Grand vin

C’est ainsi – M.J. Hyland

Alors qu’il avait tous les atouts pour devenir un brillant étudiant à l’université, Patrick a décidé de tourner la page et de suivre son rêve, devenir mécanicien automobile. Et ce garçon à la sensibilité exacerbée, un peu maladroit, un peu rêveur travaille d’arrache-pied au service d’un patron garagiste qui ne le met pas en valeur, l’ignore complètement.

Le rêve qu’il nourrissait s’écroule peu à peu. Sentimentalement, il va de déception en déception, tente de survivre à une peine de cœur. Il se claquemure dans une pension de famille sur la côte irlandaise, tenue par Brigdet. Dans cet exil, les femmes qu’il rencontrera ne lui donneront que de grands chagrins. Tour à tour, celles qu’il tente de séduire se montrent indifférentes et ses approches pour conquérir leur cœur sont vouées à l’échec.

Ainsi il s’éprend de Brigdet, qui repousse ses avances et joue un double jeu, puis rencontre Georgia, la serveuse, qui se moque de lui.  C'est ainsi
Même son colocataire est hautain et suffisant à son égard. Tout son univers est hostile et il finit par sombrer dans une déprime morbide.

Jusqu’au jour où tout bascule… Lors d’une petite fête qu’organise Bridget, le malheureux garçon est triste. Il observe cette femme qui lui fait battre le cœur un peu plus fort, ne supporte plus ses attitudes qui frisent la vulgarité, se mêlant ainsi aux autres femmes présentes à la fête, toutes plus lâches les unes que les autres… Animé d’une rage soudaine, il s’embrase, explose et… c’est la tragédie.
Patrick est emprisonné et sa descente vers les abîmes est violente, sans espoir de retour…

À travers des mots qui touchent en plein cœur, l’auteur nous invite à suivre cet antihéros malmené par la vie, les femmes, les autres. J’ai été particulièrement émue par cet homme fragile, sensible, incompris, rare pourtant… mais qui dérange.

Avec beaucoup de sensibilité et d’intensité, l’auteur dessine notre société où tout n’est indifférence et mépris. Avec une plume mouillée d’acide, il nous ouvre les yeux…  Tel est donc cet univers froid et ingrat dans lequel nous baignons, ce macrocosme dénué d’émotion où tout est irrespect et où la reconnaissance d’autrui fait cruellement défaut.
Le récit d’une vie fracturée, d’un cœur meurtri. Une âme immense qui s’est ternie faute d’avoir été sondée et nourrie …

C’est ainsi de M.J. Hyland, éditions Actes Sud

Date de parution : 01/02/2012  
Article publié par Catherine le 17 mai 2012 dans la catégorie Grand vin
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Cru bourgeois

Pierre Rapsat, ses rêves sont en nous – Thierry Coljon

« Tous les rêves, tous les rêves que l´on a poursuivis
Tous les rêves, tous ces rêves pour un bel aujourd’hui
Et qui nous donnaient l’envie d´aller jusqu’au bout
À présent nous supplient de rester debout …»

Je voudrais vous parler d’un livre tout particulier. J’ai voulu que ce «billet» succinct soit une sorte d’interlude, d’escale avant de revenir vers vous avec la chronique d’un roman refermé il y a peu.
Alors je prends à la fois la plume et ma guitare pour vous livrer une sorte de «mélopée de mots»…

À l’occasion du dixième anniversaire de la mort de Pierre Rapsat (personnellement je n’aime pas cette façon de dire les choses  « anniversaire de la mort » mais je dirai plutôt « retrouvailles » ), l’auteur nous livre une biographie magnifiquement bien écrite, très explicitée et très complète, des témoignages inattendus, des bouts de vie de ce grand artiste disparu trop tôt comme on dit toujours, disparu de trop mots forts pour des causes qui lui tenaient à cœur, de trop d’émois, de trop de mélancolie, de trop de tout …  pour un cœur grand comme ça, «un cœur qui se bat, qui se débat», comme il disait.Pierre Rapsat

À mon tour et avec mes mots à moi tout simplement, je voulais rendre hommage ici à un chanteur aux textes forts, qui vous transpercent le cœur et l’âme.

Dans la biographie de l’artiste, l’auteur évoque son parcours musical, jalonné de combats avec les maisons de disque, les animateurs radio et toujours cette rigueur et cette perfection pour que les textes émeuvent et touchent le public, soient entourés d’une grande qualité musicale, que les airs résonnent dans le cœur de chacun, tantôt doux et mélancoliques, tantôt percutants, sonnant comme le glas.

Aussi, si je devais classer cet opus sur notre site, je hisserais dans la catégorie des grands vins, non pas seulement pour la qualité de la biographie de l’auteur mais surtout pour l’œuvre du chanteur né à Ixelles et disparu à Verviers … Disparu … non je dirai plutôt ressuscité à Verviers pour toujours. Un artiste hors pair qui imprègne de son aura une scène célèbre en Belgique, scène qui porte son nom …

« C’est un cœur qui se bat
Qui se débat
Qui est dans tous ses états
C’est un cœur qui bat
Parfois il s’emballe
Il a des hauts et des bas
Parfois il s´étale
Trop sentimental

Et ce cœur gros comme ça
Qui bat qui bat
Se pique d´être un roi
Face à une dame
Le voilà qu´il plane
Entre veine et déveine
Il s’ouvre et se ferme … »

Pierre Rapsat, ses rêves sont en nous de Thierry Coljon, Éditions Luc Pire

Date de parution : 10/02/2012  
Article publié par Catherine le 17 mai 2012 dans la catégorie Cru bourgeois
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Premier Grand Cru Classé

Le testament américain – Franz Bartelt

Il y a bien longtemps que je ne m’étais plus autant amusé en lisant un bouquin… On réalise à quel point la “littérature française” s’enlise quelquefois dans une sorte de sinistrose – en versant dans le pathétique, le pseudo-tragique, le complaisamment sordide, le faussement réaliste, etc etc etc… Or que voilà subitement un texte à la fois décapant et bien écrit, avec un style digne de euh… de chez Gallimard. Mais le ton est fantasque et un peu érotique, digne des éditions de la Musardine. On se prend au jeu, et c’est seulement en refermant que la couverture gris pâle et tristounette nous rappelle enfin que l’éditeur est un français, et pas des moindres. Car s’il est une tradition bien ancrée ici, c’est d’enrober de couvertures les plus hideuses possibles… Une façon sans doute d’affirmer que l’essentiel est dans les mots… Certes, mais quand les mots sont à l’instar de l’emballage… Quid ?Le testament américain

Nous voici dans le village de Neuville, où un généreux légataire américain, se souvenant de ses origines, a décidé de faire un cadeau d’envergure : un cimetière grandiose ! C’est une façon pour lui de convier les habitants à le rejoindre dans l’au-delà… Ce legs va bouleverser la vie du petit village, qui n’avait plus rien connu de remarquable depuis des siècles. Les traditions sont bien ancrées. L’esprit est resté un peu moyenâgeux…. Très rapidement, le chantier se met en place.. Et voilà que bientôt de somptueux tombeaux sont aménagés… Si beaux que certains habitants décident d’y élire domicile. En effet, on y trouve tout le confort moderne, électricité, sanitaires…

Nous faisons connaissance avec des personnages hauts en couleurs… Il y a la jeune Monique, qui couche avec son père, chose normale dans la famille, quoique… Elle rêve d’épouser Buh. Il y a le René Vendrèche, maire par intérim, qui rêve de trousser une journaliste, laquelle n’a pour ambition que de réaliser un reportage sur ce lieu devenu mythique ! Pour arriver à ses fins, René devra convaincre ses concitoyens…

Dans une écriture à la fois concise et agréable, l’auteur nous mène dans cette petite folie littéraire pas comme les autres. C’est à la fois bien écrit, sur un ton truculent, ironique, jamais lassant. Le seul regret c’est que la fin arrive trop vite. Ce roman est en quelque sorte un prélude de ce qu’il aurait pu être. Le lecteur attendra peut-être un développement, qui ne vient pas. Le texte poursuit sur un même mode, qui consiste à passer en revue les manies des habitants à la grosse loupe… Mais avec quel brio ! Décapant, distrayant, voici un roman que je conseille à ceux qui aiment la belle écriture mais pas trop sérieuse ! Un amalgame que l’auteur réussit fort bien…

“Anne-Marie Mingue était une vraie professionnelle de la télévision. Elle pratiquait la fellation avec ce sang-froid qui caractérise les gens de métier. Sa carrière avait été ponctuée d’un nombre décroissant de sexes érigés. Au début, jeune stagiaire, elle avait mâché tout le monde dans les coins, dans les toilettes, dans les voitures, dans le local à poubelles, dans le placard à balais, derrière la machine à café, partout où elle se supputait une chance raisonnable de progresser sur le chemin de la réussite. À vingt-trois ans, elle avait mâché son premier journaliste sportif, une vedette qui passait à l’antenne trois fois par semaine, et presque chaque soir en période de championnat.”

Le testament américain – Franz Bartelt. Éditions Gallimard

Date de parution : 29/03/2012  
Article publié par Noann le 11 mai 2012 dans la catégorie Premier Grand Cru Classé
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vin de table

Double identité – Didier Van Cauwelaert

Un botaniste de renom, décédé depuis, avait découvert les vertus médicinales d’une plante indienne volée et utilisée par des cosméticiens peu scrupuleux.

Par amour pour sa femme et parce que son cerveau traumatisé et sa mémoire meurtrie font resurgir des douleurs intérieures, un tueur repenti, utilise l’identité de ce botaniste afin de sauver l’avenir de la plante aux mille pouvoirs…

À coup de marteau piqueur, il s’immisce dans les pensées et les expériences du botaniste pour arriver à ses fins.
L’auteur reprend sa ligne de conduite et revient ici avec l’agent Stephen Lutz. Je n’ai pas lu les précédents opus mais je n’ai pas éprouvé de difficulté à prendre le train en marche, si ce n’est que l’intrigue m’a très rapidement lassée et j’ai cherché tant bien que mal un soupçon d’émotion dans ce récit… Je suis restée sur ma faim. Double identité

L’auteur nous livre une sorte de thriller où se croisent passion, inconscient et folie. Le suspense est certes au rendez-vous du début à la fin mais atteint une vitesse de croisière et décourage un peu le lecteur que cela fascine et attise.

S’entrecoupent et virevoltent alors dans une danse infernale plusieurs thématiques, celle de l’inconscient humain, du pouvoir et de la recherche d’une identité fissurée.

Aussi l’apologie de l’écologisme où la plante médicinale prend une proportion si immense qu’elle en devient humaine, certes une ode à la nature mais un peu trop larvée à mon sens, celle-ci aurait pu être beaucoup plus développée.
Il y a quelques passages d’humour acide qui sauvent un peu le déroulement du récit mais est-ce là suffisant pour accrocher le lecteur ?

Bon, le récit est censé être drôle et captivant… mais j’ai franchement eu du mal à entrer dans cette histoire loufoque et ce méli-mélo où tout devient si abscons qu’on en perd le fil de ses idées.

Impossible de continuer à se perdre dans toute cette confusion et on referme le livre… épuisé mais pas repu.

« Je suis né Steven Lutz. Il y a quelques mois encore, j’étais le meilleur élément de la Section 15, une unité clandestine utilisée par la CIA pour éliminer discrètement les personnes menaçant les «intérêts supérieurs» des États-Unis.
Quelle raison pousse un homme à devenir tueur professionnel ? Dans mon cas, c’est le dégoût de l’amateurisme. Et l’abus de littérature. Aucune circonstance atténuante, en tout cas : j’étais un enfant banal, ni orphelin, ni battu, ni trop gâté. »

Double identité de Didier Van Cauwelaert. Éditions. Albin Michel

Date de parution : 02/04/2012  
Article publié par Catherine le 8 mai 2012 dans la catégorie vin de table
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Premier Grand Cru Classé

La compagnie des femmes – Yves Simon

Je voudrais vous parler d’un livre un peu plus ancien, publié en 2011 par les Éditions Stock et sorti en livre de poche cette année. Je viens de le recevoir en cadeau et remercie la personne qui m’a offert ce beau moment de lecture…

J’appréciais déjà auparavant les textes de Yves Simon mis en chanson et connaissais aussi l’auteur pour avoir lu quelques-uns de ses romans. Beaucoup d’entre eux m’avaient tantôt bouleversée, tantôt émue.

Le narrateur aime Léonie, une jeune et belle métisse, mais il se sent vieillir, est rongé de doutes, rêve d’une thébaïde pour se plonger dans l’écriture d’un nouveau roman. En toile de fond de son voyage demeure toujours l’icône de son grand amour, celle qui a partagé ses bouts de vie, ses voyages, ses tourments aussi, celle qui restera désormais son repère, même s’il songe à d’autres femmes qu’il a croisées, belles, éphémères. Dans son cœur il a cloisonné ces amours fugaces sans jamais oublier tout à fait celle qui veille sur lui à l’autre bout de la France, celle qui se languit de lui sous le ciel parisien.La compagnie des femmes

Ainsi, l’auteur-narrateur décide de tailler la zone, de faire le compte à rebours de sa vie en nous invitant à le suivre d’un bout à l’autre de la France, entre Paris et le Sud. Une sorte de pèlerinage où chaque lieu recèle mille souvenirs qui, aussi lointains qu’ils soient n’ont jamais quitté ses pensées. Il revoit son enfance dans les Vosges, entre une mère serveuse et un père cheminot, puis découvrant l’Amérique par ses propres moyens.

Sa première escale le mènera à Lyon pour s’incliner sur la tombe de son ami Vincent parti trop tôt. Dans un bar à Lyon, il croisera Luna. Puis il poursuivra son chemin de traverse vers le Sud, s’arrêtera en Avignon où Camille l’émoustillera. À chaque étape, il y a une femme, une rencontre d’un instant, un émoi ou un fragment de vie partagé.

Et dans ce camaïeu d’azur méditerranéen, s’ensuivront des rencontres insolites, des arrêts sur image, des flashs qu’une mémoire en chaos ne peut oublier.

L’écriture est magistrale, poétique et on se laisse porter dans ce voyage aux mille couleurs qui se mélangent, aux mille parfums qui s’harmonisent, aux mille souvenirs qui s’arc-boutent et donnent au récit une magie et un émerveillement.
Un voyage à l’intérieur de soi aussi …

On referme le livre en se disant : « Quand repart-on ? »
Bouleversant …

« À chacun de mes pas, j’espérais Léonie, la figeais dans un avenir brumeux, elle à mes côtés, l’ombre et la lune collées à nos nuits. »
« Où es-tu Léonie ? À quoi penses-tu Léonie ? Que désires-tu Léonie ?
Étoile brillante de mon ciel, ton nom est une litanie stellaire que je veux prononcer, répéter parce qu’il est celui d’une femme dont j’ai envie d’être l’aimé … »

La compagnie des femmes de Yves Simon, Éditions Stock / Le livre de poche

Date de parution : 23/02/2011  
Article publié par Catherine le 5 mai 2012 dans la catégorie Premier Grand Cru Classé
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Premier Grand Cru Classé

Si tu existes ailleurs – Thierry Cohen

Un homme, qui porte le doux prénom de Noam, avec ‘m’ ! À l’âge de 11 ans, sa mère est victime devant ses yeux d’un accident de voiture. Bouleversé, il commence une longue thérapie (zut j’ai oublié le nom du toubib…) Quelques années plus tard, c’est devenu un homme beau mais chamboulé. Il travaille pour une entreprise comme responsable des ventes, et est en proie à de méchants démons. Son patron est intraitable, c’est un affairiste qui ne voit que les chiffres. Noam souffre. Sa vie sentimentale est chaotique. Seule sa sœur lui apporte du réconfort, ainsi que sa fille, Anna, trois ans. Mais Anna fait à Noam une révélation terrible : il va mourir d’un arrêt cardiaque, ainsi que cinq autres personnes. Cette parole produit un choc. Noam craint la mort, depuis le départ de sa mère. Il vit dans l’angoisse. Terrifié, il décide de revoir son ancienne thérapeute. Celle-ci lui présente une collègue aux méthodes surprenantes, une sorte de para-psychologue, qui lui affirme un truc étrange : Dieu se manifeste à travers certains être purs, des enfants, des handicapés, des âmes authentiques. Noam part en Israël, à la rencontre d’une enfant autiste, Sarah… Là-bas la parole des enfants est considérée sacrée, ils sont consultés pour leur pouvoir divinatoire… Commence une longue quête…

Si tu existes ailleursC’est assez rare, mais je n’ai rien trouvé de vraiment négatif dans ce roman parfaitement maitrisé, comme disent les critiques littéraires. Que des points positifs, à commencer par le mélange de réalisme et de fantastique, savamment dosé. On entre dans cette vie parfaitement crédible, amplement décrite. Ce Noam s’impose à nos yeux, avec ses craintes. Je suis vraiment entré dans la peau de ce personnage. Outre la similitude de prénom, il m’a donné à voir ma propre tourmente. Noam, c’était moi ! Je me suis senti embarqué dans cette histoire qui est aussi la mienne. J’ai adoré cet homme sensible, à mille parsecs des clichés en la matière. En effet, les médias ne cessent de nous marteler des histoires d’hommes violents et dominateurs, comme s’il n’y avait que ça au monde… On a l’impression que tous les hommes sont des brutes épaisses. Ça (m’a) fait plaisir de lire pour une fois l’histoire d’un homme fragile, comme il en existe tant !

Ensuite, rendons grâce à l’écriture à la fois lisible et riche, avec une jolie syntaxe. L’auteur entrelace des chapitres narratifs, des dialogues, et des extraits du journal de Noam. Le point de vue est sensible, tout en nuance, jamais ennuyeux, pour peu qu’on ait un minimum de finesse… On glisse subrepticement dans le surnaturel, sans s’en apercevoir, sur un fond réaliste prenant.

Si tu existes ailleurs – Thierry Cohen. Éditions Flammarion

Date de parution : 16/05/2012  
Article publié par Noann le 4 mai 2012 dans la catégorie Premier Grand Cru Classé
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Cru bourgeois

Mon père c’était toi ? Vincent Pichon-Varin

Gilles est un quadragénaire tranquille, qui partage sa vie entre deux métiers ; le jour, il est vendeur de vêtements au Bon Marché, le tout premier grand magasin à Paris. La nuit, il joue dans un cabaret de Monmartre. C’est un homme bien entouré, entre sa femme Lucie, sa fille Honorine. Et il y a surtout sa mère Monica, qui fait partie d’une pléiade d’amis au grand cœur, tous octogénaires, vivant en commun dans une vaste demeure parisienne…

Évidemment, tout ce petit monde ne va pas rester tranquillement dans son petit nid douillet. Une épopée commence quand Gilles reçoit une lettre de convocation émise par un notaire de Bernay, en pleine Normandie… Cette lettre est énigmatique. C’est une convocation, sans plus de détails. Pour Gilles, qui est un homme passablement tourmenté, c’est déjà le début de l’aventure. Cette lettre le chiffonne, mais le tabellion refuse de lui donner plus de détails par téléphone. Il devra patienter, et il sera récompensé ! Il vient de recevoir en legs une somptueuse demeure normande. Il décide d’aller y vivre et d’emmener la petite troupe d’amis, qui est en recherche d’un nouveau logement… Et surtout d’aventures. Ils vont rencontrer différents personnages, dont Eugène, un voisin assez particulier. Il a bien connu le donataire et se montre assez sibyllin à son égard. Qui est donc cet homme qui a fait un si beau cadeau ? Le père de Gilles, apprend-on assez vite… Mais qui était cet homme bizarre, à la fois sociable et ombrageux, changeant de chambre chaque nuit… De fil en aiguille, notre petit groupe va faire des découvertes dans cette demeure imposante et pleine de cachettes… Mais en dire plus serait dévoiler l’intrigue !Mon père c'était toi

Dans ce roman, l’auteur dessine une atmosphère particulière. D’abord, il y a ce groupe d’amis très soudé, la troupe comme il les appelle, véritables trublions qui, malgré leur grand âge, aiment s’amuser, tout en s’intéressant aux belles choses,  à l’art, au spectacle. On sera surpris de croiser çà et là des personnages notoires, Catherine Deneuve et Gérard Jugnot entre autres… Ainsi, la fiction croise la réalité, c’est amusant. Il y a aussi un petit air de parisianisme, ces octogénaires ont décidément un côté gavroche, un peu puritain malgré tout… Ils s’offusquent volontiers de choses anodines sous d’autres latitudes (à mon avis en tout cas – mais il faut avouer que j’habite dans la brousse…) L’auteur décrit leurs péripéties avec moult détails, ce qui donne une action relativement lente, on aurait aimé peut-être plus de vivacité dans l’intrigue.

Enfin, un mot sur la fin, mais pas trop… Le titre annonce le dénouement. On a compris que le héros allait retrouver son père et que ce sera la grande surprise… Ce faisant, avant la dernière ligne, on aura compris le fin mot de l’histoire. Personnellement, je n’ai pas vraiment cru que le père soit cet homme-là et que personne ne l’ait reconnu… Mais on peut aussi se laisser faire et admettre cette romance telle qu’elle est, pour son côté fantasque. Un dernier mot sur l’écriture, elle est simple, avec des mots et expressions de tous les jours, et donc fluide et facile à lire. L’auteur ne nous emberlificote pas avec des effets pompeux de style. Tant mieux, on n’aura pas l’esprit détourné et nous pourrons nous concentrer sur l’histoire un peu rocambolesque de cette petite dizaine de personnes débonnaires mais finalement assez attachantes.

“Gilles reprend ses esprits, franchit les dernières marches du perron et, la main tremblante, insère la clef dans l’antique serrure. les gonds crissent mais cèdent facilement. Il tourne la poignée en porcelaine pour libérer la clenche et pousse lentement la lourde porte en bois. La première chose qu’il perçoit est une forte odeur de parquet ciré ; ça sent l’encaustique, un parfum subtil mais franc. Cette odeur est d’autant plus surprenante que l’embrasure de la porte ne dévoile qu’un carrelage ancien à grands damiers biseautés noirs et blancs.”

Mon père c’était toi ? Vincent Pichon-Varin. Éditions du Cherche-midi

Date de parution : 10/05/2012  
Article publié par Noann le 2 mai 2012 dans la catégorie Cru bourgeois
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Grand vin

Je reviendrai avec la pluie – Takuji Ichikawa

Takumi a perdu sa femme Mio et vit seul avec son fils Yûji, âgé de six ans. Il fait de son mieux pour veiller à l’avenir de celui-ci, même si l’absence de la maman est très douloureuse. Pour ne pas sombrer, Takumi s’accroche tant bien que mal et la seule espérance qui le fait subsister est la promesse faite par Mio de revenir un jour avec la pluie pour voir comment ils s’en sortent sans elle. La saison des pluies arrive enfin…

Alors que Takumi se promène dans la forêt avec son fils, Mio apparaît soudain mais elle a perdu la mémoire et de son passé il ne reste qu’un grand vide…

Pour le couple, une nouvelle vie commence, ou plutôt doit-on parler de deux vies, l’une onirique et l’autre, celle pour Takumi d’une reconstruction auprès de sa compagne et complice depuis quinze ans, celle d’une angoisse et d’une renaissance aussi. Je reviendrai avec la pluie

Voici un récit où se mêlent à la fois poésie, philosophie et métaphysique. L’auteur nous embarque dans un voyage mystique et surnaturel où se croisent tristesse et espoir à la fois.

Ainsi il nous parle d’un monde parallèle où se réfugient les défunts, un astre nommé « Archive » se trouvant dans les tréfonds de notre cœur.

À travers une grande simplicité, l’auteur nous séduit et réussit un coup de maître en nous conduisant à suivre son style, très original, très personnel. Peu de mots, de développements stériles, d’atermoiements font de ce roman un ravissement, une réflexion sur le sens de la vie, le deuil, l’amour, le vrai, le grandiose.

Un bouillonnement de mots simples mais intenses qui éclaboussent à chaque page, donnant au lecteur une impression de merveilleux, de magique et lui délivrant un message d’espoir au-delà des frontières de la mort.

J’ai aimé cette approche qu’a l’auteur de l’amour que rien ne peut émousser ni éteindre, pas même le bout de la vie…

« De la main droite, j’ai tenu la main gauche de Mio. Fort. Comme si je pouvais ainsi l’ancrer dans ce monde.
Mio a serré ma main en retour. Ses doigts tremblaient légèrement. Elle a avait peur. Je percevais une profonde angoisse. Elle faisait cependant montre de sérénité pour moi. Je me suis dit : Sois fort. Pour elle. « Tout va bien, ai-je dit. Je suis là.
Mio a acquiescé, le teint pâle. Puis, main dans la main, nos cœurs unis en un. Nous avons traversé la première tempête d’angoisse. Le calme a fini par revenir, temporairement. »

Je reviendrai avec la pluie de Takuji Ichikawa, éditions Flammarion

Date de parution : 15/02/2012  
Article publié par Catherine le 1 mai 2012 dans la catégorie Grand vin
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Blog de littérature. Critiques, extraits, avis sur les livres…

Dessin de Jordi Viusà. Rédigé par des lecteurs passionnés