fixent les idées, d’autres semblent imaginaires. Ce roman m’a fait penser à un film des frères Dardenne… Issus de la même ville déshéritée. J’ai beaucoup aimé, mais j’avoue que cette histoire m’a rappelé bien des endroits où la vie m’a façonné, depuis trente ans…
“Quand on vit seul, la machine à penser n’arrête pas de tourner, mais le plus souvent à vide.”
“Pour échouer dans la cité des Marais, il faut avoir traversé des épreuves dont chacune vous a fait descendre d’un ou plusieurs crans dans la hiérarchie sociale”
Les promeneurs – Marc Pirlet. Éditions murmures des soirs
Date de parution : 01/02/2012
Article publié par Noann le 12 août 2012 dans la catégorie
Grand vin
Al a quinze ans, un Q.I. qui fait frémir et une taille imposante… 2 m 10. De son enfance il ne garde que de mauvais souvenirs – sa mère le malmène et son père, démoli par ses souvenirs du Vietnam et dominé par sa femme violente et revêche l’abandonne. Al devient amer, révolté et il commet le pire. Il tue ses grands-parents au moment où Kennedy est assassiné…
L’auteur nous relate avec talent l’histoire vraie de cet ado au cœur meurtri, tourmenté par un passé déjà fracturé malgré son jeune âge. Alors, il se vengera de ses blessures et de cet enfer qu’il endure depuis ses premiers pas sur terre. Ainsi il arrivera à ses fins dans chacune de ses démarches jusqu’au geste irrémédiable qui le conduira vers la geôle. Condamné pour l’assassinat de ses grands-parents, il n’en restera pas là et passera une nouvelle fois à l’acte en tuant sa mère et ensuite huit jeune filles…
Tour à tour il va mener son entourage par le bout du nez depuis le directeur de la prison où il est incarcéré jusqu’au juge qui en perdra son latin.
Emprisonné à vie puis libéré ensuite grâce au diagnostic d’un psychiatre qui le déclare sain et apte à se réinsérer, il va mener une vie insolite en se liant même à un policier…
Et le lecteur se laisse porter par ce héros, ce molosse à la taille démesurée mais au cœur blessé.
Avec une plume magistrale et émouvante, l’auteur nous convainc de compassion envers cet ado déluré et antipathique dans les premières lignes mais qui devient au fil du récit attachant, voire troublant. Son comportement interpelle et inquiète mais l’on n’a qu’une seule envie, en savoir plus encore et encore sur ce personnage qui nous désarme et nous ensorcèle à la fois.
Marc Dugain scrute et analyse l’âme humaine dans ce qu’elle a de tourmenté, brisé, d’horrifique aussi qui engendrent parfois des comportements insensés comme ceux de son héros. Le lecteur découvre l’univers d’un jeune homme désaxé, en proie à ses démons qui perd la tête jusqu’à accomplir l’horreur.
Un récit que l’on ne quitte pas des yeux du début à la fin, qu’importe même le tumulte et les conversations qui résonnent en bruit de fond tout autour, nous laissant seul, en communion avec le livre, jusqu’à se désintéresser du reste.
Habituellement, je ne suis pas férue des histoires vraies ou des faits réels mis en image ou en écriture, mais la plume de l’auteur sauve cet a priori et j’ai fermé ce livre à regret…
Poignant.
Avenue des Géants de Marc Dugain. Éditions Gallimard
Date de parution : 24/04/2012
Article publié par Catherine le 8 août 2012 dans la catégorie
Grand vin
« J’ai perdu ma mère. Elle a disparu il y a plus de dix ans. Ma mère est morte, je le sais. Mais, lorsque j’y pense, je ne ressens aucun chagrin, pas la moindre émotion. »
Par ces mots chargés de sens débute le quatorzième roman de Nathalie Rheims. Mais s’agit-il vraiment d’un roman ou d’une auto-biographie ? Le doute plane un peu, tout au long des pages. Tant la présentation de l’éditeur que l’introduction de l’auteur laissent penser à une histoire fictive… Pourtant on sent beaucoup de conviction, de réalisme, d’affect personnel… S’agirait-il d’une œuvre intermédiaire, qui marie la puissance du réalisme à la force de l’imagination ? Un travestissement peut-être, d’une réalité trop sombre, trop lourde, un arrangement avec les morts, sous le fardeau de l’hypocrisie imposée par une famille bien pensante…?
La famille justement, elle est au centre de cette histoire. Elle est imposante, dominante. C’est une famille de capitalistes notables et notoires, bien établie depuis des générations. Une famille où tout ne se dit pas, où les sentiments sont considérés comme nuisibles. Il ne fait pas bon critiquer, surtout les siens. Il ne faut pas s’exprimer directement, ouvertement. Dans ce milieu-là, la vérité ressemble quelquefois à un blasphème, surtout lorsqu’elle touche à la personnalité. À moins que cette façon de voir les choses soit celle pressentie par la narratrice, par le miroir déformant de ses émotions.
La mère est en point de mire. Presque toujours absente dans la vie. Omniprésente dans le récit, dans les souvenirs. Elle a quitté sa fille, la narratrice, brutalement, à un âge où la présence d’une mère aimante compte plus que tout. Elle est partie pour un hidalgo, un magicien, un artiste, qui l’a subjuguée habilement. Pour lui elle aurait tout fait, elle a tout fait, elle a tout donné. Et la fille subitement n’avait plus d’importance… Longtemps après, après la mort de la mère, la fille se souvient et dresse un portrait touchant de cette mère ambivalente, qui a fait tant défaut, tout en monopolisant chacune de ses pensées… La fille ressuscite des sentiments inhumés depuis longtemps, et qui n’avaient finalement pas assez vécu. La fille parle de sa mère. Elle parle à sa mère, lui pose des question, tente des réponses…
L’écriture est concise, ciselée, fluide. Les phrases ouvragées. L’émotion omniprésente. Chaque mot parle et évoque la douleur d’un passé qui ne cesse de hanter le présent, dans ses moindres instants…
C’eût pu être mortellement ennuyeux. La plupart des écrivains évoquent tôt ou tard leurs parents, avec plus ou moins de brio. Mais l’auteure de “Laisse les cendres s’envoler” évite les pièges usuels du genre, le narcissisme, le pathos, les anecdotes trop personnelles, l’excès d’enthousiasme… L’histoire est un peu amère dans le fond, mais vue par une plume qui cherche à comprendre, avec une lucidité implacable, qui ne condamne pas. Avec talent, l’auteure nous introduit dans cette famille éclatée, par le jeu des pensées, des souvenirs ambigus, riches de sens, et des émotions authentiques et profondes.
Laisser les cendres s’envoler – Nathalie Rheims. Éditions Léo Scheer
Date de parution : 22/08/2012
Article publié par Noann le 30 juillet 2012 dans la catégorie
Grand vin